C’était en 2020. La population d’Île-de-France entendait une forte déflagration sonore. Ce « bang » était en fait le bruit d’un avion Rafale passant en vol supersonique, après avoir franchi le mur du son.

Le 12 janvier 2024, le jet expérimental X-59 de la NASA sera dévoilé à Palmdale, en Californie. L’avion sera supersonique et constituera un jalon en prévision d’un retour des vols commerciaux de ce type — ce que le Concorde offrait en son temps. Mais surtout, le X-59 entend parvenir à franchir le mur du son avec « bang sonique » significativement atténué.

Selon la Nasa et Lockheed Martin, le son doit ressembler à un bruit sourd, comme une porte de voiture que l’on claque. Il restera à le constater courant 2024, quand il sera effectivement en vol. Un essai doit avoir lieu au-dessus des États-Unis pour évaluer l’acceptabilité du bruit auprès des résidents au sol. Si la discrétion est assez bonne, les vols supersoniques commerciaux pourraient revenir.

Supersonique, mur du son, bang sonique… tous ces termes sont peut-être familiers, mais peut-être pas maitrisés sur le bout des doigts ce phénomène physique.

x-59 avion
Le X-59. Vue d’artiste. // Source : Lockheed Martin

Quelle vitesse pour un avion afin d’atteindre le mur du son ?

1 225 km/h (mach 1) pour être supersonique

Le son se caractérise par des ondes qui se propagent dans un milieu, comme l’air, de molécules à d’autres molécules. Ces vibrations se diffusent à une vitesse variable, causée par divers paramètres, explique l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA). Ces facteurs incluent la température, la pression, le milieu (dans l’eau ou à l’air libre) ou le degré d’humidité.

Ainsi, la vitesse du son dans l’air atteint environ 340 mètres par seconde (m/s) au niveau de la mer, et lorsque la température affiche 15 °C. Dans l’eau, les sons filent beaucoup plus vite, jusqu’à 1 460 m/s — soit presque 1,5 kilomètre par seconde. Mais les milieux n’étant pas toujours homogènes, les ondes ne se déplacent pas à une vitesse constante, et vont donc parfois plus ou moins vite.

Un avion de chasse moderne, par exemple, peut tout à fait se déplacer à plus de 340 m/s. C’est le cas du Dassault Rafale. D’ailleurs, on se souvient que l’un d’eux avait passé le mur du son en Île-de-France. C’était le 30 septembre 2020 et cette brusque accélération de l’aéronef avait provoqué une déflagration spectaculaire, largement entendue à Paris et dans la région.

Dassault Rafale avion
Un Rafale. // Source : David Álvarez López

À l’époque, la Préfecture de Police de Paris avait expliqué quelques minutes après la détonation qu’il s’agissait bien d’un avion de chasse ayant franchi le mur du son. Il s’agissait d’aller au contact d’un aéronef qui a perdu le contact radio, en direction de Saint-Brieuc, avait rapporté France Bleu Paris, après s’être rapproché du ministère des Armées.

L’avion avait reçu l’ordre de décoller en urgence de sa base, à Saint-Dizier (Haute-Marne), pour aller à la rencontre d’un avion civil — un Embraer ERJ 145. C’est vers Créteil, dans l’est parisien, à 10 000 mètres d’altitude, que l’accélération a eu lieu, une fois le feu vert de sa hiérarchie obtenu. Les choses sont par la suite rentrées dans l’ordre.

Ce genre d’interception de sécurité n’est pas rare dans le cadre de la protection de l’espace aérien et en règle générale le doute est levé par un contact visuel et une aide qui peut aller jusqu’à l’escorte vers l’aéroport le plus proche, pour que l’aéronef, qu’il soit en difficulté ou qu’il rencontre une défaillance technique, se pose. Mais ce qui est moins courant, c’est de franchir le mur du son, car la vitesse supersonique est réglementée.

Ce cas de figure peut survenir si l’aéronef en cause n’a plus donné de signe de vie depuis un moment et lorsque sa trajectoire paraît constituer une menace — s’il se rapproche trop de Paris, par exemple, car la capitale est interdite de survol pour des raisons évidentes de sécurité. C’est ici que se concentrent les principaux lieux de pouvoir, ce qui justifie une protection accrue.

NASA
Un avion passant le mur du son. // Source : NASA

Le Dassault Rafale a des performances qui lui permettent d’atteindre Mach 1,8. Le nombre de Mach est une grandeur qui renseigne la vitesse d’un véhicule ou d’un objet quelconque par rapport à la vitesse du son, localement. À 340 m/s, soit 1 234,8 km/h, on dit que l’on se trouve à Mach 1. À Mach 1,8, le Rafale est presque deux fois plus rapide sur le son.

À Mach 1, expliquait Sciences & Avenir en 2015, des perturbations importantes apparaissent à l’avant de l’appareil, dans le sens de son déplacement. La raison tient au fait que l’espace aérien n’est pas vide, mais occasionne une résistance, certes minime, en raison de la présence d’une atmosphère. Les vibrations sonores se superposent alors et forment l’onde de choc. C’est le « bang » sonique.

Mais alors, pourquoi parle-t-on de mur à cette vitesse ? À quel phénomène est-ce lié ?

C’est quoi exactement le mur du son ?

L’expression est issue du retour d’expérience des aviateurs lors de la Seconde Guerre mondiale, qui suggéraient que les aéronefs ne pourraient pas dépasser la vitesse du son, car ils seraient trop instables. Un « mur », composé de plusieurs couches d’air, serait donc face à eux. Les turbulences étaient considérées comme trop fortes, rendant l’appareil incontrôlable au-delà de Mach 1.

Bien sûr, les progrès en aéronautique font que ce mur est maintenant franchissable par bon nombre d’aéronefs, mais pas avec la plus grande des discrétions. En effet, l’avion produit à ce moment-là une onde de choc qui se propage vers l’arrière, avec la forme d’un cône dont la pointe se situe au niveau de l’aéronef. Toute personne se trouvant dans ce cône entend alors le « bang ».

Mais avec le X-59, tout va peut-être changer.

Deux avions passant le mur du son, sans se poser de questions.  // Source : NASA
Deux avions passant le mur du son, sans se poser de questions. // Source : NASA

Est-ce que le pilote de l’avion entend le mur du son ?

Non ! Le pilote de l’avion ne peut pas entendre le passage du mur du son et, donc, le fameux « boum » caractéristique. Quand un avion est supersonique, il se déplace à une allure plus rapide que le son lui-même. Dès lors, le son de l’onde de choc lors du passage d’une vitesse subsonique à une vitesse supersonique se propage donc vers l’arrière, sans rattraper l’avion et son pilote.

Cela vaut aussi pour les passagers qui se trouveraient à bord de l’aéronef, dans le cas d’un vol civil. Pas de « boum » à craindre dans la cabine. Ce phénomène sonore sera capté en revanche par toutes les personnes qui se trouveront dans les parages, lorsque le « cône » du son se propageant finira par les atteindre. Par contre, il ne sera pas audible si les individus sont très loin.

(mise à jour de l’article avec le X-59)

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