Reportage au cœur du dépistage PCR : voici comment sont analysés, étape par étape, les échantillons qui vous sont prélevés. Une phase essentielle en pleine épidémie liée à la maladie Covid-19.

Que devient le tube contenant votre matériel génétique dans les heures et les jours qui suivent votre prélèvement ? Le dépistage PCR est une phase cruciale dans la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus, mais on s’arrête bien trop souvent aux images de fils d’attente. Les longs délais s’expliquent par une demande toujours plus forte, alors même que l’analyse des échantillons est un processus complexe, long, dans lequel des hommes et des femmes se dédient corps et âme depuis le début de la pandémie, jusqu’à l’épuisement parfois.

Dans ce reportage, les laboratoires Cerballiance ont ouvert leurs portes à Numerama. Nous avons pu visiter un plateau technique situé en région parisienne et y rencontrer le personnel. C’est en ce lieu que sont acheminés les échantillons, peu après leur prélèvement. Le tube suit différentes étapes au fil desquelles le moindre grain de sable peut tout perturber. En tournant de 7h à 21h, ce plateau technique arrive à produire 1 500 résultats par jour, avec une équipe de huit personnes. Ces effectifs ne sont clairement pas suffisants, et les laboratoires Cerballiance comme tant d’autres n’arrivent pas à recruter du personnel qualifié pour soulager ses équipes. Pourtant, en doublant les effectifs, ce plateau pourrait aller jusqu’à 7 000 résultats par jour.

Les techniciens et techniciennes de laboratoire travaillent de 7h à 21h. // Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Les techniciens et techniciennes de laboratoire travaillent de 7h à 21h.

Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Comme pour les établissements hospitaliers, les laboratoires d’analyse médicale font face à une situation à laquelle ils n’étaient pas adaptés à l’origine. « Ce qui est inédit, c’est le volume traité. Au-delà de ça, c’est l’organisation qu’on a dû mettre en place pour gérer l’afflux de patients », nous explique Benoit Chassain, biologiste médical et président des laboratoires Cerballiance Paris et Île-de-France Est. Il faut donc augmenter la capacité de production des résultats, ce qui prend du temps : « On a acheté, non sans mal, de nouvelles machines dans les laboratoires pour réaliser ces PCR. Entre la commande et la livraison, il faut du temps. Il faut également recevoir des réactifs et former le personnel à la mise en place de nouvelles méthodes, qui sont inconnues pour eux. Et ce sont des machines avec lesquelles on n’a pas l’habitude de travailler. »

Après vous avoir partagé les témoignages de celles et ceux qui travaillent sans relâche pour produire les résultats, partons à la découverte des différentes étapes logistiques et scientifiques cruciales de l’analyse lors du dépistage PCR.

Première étape : le prélèvement et le tube

Dans les secondes qui suivent le prélèvement naso-pharyngé, le biologiste va « casser » l’écouvillon dans un tube. Comme le détaille Benoit Chassain, « on décharge l’écouvillon : on fait tomber les sécrétions dans le tube, et on agite le milieu pour que tout le liquide contienne du virus », si le SARS-Cov-2 est présent. Cela permet que le pathogène reste vivant au sein du tube, lui-même placé dans une boîte hermétique, le temps du transport jusqu’au plateau technique.

Durant cette phase, le tube reste à température ambiante : l’acheminement vers le plateau technique doit donc être rapide, puisqu’ensuite, sur place, il sera conservé à +4° Celsius. Si ce n’est pas le cas dans les 24h après le prélèvement, alors le virus peut commencer à mourir au sein du liquide, et ainsi, plus les heures passent, plus il y a des risques de faux négatif.

Deuxième étape : l’arrivée au laboratoire

Tous les échantillons provenant de dépistages variés (PCR pour le coronavirus, tests sérologiques, tests de grossesse, tests du VIH…) arrivent au même endroit, dans la salle d’arrivée du plateau technique. « Les techniciens vont vérifier la conformité des prélèvements, qu’ils sont bien étiquetés, bien identifiés », explique Kader Merah, biologiste et directeur de ce plateau technique. Les échantillons liés à l’immunochimie — dont font partie les tests sérologiques — sont orientés vers un long tapis roulant, quand les tests PCR vont être acheminés dans un secteur dédié.

Les tubes sont répartis en fonction du type de test, à l'aide d'une machine. // Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Les tubes sont répartis en fonction du type de test, à l'aide d'une machine.

Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Une fois dans cette salle, les techniciens et techniciennes de laboratoire vont placer les tubes dans des portoirs et les traiter par ordre de priorité. Un tube peut devenir une urgence si, par exemple, les autorités de santé sont informées que le patient a participé à un événement impliquant des dizaines ou centaines de personnes. Le plateau technique est alors mis au courant. Kader Merah rappelle que c’est un enjeu de santé publique : dans ces cas urgents, « plus rapidement on rendra le résultat, plus la prise en charge d’un éventuel cluster sera fait dans les plus brefs délais ».

Lorsqu’une série de tubes est sur le point d’être analysée, les échantillons sont auparavant inactivés, pour qu’ils ne soient plus infectieux. Pour ce faire, le prélèvement est traité à la chaleur, en étant incubé à 60 degrés pendant trente minutes.

Le four dans lequel les échantillons sont inactivés pour protéger le personnel technique. // Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Le four dans lequel les échantillons sont inactivés pour protéger le personnel technique.

Source : Numerama / Arnaud Gelineau

« C’est pour qu’on puisse le traiter de façon sécurisée, explique Kader Merah à Numerama. Même si nous travaillons sous des postes de sécurité microbiologiques, on a préféré mettre en place cette étape supplémentaire pour renforcer la sécurité des opérateurs. Si sur ce plateau technique, un technicien est contaminé et qu’il y a des cas contact, le plateau devra être mis à l’arrêt, et on ne pourra plus réaliser de test. »

Troisième étape : extraction et amplification

Lorsque les prélèvements sortent de cette phase d’inactivation, ils passent en paillasse d’extraction : le personnel scientifique prépare des plaques visant à extraire le matériel génétique — l’ARN — de l’éventuel pathogène présent dans les cellules. Les plaques sont ensuite placées dans des automates. Au sein de ces machines, « grâce à des billes magnétiques contenues dans les plaques, et grâce à des barreaux aimantés, cela va purifier, lyser [retirer l’enveloppe chimiquement, ndlr] et casser toutes les cellules pour récupérer de façon spécifique l’ARN contenu dans ces cellules », détaille Sabria Boudjahlat, technicienne de laboratoire et référente du secteur Covid-19 sur ce plateau. 

Phase d'extraction du matériel génétique pendant l'analyse. // Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Phase d'extraction du matériel génétique pendant l'analyse.

Source : Numerama / Arnaud Gelineau

À partir des extraits d’ARN récupérés lors de l’extraction du matériel génétique, l’amplification va pouvoir avoir lieu. C’est la phase caractéristique des tests PCR. Aussi appelé polymérisation en chaîne, ce processus vise à obtenir un très grand nombre de copies d’une faible quantité d’ADN ou d’ARN. Le matériel génétique est placé au contact d’un mix de réactifs chimiques, au sein d’une nouvelle plaque. « C’est une plaque qu’on va sceller, qu’on va mettre dans thermocycleur, puis suite à des variations de température, on pourra amplifier, s’il y a de l’ARN présent ».

Quatrième étape : l’interprétation du résultat

À la fin du « run », c’est-à-dire lorsque tous les cycles d’amplification sont accomplis, le résultat apparaît sur le système informatique sous forme de courbes à évaluer. « Du moment que vous avez des courbes qui augmentent, et qui ont une forme sigmoïde, c’est un échantillon positif. Un échantillon négatif reste complètement plat », nous montre Sabria Boudjahlat. Ces courbes permettent aussi d’évaluer la charge virale : si une courbe est plutôt linéaire, avant de décoller à partir d’un grand nombre de cycles (au trentième par exemple), cela signifie « qu’on a détecté de l’ARN, mais en faible quantité ».

Sur l'écran, toute une plaque d'échantillon. Les courbes rouges sigmoïdes signifient des tests positifs. La courbe rouge plus faible, au bas de l'écran, est un test positif à faible charge virale. Les courbes verts, plates, sont des tests négatifs. // Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Sur l'écran, toute une plaque d'échantillon. Les courbes rouges sigmoïdes signifient des tests positifs. La courbe rouge plus faible, au bas de l'écran, est un test positif à faible charge virale. Les courbes verts, plates, sont des tests négatifs.

Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Une fois que toute la série analysée est validée, alors les résultats sont exportés vers le système informatique central. Ces résultats reviennent alors à un biologiste médical, en laboratoire de proximité, qui va valider définitivement l’interprétation. La conclusion du dépistage vous est alors rendue, et ainsi s’achève le long trajet de votre échantillon.

Le moindre grain de sable a un impact

Au fil de toutes ces étapes, le moindre grain de sable a un impact sur le délai de rendu. « Même si je prends un tube en priorité, et que je le mets dans la machine, il ne sortira pas dans la seconde qui suit. Par moment, il y a des problèmes techniques, des plaques qui ne fonctionnent pas. Malheureusement, cela génère des tubes qu’on va réanalyser, il faut reparcourir le circuit, ce qui va allonger le délai de rendu », illustre Sabria Boudjahlat.

Les soucis techniques peuvent venir des machines. Elles sont sollicités « en continu », pointe Kader Merah, le directeur du plateau technique que nous avons visité, alors « qu’initialement, elles n’ont pas été conçues pour ces cadences aussi importantes ». Raison pour laquelle plusieurs machines différentes ont été achetées : si l’une a un problème, il doit toujours y en avoir plusieurs qui fonctionnent, en permanence.

Automate d'extraction du matériel génétique des échantillons. // Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Automate d'extraction du matériel génétique des échantillons.

Source : Numerama / Arnaud Gelineau

Sur le plateau technique, le personnel est également dépendant de l’approvisionnement en ressources. « Les délais sont liés non seulement à l’activité du laboratoire, mais aussi à la réception des réactifs, ajoute le biologiste Benoit Chassain. Et la grande difficulté qui persiste, c’est la fluctuation dans la livraison et la mise à disposition des réactifs par les fournisseurs de biologie médicale… au-delà de la capacité des laboratoires à faire des tests et à avoir du personnel pour les réaliser. »

Ruptures de stock, manque de personnel qualifié, machines pas toujours adaptées à une telle cadence… Tous ces grains de sable viennent s’additionner, en plus d’une charge de travail qui s’accroît du fait même de ce contexte si particulier. Plus il y a besoin de tests, plus il y a de tests à réaliser, plus la charge matérielle et humaine augmente. « La demande est forte. Plus vous allez avoir de la demande, plus il va y avoir du retard. Quand vous allez prendre en compte les possibilité d’urgences [les imprévus], cela va augmenter ce retard », tient à pointer Sabria Boudjahlat. « Même quand on arrive à avancer, que l’on n’est pas en panne et que l’on a enchaîné plusieurs séries d’analyses d’affilé sans problème, on se rend compte que les patients se font prélever encore plus. Donc même quand on n’a pas de retard technique, on a toujours du mal car les demandes sont toujours plus importantes

Les biologistes et personnels techniques des laboratoires essayent de rester positifs, tout en gardant une forme de réalisme sur l’avenir. Leur vie est dorénavant dévouée à cette mission. « Ce qui est sûr, c’est qu’on a l’impression que ça va durer encore longtemps, qu’on est peut-être en train d’atteindre le sommet du travail à effectuer, mais que ça va sûrement être un plateau, et qu’on va devoir continuer comme ça encore assez longtemps », conclut Benoit Chassain.

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