On savait déjà qu’une masse d’eau peut léviter grâce à des vibrations. Mais ces chercheurs français ont découvert qu’un objet peut flotter la tête en bas, en-dessous.

On pourrait avoir l’impression que ces scientifiques français ont retourné la réalité : ils ont fait flotter un bateau à l’envers, la tête en bas, au-dessous d’une flaque d’eau elle-même en lévitation. Si cela peut faire penser à un phénomène surnaturel tout droit sorti d’un film de Christopher Nolan ou de Stranger Things, ce n’est pas de la magie, mais de la science. L’expérience repose à l’origine sur un phénomène physique bien connu : l’instabilité de Rayleigh-Taylor. En revanche, la flottaison inversée est bel et bien une découverte, et elle fait l’objet d’une publication le 2 septembre 2020 dans Nature.

Pour comprendre la flottaison inversée de ce petit bateau, ou de n’importe quel autre objet d’un poids similaire, il faut d’abord comprendre comment l’instabilité de Rayleigh-Taylor est perturbée.

Lorsque vous mettez un fluide dense au-dessus d’un fluide moins dense, le fluide dense va tomber. « C’est par exemple ce qui se passe lorsqu’on retourne un verre d’eau : l’eau plus dense chute dans l’air moins dense [l’air étant un fluide] », illustre auprès de Numerama le coauteur de l’étude, Benjamin Apffel. Mais cette chute ne se fait pas d’un bloc, « le liquide a plutôt tendance à se déformer et à former des gouttelettes avant de chuter ». Le phénomène s’observe très visuellement lorsque vous mettez de la peinture fraîche au plafond. C’est l’instabilité de Rayleigh-Taylor.

À gauche, du liquide s'écoulant normalement après avoir été renversé. À droite, le liquide en suspension avec les vibrations verticales. // Source : Nature

À gauche, du liquide s'écoulant normalement après avoir été renversé. À droite, le liquide en suspension avec les vibrations verticales.

Source : Nature

Mais si l’on fait vibrer le fluide — en l’occurrence l’eau — à la verticale sur une certaine fréquence, comme dans un shaker, alors la chute du liquide n’a pas lieu. Au sein d’une boîte, le liquide se retrouve maintenu en suspension, comme s’il flottait dans l’air. Dans ce contexte, il faut imaginer qu’à chaque fois que le liquide s’apprête à tomber sous la force de la gravité, une autre force, verticale, vient s’y opposer. La confrontation des deux forces crée un état d’équilibre… et brise temporairement l’instabilité de Rayleigh-Taylor.

La bateau tient grâce à la pression

Qu’un objet puisse flotter à la surface supérieure du liquide en suspension n’a rien d’étonnant. Cela reste un liquide soumis à ses lois habituelles… ou presque. Car faire flotter un objet au-dessous du liquide comme si la gravité était inversée, c’est bien plus surprenant pour les scientifiques. Il s’agit d’ailleurs d’une découverte faite presque par hasard : « Nous avons étudié la stabilisation de ce phénomène pour son côté impressionnant et par curiosité de voir la taille maximale de la ‘piscine’ qu’il était possible de stabiliser. Nous avons dans un deuxième temps découvert la flottaison inversée en ‘jouant’ avec l’expérience », confie Benjamin Apffel à Numerama.

Le bâteau flotte à l'envers, la tête en bas. // Source : Nature

Le bâteau flotte à l'envers, la tête en bas.

Source : Nature

La flottaison inversée s’explique à nouveau un équilibre des forces. En-dessous de l’eau en lévitation, il existe une « position d’équilibre » lorsque « la poussée d’Archimède dirigée vers le haut compense le poids dirigé vers le bas », nous explique Benjamin Apffel.

Normalement, la poussée d’Archimède (qui explique la flottaison de tout objet) devrait pousser le bateau vers la surface, le faisant traverser le liquide pour qu’il ressorte à sa surface, en haut. Ou alors, autre loi habituelle, la gravité devrait attirer le bateau vers le bas dans l’air libre. Sauf que dans ce contexte, « les vibrations stabilisent cette position d’équilibre » : lorsque l’objet est placé en bas du liquide, la poussée d’Archimède l’empêche de tomber en bas et la pression générée par les vibrations verticales l’empêchent de remonter à la surface du liquide. En somme, l’objet se retrouve maintenu de tous les côtés.

La flottaison à l'endroit et à l'envers des bâteaux. // Source : Nature

La flottaison à l'endroit et à l'envers des bâteaux.

Source : Nature

L’équilibre n’est pas le même en haut et en bas. La bateau qui flotte à l’envers a un équilibre plus fragile. « La position d’équilibre sur l’interface supérieure est stable : si on pousse le bateau dans le liquide, il remonte à sa position initiale. Celle sur l’interface du bas est instable : si on pousse le bateau vers le bas, on perd en flottaison et le bateau tombe. »

Les auteurs français de cette expérience inédite ont pu valider le modèle mathématiquement, aussi contre-intuitif soit-il. Si le phénomène nous triture l’esprit, cela rappelle aussi qu’il reste nombre de propriétés physiques à découvrir, et que cette quête est d’autant plus géniale qu’elle peut déboucher sur des observations, justement, très contre-intuitives.

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