Le trafic routier est l’une des principales sources des émissions de dioxyde de carbone (CO2), gaz à effet de serre en cause dans le changement climatique. La pandémie de 2020 a permis d’observer plus que jamais cet impact. Alors que 3 milliards d’humains étaient confinés à travers le monde, une grande partie du trafic routier s’est interrompu. Résultat : la baisse globale de la pollution sur cette période est due presque de moitié à la chute du trafic routier. L’empreinte carbone des véhicules terrestres à essence/diesel n’est plus à prouver.
Les solutions qui apparaissent spontanément : moins de véhicules individuels motorisés, moins de vitesse, ou encore le développement d’autres transports (voitures électriques, vélos, transports en commun). Un rapport de Transport for Quality of Life attire l’attention sur une nécessité peut-être plus urgente encore : arrêter la construction de nouvelles routes.
Les voitures électriques ne suffisent plus
Le rapport s’intéresse au nouveau programme britannique visant à développer le réseau routier sur le territoire, pour un coût total de 27 milliards de livres (29 milliards d’euros). D’après la modélisation réalisée par l’organisation, ces nouvelles routes seront à l’origine d’un supplément de 20 millions de tonnes de dioxyde de carbone entre 2020 et 2032. Le développement des voitures électriques ne suffirait pas à contrebalancer cet ajout routier à l’empreinte carbone : d’après le rapport, 80 % des bénéfices apportés par les transports électriques pourraient être tout bonnement annulés par ces nouvelles routes.
« Les gens pensent que les voitures électriques vont résoudre le problème de l’empreinte carbone des transports au Royaume-Uni, mais l’utilisation généralisée des voitures électriques va arriver trop tard », écrivent les auteurs du rapport, qui conclut qu’un tel programme de construction routière va « empirer les choses » concernant la crise climatique.
L’excédent de 20 millions de tonnes de CO2 proviendra de trois vecteurs :
- La construction des routes (l’énergie nécessaire pour la fabrication de nombreux matériaux comme l’acier, le béton, l’asphalte) ;
- L’accroissement de la vitesse en raison de routes sur de plus grandes distances (autoroutes), dont le maximum autorisé est plus élevé qu’ailleurs : la vitesse de conduite augmente l’empreinte carbone ;
- Le trafic routier supplémentaire généré par de nouvelles routes.
« En construisant plus de routes, nous créons une société plus dépendante de la voiture »
Contactée par Numerama, l’organisation Transport for Quality of Life alerte sur un quatrième aspect, plus imperceptible encore : « La pollution due au trafic est un problème social aussi bien qu’environnemental », nous signale Lynn Sloman. « Les riches peuvent payer pour vivre sur des routes tranquilles et verdoyantes, avec moins de circulation ; les pauvres ne peuvent pas. En construisant plus de routes, nous créons une société plus dépendante de la voiture, ce qui signifie plus de pollution, mais aussi moins de services et de magasins accessibles à pied et à vélo en toute sécurité. »
« Conduire moins »
Si le rapport de cette organisation étudie à la loupe le programme britannique de construction routière, pour Lynn Sloman il ne fait aucun doute que les conclusions s’appliquent partout. « Pour que des pays comme le Royaume-Uni et la France puissent réduire leurs émissions de carbone conformément à l’accord de Paris sur le climat, nous devons tout faire : passer des grosses voitures à essence et diesel aux petites voitures électriques, réduire la vitesse des véhicules et conduire moins. »
Tout miser sur les voitures électriques n’est donc pas suffisant, insiste Lynn Sloman auprès de Numerama. Ou en tout cas, ce n’est plus suffisant, car l’évolution a trop tardé : « Nous avons constaté que l’adoption des voitures électriques n’est pas assez rapide pour réduire les émissions dans la mesure nécessaire d’ici 2030. » Exception faite de la Norvège où les véhicules électriques ont été adoptés « beaucoup plus rapidement », l’un des principaux moyens de réduire les émissions carbone est de « réduire le kilométrage du trafic au cours des dix prochaines années, probablement de manière substantielle ». Cela passe par moins de routes et moins de vitesse, ainsi qu’un investissement redirigé vers les transports en commun et les pistes cyclables.
Lynn Sloman nous explique que la plupart des pays font face à un profond paradoxe : les promesses de réduction carbone ne collent pas assez avec la « sinistre réalité » d’une empreinte carbone des transports qui ne diminue pas assez vite. Elle regrette que les décideurs politiques ne perçoivent pas encore assez « qu’en investissant dans les trams et les bus, le vélo et la marche, nous pouvons créer des villes vivantes, belles et prospères », l’antithèse des autoroutes.
« Nous regardons avec admiration ce qui se passe à Paris et à Strasbourg »
Le constat d’une « sinistre réalité » ne rend pas pour autant Lynn Sloman pessimiste. Elle salue les mesures et tentatives lancées dans certaines communes françaises pour réduire le trafic routier. « Nous regardons avec admiration ce qu’il se passe à Paris et à Strasbourg, et dans des endroits comme Dunkerque qui expérimentent la gratuité des transports en bus comme moyen de réduire l’utilisation de la voiture. Je pense que d’autres politiciens finiront par rattraper ce mouvement. »
La conclusion du rapport, comme des dires de Lynn Sloman, est qu’il ne faut pas investir dans de nouvelles routes, mais bien de nouvelles façons de se déplacer : les bénéfices pourraient s’avérer bien supérieurs, que ce soit d’un point de vue écologique ou économique, autant que pour le bien-être humain.
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