Le rover Perseverance sera lancé vers Mars cet été. Sous son châssis se trouve un élément bonus : l’hélicoptère Ingenuity. Il tentera de devenir le premier engin à voler sur la planète, dans des conditions qui rendent cette tâche complexe.

La date du départ approche : entre le 20 juillet et le 11 août 2020, la Nasa lancera la mission Mars 2020. Le rover Perseverance quittera la Terre, en direction de la planète rouge et de son cratère Jezero, son site d’atterrissage. L’astromobile embarquera avec lui un compagnon : Ingenuity, un petit hélicoptère qui sera libéré après l’arrivée sur le sol martien. S’il réussi sa mission, l’engin réalisera le premier vol effectué sur une autre planète dans l’histoire de l’exploration spatiale.

Parvenir à faire décoller Ingenuity sur le sol de Mars est un véritable défi technologique. Sur la planète rouge, les conditions de vol sont bien différentes de celles que l’on connaît sur Terre. « La première difficulté, c’est la pression, explique à Numerama Francis Rocard, astrophysicien et responsable du programme d’exploration du système solaire au Cnes. La pression sur Mars équivaut à peu près à la pression sur Terre à 30 ou 40 km d’altitude. Sur Terre, les hélicoptères ne peuvent pas monter à cette altitude-là, car il n’y a pas assez d’air. »

Le Mars Helicopter Scout (vue d'artiste). // Source : NASA/JPL-Caltech (photo recadrée)

Le Mars Helicopter Scout (vue d'artiste).

Source : NASA/JPL-Caltech (photo recadrée)

Légèreté, autonomie et résistance au froid

Pour concevoir Ingenuity, aussi connu sous le nom de Mars Helicopter Scout (MHS), il a fallu prévoir un appareil capable de monter seul dans l’atmosphère si ténue de la planète. « Il faut fabriquer un hélicoptère qui soit à la fois ultra léger, autonome et qui ait la capacité de s’élever dans une atmosphère à la pression de 6-8 millibars », poursuit l’astrophysicien. C’est pourquoi la Nasa et le Jet Propulsion Laboratory ont retenu ce concept, qui se présente sous la forme d’un hélicoptère possédant deux grands doubles pales, de 1,2 m, tournant rapidement dans le sens contraire l’une de l’autre. « Elles effectuent entre 2 400 et 2 900 tours par minute, ce qui est à peu près 10 fois plus rapide que les rotations d’hélicoptère classiques sur Terre », décrit Francis Rocard.

L’hélicoptère a été soumis à des tests, dans des cuves, pour vérifier qu’il pouvait supporter la basse pression ainsi que les températures de la planète rouge. Comme l’indique l’astrophysicien, « sur Mars, la difficulté est qu’il fait très froid. Il faut aussi pouvoir survivre la nuit, quand il fait à peu près -100 °C. »

La Nasa a dû se confronter à la contrainte de l’autonomie. Le Cnes s’était d’ailleurs aussi penché sur le sujet, avec une idée intéressante, mais malheureusement difficile à concrétiser. « L’idée consistait à faire atterrir un hélicoptère sur un chargeur par induction — un peu comme votre brosse à dents électrique, raconte Francis Rocard. L’idée est belle, mais en pratique, sur Mars, c’est compliqué, notamment si le chargeur à induction est sur le rover. Le mât du rover risque d’être percuté par les pales de l’hélicoptère. » La solution du Jet Propulsion Laboratory est d’avoir installé, au dessus des deux pales d’Ingenuity, un panneau solaire. Ainsi, l’hélicoptère peut se poser n’importe où, sans avoir besoin de revenir vers une base, et charger sa batterie là où il se trouve.

Des vols brefs : 90 secondes

Une fois qu’il se sera décroché du rover Perseverance, comment vont se dérouler les vols d’Ingenuity ? La mission devrait durer une trentaine de jours. Lors de ses envols, il ne faut pas s’attendre à ce que l’hélicoptère s’arrache très longtemps de la surface martienne, ni qu’il s’envole très haut. « L’hélicoptère, qui pèse 1,8 kilogramme, fera des vols extrêmement courts. Il réalisera des vols de 90 secondes pour des hauteurs de 3 à 5 mètres, indique Francis Rocard. Dès qu’il aura fait son vol, qu’il aura transmis au rover les quelques images qu’il aura prises du paysage, il ira se poser et passera les journées suivantes à charger sa batterie avec son petit panneau solaire. »

Ce n’est qu’une fois cette batterie chargée qu’un nouveau vol pourra être envisagé. Pourquoi le temps de charge est-il si long ? « Ingenuity a 360 watts de puissance. Son panneau solaire lui donne 3 watts : il faut des jours entiers pour charger la batterie », explique l’astrophysicien.

Un éclaireur qui ne doit pas gêner le rover en cas d’échec

Enfin, il faut garder à l’esprit qu’Ingenuity est une sorte de bonus dans la mission Mars 2020, dont le rover Perseverance sera le principal acteur. Comme son nom l’indique, Mars Helicopter Scout joue un rôle de démonstrateur. « Il est évident que la mission Perseverance doit pouvoir être menée sans l’hélicoptère, qui présente un certain risque. En aucun cas, la mission n’est en danger si l’hélicoptère faillit à sa tâche. Ingenuity est un ‘pathfinder’, un éclaireur, au sens des scouts », résume Francis Rocard.

Ingenuity et sa petite caméra serviront à observer le terrain, en volant en avant de la trajectoire du rover. Ainsi, explique l’astrophysicien, « la vue de ce terrain permettra d’optimiser la trajectoire de Perseverance ».

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