« Je voulais être une astronaute, une danseuse, il y a beaucoup de choses que je pensais vouloir faire quand je serais grande », racontait Andrea Ghez dans une interview filmée en 2017, à l’université de Californie à Los Angeles. La professeure, membre du département de physique et d’astronomie de cette l’université, avait-elle aussi imaginé, encore enfant, qu’elle recevrait un jour l’une des plus prestigieuses récompenses scientifiques ?
Le prix Nobel de physique a été décerné à l’astronome américaine ce 6 octobre 2020. Elle partage ce prix avec Roger Penrose et Reinhard Genzel. Tous trois sont récompensés pour leurs travaux sur les trous noirs. Andrea Ghez, 55 ans, est la quatrième femme à recevoir cette distinction depuis la création du prix Nobel de physique.
Née dans la ville de New York, Andrea Mia Ghez s’est rapidement passionnée pour le cosmos et ses mystères. En voyant les premiers atterrissages lunaires, elle rêve de devenir la première femme dans l’espace à l’âge de 4 ans. Elle est encouragée dans son souhait d’étudier les sciences par sa professeure de chimie au lycée, la seule femme professeure qui lui ait enseigné les sciences. Avec « beaucoup de curiosité, d’optimisme et de la chance », comme elle le disait en 2017, elle s’est tournée vers une carrière d’astronome. En 1987, elle obtient un « BS » (« Bachelor of Sciences », un baccalauréat universitaire en sciences) en physique, puis un Ph.D. (un doctorat de recherche) en 1992 au sein du California Institute of Technology — son travail est alors supervisé par Gerald Neugebauer, astronome auquel on doit des avancées dans le domaine de l’astronomie infrarouge.
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Qu'est-ce qu'un trou noir ?S0-2, son étoile préférée pour percer les secrets des trous noirs
Quand on lui demande si elle a une étoile préférée, Andrea Ghez répond : « S0-2 ! C’est mon étoile préférée, car elle nous a beaucoup appris sur le centre de la galaxie. » Car ce qui intéresse par-dessus tout la scientifique, c’est de comprendre ce qui se passe au cœur de la Voie lactée, où l’existence d’un trou noir supermassif central est soupçonnée depuis des années.
Les étoiles situées près du centre galactique peuvent en théorie servir à détecter la présence d’un objet aussi massif. Mais la densité d’étoiles dans cette zone est si grande qu’il s’est avéré compliqué de mettre en œuvre cette technique. À l’aide de l’observatoire W. M. Keck, situé sur l’île d’Hawaï (un lieu que la scientifique affectionne tout particulièrement), Andrea Ghez est parvenue à dresser une cartographie du centre de la Voie lactée avec une grande précision.
C’est ainsi qu’elle a découvert que certaines étoiles se déplaçaient à une vitesse apparente équivalente à 4 % de celle de la lumière, et avec une orbite laissant soupçonner la présence d’une masse des millions de fois plus grande que celle de notre Soleil. D’où l’idée que la Voie lactée doit bien abriter un trou noir. En 1998, elle présente dans The Astrophysical Journal la « preuve d’un trou noir supermassif au centre de notre galaxie ».
Cette découverte n’est pas seulement cruciale pour la compréhension de la Voie lactée. Andrea Ghez et son équipe y voient un indice que « des trous noirs massifs pourraient être trouvés au centre de presque toutes les galaxies », peut-on lire dans l’étude. En 2008, elle publie, toujours dans The Astrophysical Journal, une estimation de la masse de ce fameux trou noir central de la Voie lactée, Sagittarius A* : grâce à l’orbite de l’étoile S0-2, cette masse est estimée à 4,1 millions de fois celle du Soleil.
Elle pense que la théorie d’Einstein ne devrait pas pouvoir tout expliquer
En juillet 2019, Andrea Ghez a publié une nouvelle fois au sujet des mouvements de S0-2, dans la revue Science. L’astronome et son équipe ont réalisé l’un des tests les plus complets de la théorie de la relativité générale d’Einstein, montrant qu’elle s’applique en l’état actuel des connaissances.
Andrea Ghez estime cependant qu’à un certain point, la théorie d’Einstein devrait montrer ses limites pour cerner la gravité qui explique ce qu’est vraiment un trou noir. D’ailleurs, la scientifique a depuis relevé dans The Astrophysical Journal Letters, en septembre 2019, que Sagittarius A* paraît être en train de consommer une importante quantité de gaz interstellaire et de poussière, un phénomène qui n’est pas expliqué. En janvier 2020, l’astronome a également découvert de mystérieux objets en orbite autour du trou noir de la Voie lactée, un nouveau signe que nous avons encore beaucoup à découvrir sur ce type d’objet.
Avec ce prix Nobel, Andrea Ghez est récompensée (elle partage une moitié du prix avec l’astrophysicien allemand Reinhard Genzel) « pour la découverte d’un objet supermassif compact au centre de notre galaxie ». La scientifique a déclaré qu’elle espérait, par l’intermédiaire de ce prix, encourager les femmes qui souhaitent se lancer dans les sciences et l’astrophysique. « La chose la plus importante que vous puissiez faire pour encourager les filles et les jeunes femmes dans la science est de leur montrer que c’est possible, que c’est un chemin qui est permis. Et la meilleure façon d’y parvenir est de leur présenter des modèles, de leur montrer qu’il y a des femmes dans ce domaine. » Ces mots, prononcés en 2006, résonnent d’autant plus aujourd’hui, alors qu’Andrea Ghez est devenue l’une des rares femmes à se frayer un chemin dans la liste très masculine des prix Nobel de physique.
L’astronome n’a probablement pas fini d’explorer les trous noirs et les mystères du cosmos. Dans son interview donnée en 2017, Andrea Ghez ne cachait pas son enthousiasme pour les recherches qui restent encore à venir en astronomie et physique : « Nous vivons dans un très grand univers qui existe depuis longtemps, et c’est incroyable de pouvoir le comprendre ».
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