En plus des mesures barrières, le dépistage à grande échelle est la clé pour endiguer l’épidémie, la plupart des épidémiologistes sont d’accord sur ce point. Les stratégies de dépistage, quant à elles, sont soumises à débat, tant sur le plan politique que scientifique.
Tous les tests n’ont pas la même valeur ni la même utilité. Par exemple, du côté des tests sérologiques, ceux qui sont rapides et vendus en pharmacie n’ont pas vraiment d’intérêt sanitaire comparé à un test sérologique en laboratoire, et ils ont tendance à créer plus de confusion qu’autre chose. Pour les tests virologiques, il existe également des alternatives plus rapides que les PCR afin de détecter une infection active et contagieuse.
Que sait-on du déploiement de cette méthode de dépistage ?
Les tests PCR sont soumis à des critiques
Les critiques contre les tests PCR n’ont fait que s’accroître au fil de la pandémie. Ils fonctionnent par un prélèvement au fin fond des deux cavités nasales (invasif et très désagréable, sans être douloureux), puis l’échantillon est envoyé à un laboratoire, qui délivre un résultat entre 24 et 72h après le prélèvement. Le premier défaut est ce délai : plusieurs jours pour savoir si l’on a une infection active, c’est un véritable problème. Cela dépasse souvent 24h, notamment en région parisienne (durant notre reportage, nous avions fait le test PCR gratuit un jeudi en fin de matinée et obtenu le résultat un mardi après-midi). Cela laisse évidemment une très grande marge pour contaminer du monde entre temps, si la personne testée était positive durant tout ce temps — bien qu’il soit conseillé de se mettre soi-même en quarantaine en attendant le résultat.
L’autre problème est la fiabilité. Il y a évidemment des faux négatifs qui peuvent advenir, même si on estime le taux de fiabilité à 95 %, ce qui est plutôt élevé. Mais à cela s’ajoute la possibilité des faux positifs, plus embêtants qu’il n’y paraît. La technique PCR fonctionne par des « cycles » d’amplification de la potentielle souche virale. Or, comme le pointe le New York Times, les laboratoires amplifient souvent beaucoup le prélèvement, ce qui laisse apparaître un résultat positif alors que la personne testée a certes eu le coronavirus récemment, mais n’est plus contagieuse. La charge virale est trop faible pour cela, mais le résultat laisse apparaître un résultat positif.
Dans le NYTimes, des épidémiologistes regrettent le temps et les moyens en quelques sortes gâchés par un dépistage si peu précis. Pour eux, il ne faudrait pas retourner un test positif ou négatif, mais plutôt un résultat montrant le taux de concentration du pathogène. Ou alors, opter pour des tests virologiques rapides, moins efficaces certes, mais à très grande échelle et à très haute fréquence.
En résumé, l’approche critique revient en général à considérer que les tests PCR sont lents, compliqués, sans être assez fiables, car imprécis, et que l’on perd beaucoup trop de temps en adoptant cette stratégie de dépistage.
Des tests rapides moins fiables, mais fréquents : un calcul statistique
Comme alternative aux tests PCR, il faudrait donc un moyen à la fois plus massif et plus rapide. Pour beaucoup d’épidémiologistes, mais aussi pour des data scientists spécialistes des statistiques, la solution apparaît du côté des tests salivaires. Comme leur nom l’indique, ils ne nécessitent rien de plus qu’un prélèvement de salive, puis ils délivrent un résultat en quelques dizaines de minutes. Ils sont, qui plus est, peu onéreux (quelques euros tout au plus).
Problème : ils ne sont pas très sensibles. Mais pour les partisans de cette stratégie, ce n’est pas un problème. Dans cette perspective, la fréquence de dépistage est plus importante que la fiabilité des tests. C’est ce que défend le data scientist Chris Said : « Certaines personnes soulignent que les tests rapides sont moins sensibles que les tests PCR standard, ce qui signifie qu’ils peuvent parfois ne pas détecter la présence du virus. Les tests rapides sont cependant très sensibles au moment où cela compte le plus, c’est-à-dire lorsque votre charge virale est suffisamment élevée pour que vous soyez contagieux. Cette caractéristique, associée à leur rapidité et à leur facilité d’utilisation, les rend idéaux pour le dépistage de routine dans le domaine de la santé publique. »
En France, la Haute Autorité de Santé n’est toutefois pas favorable à la mise en distribution de tests virologiques rapides trop peu fiables. « De nombreuses incertitudes persistent quant à leur fiabilité. Après avoir analysé toute la littérature scientifique disponible au sujet de ces tests, la HAS considère que des éléments de fiabilité importants manquent encore pour une utilisation immédiate généralisée en alternative aux tests nasopharyngés. » L’autorité sanitaire a donc donné un avis favorable envers un forfait innovation permettant de financer des études pour obtenir rapidement les données manquantes.
Le ministère de la Santé a finalement indiqué ne pas s’opposer à la généralisation de ces tests virologiques rapides, mais rester dans l’attente que, justement, les études livrent des conclusions solides sur leur fiabilité. Les tests salivaires pourraient « être demain des tests rapides, faciles », mais ils « doivent être encore validés sur le plan scientifique pour être fiabilisés », selon Olivier Véran. Il précise que « Des études sont en cours à Paris mais également en Guyane et dans d’autres endroits en France ». Il espère des résultats « dans les prochains jours ».
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