On sait que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) représentent la principale cause du réchauffement planétaire. Ce gaz à effet de serre peut rester une centaine d’années dans l’atmosphère. Le méthane, quant à lui, se maintient un peu plus d’une décennie. C’est beaucoup moins, mais il ne faut pas se fier à cette temporalité : son impact sur l’effet de serre est 25 fois plus puissant que le dioxyde de carbone.
Les émissions mondiales de méthane augmentent, ce qui est une certitude de longue date. Mais une nouvelle étude, publiée ce 15 juillet 2020 dans deux revues (1, 2) et conduite par des scientifiques de Stanford, montre que les niveaux de cette augmentation sont plus élevés qu’on le calculait jusqu’alors. Ils ont même touché un niveau historique : le plus haut niveau jamais atteint.
En 2017, la dernière année en date dont toutes les données sont disponibles, ce sont 600 millions de tonnes de méthane qui ont été émises dans l’atmosphère de notre planète. Comme l’illustrent les scientifiques dans un commentaire sur leur étude, c’est comme si 350 millions de voitures avaient été ajoutées sur les routes cette année-là, ou comme si l’on avait doublé les émissions d’un pays comme la France ou l’Allemagne. S’il est évident que 350 millions de voitures n’ont pas été mises en circulation en 2017, les sources des émissions de méthane sont en revanche assez bien identifiées par les chercheurs.
Production d’énergie, agriculture…
Sans grande surprise, les activités humaines sont la cause majeure des émissions croissantes de méthane. Il existe bien des sources naturelles, comme le méthane qui s’échappe de la fonte du permafrost en Arctique. Mais le rôle de ces « fuites » reste a priori largement mineur.
Du côté des sources anthropogéniques (dues aux activités humaines), les pays les plus émetteurs — 10 à 15 millions de tonnes supplémentaires par an — sont essentiellement situés en Afrique, au Moyen-Orient, en Chine et en Asie du Sud, suivis par les États-Unis qui émettent plus de 4,5 millions de tonnes supplémentaires de méthane chaque année. En Europe, en revanche, les émissions de méthane sont dans une tendance à la baisse. Cela s’explique par de meilleures politiques agricoles, et le fait que les populations mangent davantage de volaille et de poisson que de bœufs.
La production et la distribution en énergie fossile sont dans la ligne de mire des auteurs de l’étude. « L’utilisation du gaz naturel augmente rapidement ici aux États-Unis et dans le monde entier. Il compense le charbon dans le secteur de l’électricité et réduit les émissions de dioxyde de carbone, mais augmente les émissions de méthane dans ce secteur », écrit Rob Jackson, à l’initiative de cette étude. Autre cause anthropogénique importante : l’agriculture. Cette activité représente les deux tiers des émissions de méthane dans le monde. En 2017, les émissions provenant de l’agriculture ont bondi de 227 millions de tonnes, soit 11 % au-dessus de la moyenne de 2000-2006.
Pour illustrer à quel point les émissions en méthane sont structurelles, les auteurs rappellent que si les émissions de dioxyde de carbone ont chuté pendant les confinements causés par la pandémie, ce n’est pas le cas du méthane. « Il n’y a aucune chance pour que les émissions de méthane aient diminué autant que les émissions de dioxyde de carbone en raison du virus. Nous continuons à chauffer nos maisons et nos bâtiments, et l’agriculture ne cesse de se développer. »
+ 4,3 degrés d’ici 2100
Atteindre un tel record dans les émissions d’un gaz à effet de serre comme le méthane n’est pas sans conséquence. La modélisation fournie par l’étude montre que cette trajectoire est en train de mener à une augmentation des températures mondiales moyennes de 4,3 degrés Celsius d’ici 2100 — de quoi mettre en péril les objectifs de l’Accord de Paris. Il s’agirait évidemment d’un seuil de température dangereux, tant pour les populations humaines que pour la biodiversité planétaire avec laquelle nous cohabitons.
Les auteurs de cette étude ne se contentent pas de tirer la sonnette d’alarme sur ces niveaux records dans les émissions de méthane. Ils rappellent que les solutions existent, et qu’on les connaît déjà très bien. « Nous devrons manger moins de viande et réduire les émissions liées à l’élevage du bétail et à la culture du riz, explique Rob Jackson, ainsi que remplacer le pétrole et le gaz naturel dans nos voitures et nos maisons. » La façon de nourrir les animaux d’élevage joue un rôle important. C’est l’un des aspects qui doit évoluer. Par exemple, certains compléments alimentaires pourraient permettre de réduire les « pets » de méthane des vaches. Rob Jackson se dit en tout cas assez optimiste sur les évolutions des pratiques.
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