En médecine, encore trop d’essais cliniques sont réalisés exclusivement ou en majeure partie sur des hommes. Les femmes font face à plus d’effets secondaires dans la prise de médicaments.

Comme l’astronomie ou les jeux vidéo, la recherche médicale n’est pas épargnée par les discriminations qui imprègnent notre société, et qui doivent être portées à la lumière pour une évolution positive. En août 2020, une équipe de recherche de Berkeley tient à attirer l’attention sur des données montrant que les femmes sont plus susceptibles de souffrir d’effets secondaires lors de la prise de médicaments. La raison : les dosages sont historiquement conçus à partir d’essais cliniques réalisés sur des hommes.

D’ailleurs, aux États-Unis, dans la seconde partie du XXe siècle, la Food and Drug Administration avait exclu les femmes en âge de procréer des essais cliniques — en raison de certains essais des années 1970-80 dont la prise de médicaments en phase de test avaient gravement touché par la suite les fœtus. Il a fallu que le Congrès vote, seulement en 1993, une politique d’inclusion pour que l’exclusion des femmes des essais cliniques soit abandonnée.

Une femme à la fenêtre // Source : Pixabay

Femme, fenêtre, temps gris

Source : Pixabay

La nouvelle étude, publiée en juin 2020 dans Biology of Sex Differences, s’axe justement sur les médicaments approuvés sur le territoire américain. Les données montrent que 86 d’entre eux (antidépresseurs, médicaments cardiovasculaires et anticonvulsifs, analgésiques…) contiennent un problème pour les femmes dans le dosage. « Lorsqu’il s’agit de prescrire des médicaments, une approche ‘dose unique’ basée sur des essais cliniques dominés par les hommes ne fonctionne pas, et les femmes sont les plus touchées. »

L’étude de Berkeley souligne que pour un même dosage d’un médicament, parmi la liste des 86 produits repérés, 90 % des femmes font l’expérience d’effets secondaires plus graves — nausée, migraine, hallucinations, anomalies cardiaques, etc. En clair, le dosage unique étant basé sur celui d’un homme, il ne correspond pas à une majorité de femmes.

Des différences dans la pharmacocinétique

La raison n’est pas une différence de morphologie, de poids, de taille ou de corpulence. Il s’agit d’une cause médicale connue scientifiquement : la pharmacocinétique. Cela renvoie à la façon dont se comporte la substance active d’un médicament après que celui-ci a été administré dans l’organisme : l’absorption, la distribution, la métabolisation de la substance active. Ce mécanisme renvoie à des différences connues en fonction du sexe du patient ou de la patiente.

Un exemple typique est à trouver dans le Zolpidem, somnifère puissant. En raison de sa pharmacocinétique, il reste plus longtemps dans le sang des femmes que des hommes, ce qui provoque des effets secondaires chez celles-ci, comme une somnolence matinale ou, plus grave, des déficiences cognitives à l’origine d’accidents de la route. En 2013, l’administration sanitaire américaine a donc décidé de réduire la dose recommandée aux femmes.

Un problème répandu

Ces biais masculins dans la recherche scientifique clinique ne concernent d’ailleurs pas que les humains : « La négligence des femmes est très répandue, même dans les études sur les cellules et les animaux où les sujets ont été majoritairement masculins », explique le directeur de cette étude, Irving Zucker. Si la situation s’est améliorée ces dernières années, il déplore qu’on ne soit pas non plus encore arrivé à une situation véritablement égalitaire.

Une étude de 2011 mettait en avant la faible proportion de femmes dans les essais cliniques, et le peu d’attention que beaucoup de ces essais portent à d’éventuelles différences dans les variations des effets du médicament en fonction du sexe (la fameuse pharmacocinétique). Sur 56 essais analysés par cette étude, seules 3 notaient en toute transparence que la généralisation de leurs résultats pouvait être limitée par l’absence de diversité dans leur échantillon.

Encore en 2019, ce biais persiste dans les essais cliniques

Encore très récemment, en 2019, une étude a montré la persistance des biais sexistes, une « sous-représentation substantielle des femmes y participant ». Et cette étude, contrairement aux précédentes, était même d’ampleur internationale, portée sur l’extraction des données dans 43 000 articles de recherche et 13 000 rapports d’essais cliniques.

La dernière étude en date, de 2020, conclut que la pratique courante qui consiste à prescrire des doses égales de médicaments aux femmes et aux hommes, à partir d’essais cliniques pourtant biaisés, « risque de surmédicamenter les femmes » et de contribuer « à des effets indésirables des médicaments sur les femmes spécifiquement ». Les auteurs recommandent la réduction des doses pour les femmes, fondée sur des preuves scientifiques, afin de contrecarrer ce biais sexiste. Et évidemment, il s’agit aussi de supprimer ce biais dans les nouveaux essais cliniques à venir.

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