« Le principal facteur de risque génétique de la Covid-19 sévère est hérité des Néandertaliens » : une nouvelle étude, déposée sur la plateforme bioRxiv le 3 juillet 2020 et repérée par le New York Times, établit un lien entre un morceau d’ADN transmis par les Hommes de Néandertal à nos ancêtres et la maladie Covid-19. L’article, qui n’a pas encore été publié dans une revue scientifique, dresse un lien intéressant entre l’histoire ancienne et la santé contemporaine.
Ce segment d’ADN aurait été transmis par l’Homme de Néandertal, une espèce humaine éteinte qui a vécu en Europe et au Moyen-Orient de -250 000 à -24 000 ans. La transmission aurait eu lieu il y a 60 000 ans, et aurait toujours des conséquences actuellement. Les ancêtres des humains actuels se sont étendus en dehors de l’Afrique, en Europe, Asie et Australie. Leur rencontre avec les Hommes de Néandertal a favorisé des métissages : l’ADN des Néandertaliens est entré dans notre propre patrimoine génétique.
Depuis, beaucoup de ces gènes ont disparu de notre patrimoine génétique, car ils se sont avérés nocifs. Mais certains ont perduré, car ils se sont révélés utiles, par exemple pour lutter contre des virus.
Un groupe de gènes associé à un risque de Covid-19 sévère
De quoi parle-t-on exactement ? Récemment, un autre groupe de scientifiques a travaillé sur un groupe de gènes, situés sur le chromosome 3, qui pourrait représenter un locus (nom donné à l’emplacement d’un gène sur un chromosome) associé à la maladie Covid-19. Autrement dit, l’emplacement de cette variation dans la séquence d’ADN pourrait être associé à une susceptibilité à la maladie.
Même si certains facteurs de risque sont connus (âge, sexe), ils ne permettent pas d’expliquer complètement pourquoi certaines personnes ne présentent aucun ou très peu de symptômes de la Covid-19, tandis que d’autres tombent plus gravement malades. C’est pourquoi la recherche s’est penchée sur les facteurs de risque génétiques. « Un ensemble de données récemment publié par la Covid-19 Host Genetics Initiative révèle que la région du chromosome 3 est la seule région significativement associée à une Covid-19 sévère à l’échelle du génome », écrivent les auteurs.
Dans leur étude, les chercheurs se demandent si cet haplotype (des gènes situés ensemble sur un chromosome et qui se transmettent ensemble lors de la reproduction) pouvait être entré dans la population humaine il y a environ 60 000 ans. « Nous avons donc recherché si l’haplotype a pu provenir de l’homme de Néandertal ou de l’Homme de Dénisovien [ndlr : une autre espèce éteinte] », poursuivent-ils.
Les auteurs ont découvert que la version du chromosome 3 qui semble augmenter le risque de connaître une Covid-19 sévère était la même que celle observée chez un Homme de Néandertal vivant en Croatie il y a 50 000 ans. Pour les scientifiques, il est possible qu’une réponse immunitaire à un ancien virus entraine aujourd’hui une réaction excessive contre le coronavirus à l’origine de la Covid-19.
Une variante inégalement répartie selon les régions
À partir de la base de données, les chercheurs estiment la présence de l’haplotype néandertalien dans plusieurs zones du monde. La fréquence la plus importante est constatée au Bangladesh « où plus de la moitié de la population (63 %) possède au moins une copie de la variante à risque néandertalien ». Pour les auteurs, « la variante néandertalienne peut donc contribuer substantiellement au risque de Covid-19 dans certaines populations ».
Des incertitudes restent cependant présentes : on ignore quelle est, dans ce segment d’ADN dérivé de l’Homme de Néandertal, la caractéristique qui serait responsable du risque potentiel de contracter une forme sévère de la Covid-19. Il resterait aussi à savoir si cette caractéristique est spécifique aux coronavirus actuels ou à d’autres pathogènes. Il apparait en tout cas clairement aux auteurs que « le flux génétique des Néandertaliens a des conséquences tragiques ».
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