De l’eau sous forme moléculaire aurait été détectée sans ambiguïté sur la face éclairée de la Lune. Des zones sur la Lune où l’eau pourrait être piégée de façon stable ont également été repérées. Ces découvertes ont été annoncées dans deux études, publiées ce lundi 26 octobre 2020 au sein de la revue Nature Astronomy. Quelques jours plus tôt, la Nasa avait fait savoir qu’une « découverte passionnante au sujet de la Lune » serait présentée.
La présence d’eau à la surface de la Lune n’est pas en soi une nouveauté. Comme l’explique Nature dans un communiqué, sous embargo jusqu’à 17h (heure de Paris), d’autres recherches ont déjà mis en évidence des signes d’une « hydratation » à la surface de la Lune, notamment au niveau de son pôle sud. Le problème, c’est que dans les détections en question, il n’est pas possible de distinguer la molécule d’eau (H2O) de l’hydroxyle (OH, le radical figurant dans les molécules d’eau, constitué d’un atome d’oxygène et d’hydrogène). C’est cette distinction qui a pu être réalisée, rapporte l’une des deux études publiées aujourd’hui.
Dans ce premier document, les scientifiques ont exploité des données récoltées par SOFIA, l’Observatoire stratosphérique pour l’astronomie infrarouge. Il s’agit d’un télescope observant dans l’infrarouge et porté par un avion Boeing. En observant dans une longueur d’onde bien précise (6 micromètres), les scientifiques ont détecté une signature spectrale de l’eau, qui ne peut pas être confondue avec d’autres composés hydroxylés, estiment-ils.
Pour ces auteurs, le phénomène n’est probablement pas global, à l’échelle de toute la Lune, mais il serait plutôt « le résultat de la géologie locale ». Ils envisagent aussi où pourrait se trouver cette eau (qui n’est pas sous forme liquide, il faut plutôt imaginer les molécules d’eau en interaction avec des minéraux à la surface de la Lune). Car, selon toute attente, « l‘eau devrait être perdue dans l’espace », a indiqué Casey I. Honniball, co-autrice de l’étude et membre du Goddard Space Flight Center de la Nasa, lors d’une conférence de presse organisée ce 26 octobre à 17h par la Nasa. Selon les auteurs, l’eau pourrait être stockée de manière à être protégée de l’environnement hostile (peut-être entre des grains situés à la surface lunaire, envisagent-ils).
Des « pièges froids » qui pourraient stocker de l’eau
La deuxième étude porte quant à elle sur des « pièges froids » (« cold traps »), des zones qui se trouvent de façon permanente à l’ombre sur la Lune, où l’eau pourrait être stockée. Ces zones ont déjà fait l’objet de cartographies, mais les scientifiques expliquent que de nombreux « pièges froids » de petite taille n’ont pas été encore été étudiés.
« Nos résultats suggèrent que l’eau piégée aux pôles lunaires pourrait être plus largement répartie et accessible comme ressource pour les futures missions qu’on ne le pensait auparavant », peut-on lire dans cette étude. Ces pièges, qui peuvent faire jusqu’à 1 centimètre de diamètre, seraient présents au niveau des deux pôles lunaires. Au total, les auteurs estiment qu’environ 40 000 km2 de la surface de la Lune (dont 60 % se trouvent au sud de l’astre) serait en mesure de piéger l’eau, résume Nature dans son communiqué, si l’on tient compte de ces « micro pièges froids ».
Que nous apprennent ces découvertes ?
Quelle est la portée de ces deux études ? Leurs découvertes indiquent que l’eau semble bien produite ou apportée sur la Lune, et qu’elle pourrait potentiellement être stockée dans les « pièges froids » de l’astre, au niveau des régions polaires. Pour les futures missions lunaires prévues par la Nasa, les implications pourraient être importantes : il serait utile d’accéder à ces « réservoirs » d’eau glacée potentiels. En mettant en avant ces découvertes, l’agence spatiale réaffirme d’une certaine façon l’intérêt de sa mission Artémis — dont le budget est estimé entre 20 et 30 milliards de dollars.
« Trouver de l’eau facile d’accès est important pour nous », a-t-on pu entendre lors de la conférence de presse organisée par la Nasa. Néanmoins, comme l’a tweeté l’administrateur de la Nasa Jim Bridenstine au moment de l’annonce de ces découvertes, il est trop tôt pour savoir si cette eau pourrait effectivement servir de ressource dans le cadre d’une mission. Il faut ajouter que les volumes d’eau impliqués dans ces travaux sont limités. L’astronome Jessica Sunshine, qui s’est exprimée pendant la conférence de presse de la Nasa, a expliqué que si l’on récoltait toutes les molécules d’eau présentes à la surface lunaire, sur une zone de la taille d’un terrain de football américain, on obtiendrait moins d’un litre d’eau (voire beaucoup moins).
La présence potentielle de ces zones aurait un autre intérêt : elle pourrait aider à mieux comprendre le système solaire interne. Les auteurs de la deuxième publication indiquent que, si ces pièges contiennent de l’eau, elle s’y serait sans doute accumulée récemment. « La présence ou l’absence d’eau dans ces micro pièges froids pourrait servir d’indicateur de sources volatiles dans le système solaire interne », selon les scientifiques.
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