Alors que la deuxième vague dans l’épidémie liée au coronavirus est incontestablement intense en cette fin octobre 2020 en France, se pose la question de la prévisibilité de cette recrudescence. Si certains faux experts avaient affirmé qu’elle n’adviendrait jamais, la plupart des épidémiologistes répondaient sur le ton scientifique de la probabilité : la deuxième vague était envisageable, comme c’est le cas pour la plupart des épidémies de grande ampleur, et plus la rentrée se rapprochait, plus elle était prévisible.
Pour celles et ceux qui analysent ne serait-ce que les chiffres de l’épidémie, la deuxième vague n’est pas non plus une surprise statistique. S’il était faux de dire qu’aucune deuxième vague n’adviendrait, il est aujourd’hui tout aussi faux de dire que celle-ci est une surprise.
En mai 2020, nous vous présentions, au travers d’un article et d’une vidéo, trois scénarios d’évolution possible de l’épidémie. Ce modèle avait été bâti par des chercheurs de l’université du Minnesota. Ils se sont basés sur les précédentes pandémies, tout en intégrant au modèle les spécificités du coronavirus SARS-CoV-2. Les trois voies en question durent jusqu’en 2022, mais selon différentes configurations dans l’apparition et l’intensité des vagues.
Les trois scénarios qui étaient envisagés dans cette étude de mai 2020 :
- Scénario 1 : des pics et des creux. Ce scénario envisageait de nouvelles vagues régulières, mais plus petites, à partir de l’été.
- Scénario 2 : un gros pic à la rentrée. Dans ce deuxième scénario, une deuxième vague beaucoup plus importante que la première se produisait à la rentrée (à partir de septembre/octobre). Elle serait alors suivie par d’une autre vague en 2021, beaucoup plus petite (et même plus petite que la première) ainsi que de sursauts jusqu’en 2022.
- Scénario 3 : extinction lente. Ce troisième scénario envisageait des minivagues à partir de la rentrée, de manière répétée, mais peu intense.
La deuxième vague a toujours été une hypothèse
À l’heure actuelle, si l’on se base sur les cas détectés, nous sommes dans un équivalent du scénario 2 (celui-ci colle en grande partie avec le modèle de la grippe espagnole en 1918-19).
Toutefois, comme nous l’expliquait dernièrement le data scientist spécialiste du sujet Guillaume Rozier, il est plus pertinent pour évaluer l’intensité d’une vague de se baser sur les cas réels, dont les chiffres relèvent de projections statistiques, que sur les cas détectés, qui sont seulement ceux mis en évidence par un dépistage. Les cas réels correspondent au nombre de personnes réellement contaminées (toujours plus élevé), mais qui passent sous les radars car asymptomatiques et présymptomatiques. Sur la base de telles simulations statistiques, la première vague était plus grande qu’elle n’y paraît, et la deuxième vague serait donc plus faible dans son ensemble, pour l’instant, que la première.
Quoi qu’il en soit, ce scénario est celui qui évoquait une deuxième vague de grande ampleur, et c’est le cas, qu’elle soit plus ou moins intense que la première. Par ailleurs, en matière de gestion de crise, certains aspects du deuxième scénario s’appliquent. Les épidémiologistes à l’origine de ce modèle affirmaient que si ce scénario venait à se présenter, des mesures très restrictives feraient leur retour, comme un durcissement des politiques (fermeture de certains établissements…) et même envisager des reconfinements, au moins locaux.
La réalité ne colle jamais entièrement aux projections anticipées (les auteurs eux-mêmes relevaient que l’intensité des vagues pourrait dépendre de nombreux facteurs), d’autant plus que cette pandémie se caractérise par l’angle mort des asymptomatiques et présymptomatiques. Mais une chose est sûre et certaine : l’hypothèse d’une deuxième vague, et toutes les conséquences allant avec, était bien prise en compte dans nombre de projections épidémiologiques. Ce modèle des trois scénarios n’est effectivement pas le seul.
En clair : il est tout bonnement faux d’affirmer qu’une deuxième vague est une surprise. Elle n’était pas une évidence, mais elle faisait partie des possibilités. Et des facteurs commençaient à confirmer sa survenue dès la rentrée.
Une deuxième vague de cas positifs ? Non
Il serait également une erreur de croire que la deuxième vague ne peut pas être sanitaire (réanimations, décès) parce qu’elle n’est encore qu’épidémique (cas positifs). Cela fait également partie des projections épidémiologiques largement connues de la communauté scientifique. Il y a systématiquement un délai entre un accroissement du nombre de cas positifs et celui des admissions en réanimation ainsi que des décès. Ce délai est souvent de plus d’un mois, raison pour laquelle les taux de réanimation commencent à s’approcher du seuil de saturation seulement en cette fin octobre, alors que la recrudescence du nombre de cas a démarré en septembre.
Croire que nous ne faisons face qu’à une deuxième vague de cas positifs et pas à une deuxième vague tout court est une mauvaise interprétation, basée sur une connaissance erronée du fonctionnement épidémiologique des épidémies. La deuxième vague actuelle n’est pas qu’anecdotique. En prenant en compte le délai entre le nombre de cas et le nombre de réanimations et de décès, les mesures de freinage doivent être prises bien en amont, avant le pic lui-même.
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