Des scientifiques ont recherché la signature de la phosphine dans des observations en infrarouge de Vénus. Ils n’y ont détecté aucune trace du gaz et concluent que l’existence de cette molécule dans l’atmosphère vénusienne reste à confirmer.

C’était sans doute l’une des annonces sur Vénus les plus médiatisées de cette fin d’année 2020 : mi-septembre, des scientifiques ont annoncé avoir détecté des traces d’un gaz, la phosphine, dans l’atmosphère de Vénus. Cette détection, qui ne peut pas être considérée comme une preuve de vie vénusienne, a néanmoins enthousiasmé de nombreux scientifiques. Beaucoup ont aussi invité à la prudence à l’égard de cette découverte.

Depuis, une équipe de scientifiques a travaillé pour voir s’ils pouvaient trouver des traces de phosphine dans des spectres infrarouges. Leur étude a été acceptée pour une publication dans Astronomy & Astrophysics le 14 octobre 2020. Leurs travaux ont également été relayées dans un communiqué de l’observatoire de Paris le 16 octobre. Comme l’a résumé l’astrochimiste Hervé Cottin sur Twitter, la détection avancée mi-septembre n’est pas confirmée.

Une limite supérieure incompatible

Ce que les chercheurs montrent ici, c’est que l’existence de la phosphine dans l’atmosphère de Vénus doit impérativement être vérifiée. Cela devra se faire par au moins une détection à d’autres longueurs d’onde, écrivent ces scientifiques. « La détection de PH3 [ndlr : formule de la phosphine] étant basée sur l’identification d’une seule transition (à une longueur d’onde de 1,123 mm), nous avons cherché d’autres signatures spectrales à d’autres longueurs d’onde pour confirmer et compléter la première détection », expliquent les auteurs de la nouvelle étude.

Vue d'artiste de la phosphine dans l'atmosphère vénusienne. // Source : ESO/M. Kornmesser/L. Calçada (photo recadrée)

Vue d'artiste de la phosphine dans l'atmosphère vénusienne.

Source : ESO/M. Kornmesser/L. Calçada (photo recadrée)

Les scientifiques donnent une limite supérieure à la quantité de phosphine dans l’atmosphère de Vénus, à une altitude quasi identique à celle où la phosphine avait été détectée, d’après l’étude parue mi-septembre. « Notre limite supérieure n’est pas compatible » avec ce que montrent les auteurs de cette autre étude, expliquent-ils.

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs sont partis en quête de la signature de la phosphine dans des observations en infrarouge obtenues en mars 2015 à l’aide du spectromètre TEXES, installé sur le télescope infrarouge IRTF (Infrared Telescope Facility) de la Nasa, à l’observatoire de Maunakea situé à Hawaï. La limite supérieure pour la pression partielle de phosphine au sommet des nuages obtenue par les scientifiques est une valeur 4 fois plus faible que celle déduite par la précédente étude, résume l’observatoire de Paris dans son communiqué.

Deux possibilités pour réconcilier les résultats

Les scientifiques concluent qu’il peut y avoir deux façons de faire coïncider les résultats.

  • Soit la phosphine existe uniquement dans la haute mésosphère (troisième couche de l’atmosphère) de Vénus, et ses niveaux ne sont pas visibles dans l’infrarouge,
  • Soit l’abondance de phosphine est variable dans le temps.

Il reste donc indispensable de détecter la phosphine à d’autres longueurs d’onde avant d’affirmer que cette molécule existe dans l’atmosphère de Vénus, et avant d’en tirer des conclusions sur les processus qui pourraient en être à l’origine.

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