La quasi-totalité de la surface de Ganymède serait en réalité couverte par un immense cratère. C’est en tout cas ce que pense une équipe de chercheurs japonais qui ont procédé à une analyse détaillée du relief de cette lune de Jupiter et qui publient leurs résultats, présentés le 13 août, dans la revue Icarus.
Tout a commencé en 1979 lorsque les sondes Voyager 1 et 2 ont survolé ce monde inconnu. Les précédentes observations faites par Pioneer n’étaient pas suffisamment précises pour distinguer quoi que ce soit d’intéressant, mais ici, pour la première fois, les scientifiques ont découvert que la surface de Ganymède possédait des sortes d’anneaux sur son ensemble. Des sillons qui parcouraient le terrain accidenté de cette lune et qui étaient parfois entrecoupés de cratères plus récents, signe qu’ils étaient bien les plus anciennes marques géologiques laissées à la surface.
Le plus gros choc du Système solaire
Après cela, les images prises par la sonde Galileo en 1995 ont montré que ces sillons étaient présents également dans les zones que Voyager n’avait pas pu explorer. Mais ce n’est que plus récemment, avec l’évolution des techniques d’observation des données, que ces trouvailles ont pu être réanalysées pour établir que ces marques circulaires recouvraient bel et bien tout l’astre, et les auteurs de l’étude en question ont pu reconstruire une structure plus précise au niveau global. Ils se sont servis de toutes les images de Ganymède à leur disposition pour découvrir que tous ces sillons étaient bien concentrés autour d’un seul point. « C’est donc la plus grande structure d’impact jamais identifiée dans le Système solaire », résume auprès de Numerama le principal auteur Naoyuki Hirata. De précédentes études penchaient davantage pour la théorie selon laquelle plusieurs impacts avaient provoqué l’apparition des sillons, mais non, il semble bien que tout soit lié à un seul et même événement.
Reste à savoir où se situe le point d’impact. Comme les marques étaient présentes sur toute la surface, il y avait, pour faire simple, deux pôles candidats, mais c’est la région de Marius (partie sombre de Ganymède nommée ainsi en l’honneur de Simon Marius, l’astronome allemand qui a découvert la lune) qui l’a emporté. Il se trouve que sur l’autre côté, la région Barnard, la partie sans anneaux, celle autour du point d’impact, était trop petite.
Une « météorite » de 150 kilomètres de rayon
Pour ce qui est de l’événement en lui-même et de la taille de l’objet qui a frappé Ganymède, c’est un peu plus compliqué. Habituellement, les cratères forment des parois reconnaissables : on le voit sur une autre lune de Jupiter, Callisto, avec les bassins de Valhalla et d’Asgard (oui, Callisto est très branchée mythologie nordique) clairement identifiables, même si le temps et les autres impacts peuvent gommer un peu les contours. Mais ici, rien de tel, il a donc fallu ruser. En premier, les scientifiques ont justement fait des comparaisons avec les cratères de Callisto, mieux conservés, afin d’étudier leur diamètre et les différentes zones qu’ils formaient autour de l’impact. En appliquant ces mesures à Ganymède, il a été possible d’estimer la taille du cratère originel même si cela reste flou à cause des nombreux autres impacts à la surface. Ils en sont arrivés à un résultat entre 7 000 et 8 000 kilomètres de rayon.
Pas très précis, mais suffisant pour avoir un ordre d’idée, sachant que les plus gros cratères de Callisto font moins de 2 000 kilomètres et représentaient déjà un record. Les mesures sont tout de même suffisantes pour estimer quelle taille d’impact est suffisante pour former des anneaux concentriques tout autour du globe. Le reste s’est joué à coups de simulations informatiques prenant en compte la dureté de la croûte, la taille de l’objet et sa vitesse. « Pour la vitesse, nous sommes plutôt sûrs de nous, assure Naoyuki Hirata, en revanche pour la taille cela reste assez vague. » Selon les auteurs, nous sommes sur un objet d’au moins 50 kilomètres de rayon, qui allait à 20 kilomètres par seconde. Mais ils précisent que le rayon peut aussi être de 150 kilomètres, ce qui laisse une sacrée fourchette.
Si cette théorie s’avérait exacte, elle remettrait en cause quelques connaissances sur Ganymède, notamment autour de la différence notable avec sa voisine Callisto. L’impact géant aurait effacé les cratères précédents, ce qui expliquerait pourquoi Callisto est beaucoup plus constellée de marques. La rotation particulière de Ganymède, qui est synchrone vis-à-vis de Jupiter (elle lui présente toujours la même face) pourrait aussi être expliquée par un impact gigantesque qui aurait bouleversé jusqu’à son inclinaison. « Callisto et Ganymède sont très différentes, ajoute Naoyuki Hirata, et l’impact a pu contribuer à modifier considérablement la structure interne de Ganymède, ce qui expliquerait ces différences. »
En attendant JUICE
Pour en savoir plus, il n’y a pas une infinité de solutions: il faut produire de nouvelles images et retourner sur place. C’est justement tout l’enjeu de la mission de l’ESA, JUICE, qui prévoit un décollage en 2022. Le satellite Jupiter Icy Moons Explorer partira jeter un coup d’œil à Jupiter, Callisto, Europe, mais sa cible principale est bien Ganymède et son possible océan souterrain. Son champ magnétique également va être étudié puisqu’elle est le seul satellite à en posséder un, englobé dans celui de Jupiter bien plus important. Un phénomène qui se produit lors de la rotation d’un éventuel noyau ferreux, passée ou encore en cours. À bord de JUICE, ce sont de nombreux instruments, français pour la plupart, qui vont pouvoir scruter Ganymède en détail. «Voyager a fait de belles photos, décrit Carole Larigauderie, cheffe de projet des contributions françaises à JUICE au CNES. Mais ici, nous allons aller sous la surface, sonder la couche de glace et étudier l’océan souterrain qu’il y a en dessous. »
Le satellite qui va survoler Ganymède jusqu’à 500 kilomètres d’altitude au plus bas embarque avec lui de nombreux instruments bien utiles à l’exploration. Parmi eux, se trouve le RPWI qui va étudier le champ électromagnétique et l’influence sur la surface. Mais aussi MAJIS, un spectromètre chargé de scruter les propriétés physiques de la lune. Le radar RIME doit sonder les couches souterraines jusqu’à 9 kilomètres de profondeur. Autant d’outils qui apporteront de précieuses connaissances sur le système jovien et son histoire. « Ganymède est très intéressante avec son océan et sa magnétosphère, et nous voulons mieux la connaître, ajoute Carole Larigauderie. Et tout cela est dirigé vers un objectif : évaluer son habitabilité. » La mission devrait arriver sur place à partir de 2030.
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