Installer une colonie humaine sur Mars se confronte à de nombreuses contraintes scientifiques. Par exemple, le nombre d’humains qui pourront être les premiers à s’installer est loin d’être anodin. Retranscrivant ses conclusions dans Scientific Reports, un astrophysicien s’est justement intéressé au nombre minimal de colons qui doivent idéalement s’installer sur une autre planète que la Terre.
Les astronautes en font déjà l’expérience, mais ce sera accru sur une planète : l’enjeu principal de l’exploration spatiale humaine est l’autosuffisance. Cela signifie qu’une colonie spatiale doit être capable de fonctionner au maximum en autonomie, grâce au recyclage des ressources apportées et à l’exploitation des ressources in situ (directement disponibles sur le lieu d’atterrissage).
Dans son article, publié à la mi-juin 2020, Jean-Marc Salotti explique avoir dressé un modèle mathématique pour répondre à la problématique, en se basant sur l’exemple le plus proche et le plus probable qu’est Mars. « Il est basé sur la comparaison entre le temps nécessaire à la mise en œuvre de toutes sortes d’activités humaines pour la survie à long terme et le temps disponible des colons », explique-t-il.
Le « facteur de partage »
D’après les calculs de Jean-Marc Salotti, une première colonie martienne devrait comporter 110 personnes. Il part d’abord du principe qu’étant donné le coût des voyages interplanétaires et la durée des vies des outils humains, les colons ne pourront pas vraiment compter sur les ressources importées pour développer une vraie stratégie de survie. À partir de cette base, deux facteurs entrent selon lui en ligne de compte pour assurer la survie d’une colonie :
- Les ressources locales disponibles : gaz, minéraux, liquides accessibles. « Pour survivre, il faut trouver des éléments chimiques spécifiques sur la planète (eau, oxygène, etc.). Ils doivent exister en tant que ressources locales disponibles ou être produits à partir de l’exploitation d’autres ressources locales. »
- La capacité de production : le nombre d’éléments (outils, aliments…) qui peuvent être produits parmi les éléments nécessaires à la survie. « Pour un nombre donné de colons, la capacité doit atteindre un seuil acceptable permettant la survie et le développement de la colonie. »
Si l’on résume ces deux facteurs, il faut donc que les ressources utiles soient en quantité suffisante et qu’elles puissent être transformées efficacement en éléments nécessaires à la survie. C’est là où le nombre de colons est très important : ces deux facteurs dépendent entièrement de ce que Jean-Marc Salotti appelle le « facteur de partage », ou dans quelle mesure le temps de production fourni par chaque individu contribue à réduire le temps de production des autres.
« Plus le nombre de personnes augmente, plus les besoins de survie augmentent. Néanmoins, comme certains objets peuvent être partagés entre plusieurs individus (par exemple, un habitat ou un véhicule), les besoins en temps de travail augmentent moins vite que la capacité en temps de travail. On s’attend donc à ce qu’au-delà d’un nombre minimum d’individus, la contrainte soit satisfaite et la survie devienne possible », écrit le scientifique.
Plus il y a de monde, plus il y a besoin de ressources. Mais plus il y a de monde, plus la capacité de production augmente aussi. Or, certains éléments produits peuvent être partagés (la plantation bénéficie à tous, les habitats abritent plusieurs personnes…). Il y a donc un nombre total de colons à partir duquel on obtient une sorte de point d’équilibre. Par exemple, un individu seul sur Mars devrait tout faire par lui-même : il lui faut cultiver et récolter sa plantation, transformer les minéraux pour créer des outils, faire la maintenance de l’habitat, procéder aux recherches scientifiques, etc. Avec une centaine de personnes, chacun se spécialise sur certaines tâches, réduisant le coût et le temps de travail de chacun alors même que tout le monde bénéficie des résultats de chaque tâche.
« Si ce nombre relativement faible se confirme, la survie sur une autre planète pourrait être plus simple que prévue, à condition que l’organisation des colons soit appropriée », note l’auteur, qui ajoute que ses calculs mathématiques et le chiffre obtenu sont évidemment soumis à débat.
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