Ce mardi 1er septembre 2020, une enquête d’Europe 1 a révélé que le cimentier Lafarge est à l’origine d’une pollution continue en déversant du béton et du plastique dans la Seine. D’après les informations du média, et comme on peut le voir sur la vidéo, l’une des centrales à béton, dans le quartier de Bercy, « rejette délibérément des particules de ciment et des tiges de fibre plastique directement dans le fleuve ». Le lendemain, mercredi 2 septembre, Europe 1 dévoilait qu’un autre site de Lafarge polluait la Seine, déversant du béton « depuis plusieurs années au pied du Pont Mirabeau ».
L’affaire est déjà traduite en justice. L’Office français de la biodiversité a porté plainte, et la Mairie de Paris a annoncé qu’elle va faire de même. De son côté, Lafarge a reconnu les faits — mais réfute le caractère délibéré qui est dénoncé par Jacques Lemoine, représentant de la Fédération interdépartementale pour la pêche et la protection du milieu aquatique. L’entreprise explique qu’il y a eu une détérioration délibérée, mais externe, et que l’écoulement était donc temporaire. Notons que, même « accidentelle », une pollution industrielle reste tout de même un délit (Vinci a été condamné, début 2020, pour des faits similaires). L’entreprise doit veiller à éviter ce type de failles.
Le premier adjoint à la Mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, évoque une « pollution lente qui empoisonne notre fleuve ». Et effectivement, ce type de pollution a toujours un impact conséquent sur l’environnement et sur la biodiversité. Les substances impliquées sont connues pour cela.
Des écoulements toxiques
Parmi les eaux usées déversées par Lafarge, on retrouve essentiellement du béton — sous une forme laiteuse. Ce type de matériaux porte atteinte à l’habitat de la faune et de la flore. La matière des substances elles-mêmes peut étouffer des poissons, dégrader des plantes en les écrasant. À moyen et long terme, cela provoque aussi une pollution chimique. Les eaux ont un pH, cela fait partie des paramètres d’un écosystème marin (comme la température, le niveau d’oxygène…). Certaines espèces sont faites pour vivre à un certain pH. Celui-ci est très sensible à l’ajout de certains matériaux, qui peuvent, en grande quantité, le changer. Cela modifie l’écosystème et devient dangereux pour certaines espèces.
Dans un rapport de 2018, l’Office français de la biodiversité indiquait que des matériaux comme le ciment, le béton et la laitance qui en résulte peuvent engendrer des écoulements superficiels toxiques. En cas de fuites, ils sont dangereux pour les personnels humains sur les chantiers, tout comme « pour la faune et la flore aquatiques et terrestres, par irritation voire brûlures des muqueuses, fragilisation des individus voire mortalité ». Dans ce rapport, l’office invite en conséquence les entreprises à « surveiller la présence de dépôts de béton ou de traces de laitance dans les égouts, fossés, milieux aquatiques ou milieux sensibles et mettre en place les procédures correctrices immédiatement ». Une surveillance qui a failli dans le cas de l’affaire impliquant aujourd’hui Lafarge.
Quant aux fibres synthétiques qui constituent les fameuses tiges en plastique également retrouvées dans les déversements, ce type de pollution se traduit sous plusieurs types d’impacts potentiels. Il y a d’abord le fait que le plastique met des dizaines voire centaines d’années à se dégrader — libérant des substances toxiques dans les milieux aquatiques à mesure que le plastique se fragmente en microparticules. Autre problématique (d’ailleurs pointée par Jacques Lemoine à Europe 1) : ces plastiques sont ingérés par les poissons, qui les confondent avec de la nourriture, ce qui peut les blesser voire tout bonnement les tuer.
L’enquête montrera l’étendue de la pollution
À l’heure actuelle, il n’est pas possible de déterminer l’impact exact de ce déversement spécifique : l’impact d’une pollution dépend de sa concentration exacte, de sa durée, et du milieu dans lequel a lieu cette pollution. Seule l’enquête permettra de déterminer l’étendue complète du problème. Une chose est sûre : oui, par la nature des substances, ce déversement a de toute façon des conséquences sur la nature.
La situation est d’autant plus absurde, concernant l’un des leaders du marché, que le béton fait partie des matériaux dont le recyclage est possible, presque à l’infini.
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