Le doute perdure sur le rôle épidémiologique des enfants dans la diffusion de la maladie Covid-19. Une nouvelle étude fait beaucoup parler d’elle mais, si elle est effectivement solide, sa portée reste limitée.

En France, comme dans plusieurs pays, les mesures sanitaires ont été allégées dans les établissements scolaires, alors même que l’épidémie de coronavirus connaît actuellement une deuxième vague. La raison invoquée par le ministre de la Santé, Olivier Véran, est que les enfants « sont peu à risque de formes graves et peu actifs dans la chaîne de transmissions du coronavirus ». Ce constat ne correspond cependant qu’en partie à la réalité scientifique, celle-ci étant beaucoup plus divisée sur la question. S’il est vrai que les enfants sont clairement moins à risque pour les formes sévères de la maladie, beaucoup d’études se contredisent sur leur contagiosité… et donc sur leur rôle dans la pandémie.

Une étude publiée ce mercredi 31 septembre 2020 dans Science vient compliquer encore un peu plus la question de la place des enfants dans la diffusion de la maladie. Ce travail de recherche, dédié plus largement aux super-propagateurs, conclut que les enfants pourraient bien être des acteurs clés dans la diffusion de la maladie. Mais cette conclusion est fortement limitée par la nature de l’étude, ce qui ne permet pas de la considérer véritablement comme une information scientifique ferme sur le rôle des enfants. Explications.

Les enfants doivent respecter aussi la plupart des règles d'hygiène, comme se laver les mains régulièrement au savon ou au gel hydroalcoolique. // Source : Pixabay

Les enfants doivent respecter aussi la plupart des règles d'hygiène, comme se laver les mains régulièrement au savon ou au gel hydroalcoolique.

Source : Pixabay

Les super-spreaders sont-ils la règle ?

Les auteurs de cette étude ont extrait les données du contact tracing en Inde, ce qui leur permet de se reposer sur plus de 500 000 personnes, exposées à 84 000 cas confirmés d’infection au coronavirus SARS-CoV-2. Le contact tracing est une ressource précieuse pour l’analyse épidémiologique : cela permet de repérer quelles personnes infectées ont contaminé quelles personnes ou non.

En l’occurrence, cette extraction de données leur a permis de déterminer que les super-spreaders (ou super-propagateurs, des personnes dont l’infection génère beaucoup plus de contaminations que le seuil infectieux classique) pourraient dans certains cas être majoritaires dans la diffusion de la maladie. « Notre étude présente la plus grande démonstration empirique de super-propagation que nous connaissons pour une maladie infectieuse. Les événements de super-propagation sont la règle plutôt que l’exception lorsqu’on examine la propagation de Covid-19, à la fois en Inde et probablement dans tous les endroits touchés », commente Ramanan Laxminarayan, co-auteur de l’étude.

D’après les données impliquées dans l’étude, 71 % des personnes infectées n’ont infecté strictement personne parmi leurs contacts. En revanche, 8 % des personnes infectées sont responsables de 60 % des nouvelles infections. Ce qu’il faut comprendre de ces pourcentages : ils suggèrent que peu de gens en contaminent d’autres, mais qu’un nombre minoritaire de personnes infectées sont liées à une majeure partie des infections.

Les auteurs mettent également en avant l’observation selon laquelle la mécanique de propagation ne semble pas avoir de rapport avec l’âge, en Inde. Ce serait valable surtout au sein du foyer, davantage que dans les lieux collectifs. « Les enfants sont des contaminateurs très efficaces dans ce contexte, ce qui n’avait pas été fermement établi dans les études précédentes. » En clair, le contexte du foyer (en maison, en appartement) mettrait tous les profils d’âge sur le même plan concernant les risques de contamination, et les enfants pourraient alors avoir tout autant de super-spreaders que les adultes.

Des données de contact tracing en Inde exclusivement

Lorsque Ramanan Laxminarayan évoque la possibilité que les conclusions soient applicables dans « tous les endroits touchés », ce n’est en réalité pas du tout si simple. D’ailleurs, les auteurs l’écrivent eux-mêmes : « Nous avons constaté que les cas et les décès signalés étaient plus concentrés dans les populations jeunes que ce que nous avions prévu sur la base des observations faites dans les pays à revenu élevé. » Tout est dans la fin de cette remarque : les observations peuvent varier en fonction des zones géographiques — . Le modèle épidémiologique de l’Inde, seul cadre de cette étude, n’est pas forcément celui de la France, de la Russie, ou des États-Unis, d’autant que l’Inde est un pays dit nouvellement industrialisé, ce qui a un impact sur le cadre de vie — la pauvreté y reste très  forte.

Cette prise en compte cruciale d’une disparité entre les localités s’applique à cette étude, puisque celle-ci est une étude épidémiologique basée sur le contact tracing, et non une étude infectiologique, basée sur l’étude du pathogène. Les données et leur interprétation dépendent donc de la mécanique observable de diffusion de la maladie, et n’approfondit pas le fonctionnement du virus ni comment il se comporte différemment chez l’adulte et chez l’enfant. Cela n’apporte en tant que tel aucune information scientifique sur la contagiosité des enfants.

Que ce soit sur la place des enfants ou encore le rôle des super-spreaders, cette étude ne permet donc pas de tirer une conclusion ferme. Elle reste cependant tout à fait intéressante scientifiquement, puisqu’elle montre à quel point la façon dont se propage le coronavirus SARS-CoV-2 est complexe, potentiellement variable selon le contexte, et encore difficile à déterminer pleinement. De longues recherches, sous de multiples aspects, dans de multiples localités, vont encore être nécessaires avoir d’avoir les réponses attendues.

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