Ce mardi 25 août 2020, des chercheurs hongkongais interviewés dans le New York Times ont annoncé avoir découvert le premier cas de « réinfection » au coronavirus SARS-CoV-2. L’information et le communiqué de presse ont déjà commencé à faire le tour du web, diffusant l’idée, que l’étude confirme qu’une réinfection au coronavirus est possible — et souvent d’ajouter que ce serait éventuellement une information inquiétante. Concernant la réinfection, c’est bien ce qu’indique le communiqué : « C’est le premier cas documenté d’un patient qui a guéri de la maladie Covid-19, mais qui a eu un autre épisode de la maladie ensuite.»
Le problème est bien là : c’est un communiqué de presse (associé à quelques copies d’écran de l’étude). L’article de recherche a été accepté par Clinical Infectious Disease, mais n’a pas encore été publié. Il est important, en ce mardi 25 août, d’avoir conscience que tant que cette étude n’est pas intégralement disponible, son décryptage scientifique est limité, et que la pratique de diffuser une information à partir de son seul communiqué manque de solidité.
Si nous décidons d’écrire sur ce problème spécifique, c’est parce que ce type de relais précipités est à l’origine, depuis les débuts de la pandémie, de nombreuses idées reçues et des conceptions parcellaires des connaissances se sont finalement installées, se construisant à partir de trop peu d’éléments scientifiquement solides ou diffusés trop tôt.
Trop de questions en suspens
De nombreux virologues reconnus ont averti sur l’insuffisance des éléments disponibles de cette étude, tant qu’elle n’est pas entièrement accessible au-delà d’un communiqué de presse et de quelques aperçus. Angela Rasmussen, virologue à l’université de Columbia, insiste sur le fait qu’il est « très difficile d’évaluer la qualité du travail en se basant sur des éléments descriptifs de l’étude ». Elle regrette même qu’« au lieu de cela, [le communiqué de presse] est conçu pour avoir une grande publicité dans les médias, et il empêche les scientifiques indépendants de commenter sur une image complète des données réelles.»
Les informations que nous pourrions délivrer à ce jour sur cette étude reposeraient donc sur deux éléments biaisés :
- Les données sont parcellaires. La présentation de l’étude « suggère une réinfection et est convaincante. CEPENDANT… je serais beaucoup plus convaincue s’ils partageaient réellement les données », déplore Angela Rasmussen.
- Il faudrait croire sur parole les affirmations des scientifiques dans le communiqué de presse, ce qui ne reste qu’une présentation choisie de l’étude. Or, le journalisme scientifique autant que les commentaires que peuvent livrer les scientifiques impliquent d’avoir accès à l’étude complète, pour pouvoir la lire, vérifier les formulations, les données, les sources, les notes de bas de page, etc.
Les limites apparaissent déjà : prudence
Ce manque d’informations est d’autant plus embêtant que le communiqué lui-même laisse entrevoir les questionnements scientifiques que va poser cette étude. Car une chose est sûre : ce travail de recherche ne se base que sur un seul cas, ce qui peut induire de nombreuses spécificités et empêche radicalement de tirer des conclusions génériques.
Parmi les spécificités : les captures d’écran des données de l’étude montrent que le patient n’était pas positif aux anticorps de type IgG après sa première infection, ce qui signifie qu’à l’époque, il n’a pas eu de réponse anticorps. En l’absence d’anticorps développés contre la maladie, la réinfection s’expliquerait donc assez simplement. Et cela rendrait vraiment difficile de conclure quoi que ce soit par rapport à l’immunité au coronavirus SARS-CoV-2… puisque le patient n’y pas immunisé après sa première infection ! « S’il n’y a pas de séroconversion après la première infection [pas de production d’anticorps], cela n’a pas d’implications majeures pour l’immunité puisque la plupart des gens ont des IgG après s’être remis de l’infection », rappelle Angela Rasmussen.
Cette première nuance qui apparaît déjà à partir de brefs aperçus montre qu’il est nécessaire d’avoir accès à l’étude complète pour bien en comprendre ses implications. D’autres limites ont d’ailleurs déjà été pointées par les virologues. Pour Akiko Iwasaki, spécialiste de l’immunité virologique, même si la découverte se confirmait, elle n’aurait rien de bien exceptionnelle : « Il n’y a pas lieu de s’alarmer — c’est un exemple classique de la façon dont l’immunité fonctionne. » Un constat qui contraste déjà avec quelques analyses que l’on peut lire selon lesquelles un premier cas de réinfection est mauvais signe.
D’ici à ce que l’étude soit pleinement publiée, il faut donc retenir que non seulement cette étude ne suffira pas à tirer des conclusions génériques et alarmistes sur la suite de la pandémie, mais aussi qu’il ne faut pas se précipiter sur des informations parcellaires. Par contre, et inversement, rien ne dit que l’étude complète ne sera pas tout à fait intéressante et apportera sa pierre à l’édifice de la recherche.
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