Les gestes barrières contre le coronavirus fonctionnent comme un ensemble. Seuls, ils ont peu d’utilité. Il serait absurde de porter un masque, mais de se tenir à 50 cm de quelqu’un quand c’est évitable ou de ne pas se laver les mains en rentrant. Tous ces gestes doivent être combinés, d’autant plus que certains servent à se protéger, d’autres à protéger les autres. Ils sont importants dans les deux sens, puisque combattre une crise sanitaire revient à allier l’individuel et le collectif.
En gestion des crises, il existe le modèle du fromage suisse — ou de l’emmental. Chaque tranche représente une mesure de sécurité. Chaque trou de l’emmental représente les failles de la mesure. Mais en combinant les tranches — et donc les mesures de sécurité — chaque faille de chaque mesure devient moins risquée, jusqu’à constituer une solide défense.
Ce même principe peut s’appliquer à la pandémie. Courant octobre, le virologue Ian M. MacKay a popularisé le modèle sur les réseaux sociaux en l’adaptant à la crise sanitaire en cours. L’infectiologue française Karine Lacombe montre régulièrement le modèle sur les plateaux télé depuis quelques jours. Dans cette version du modèle (ci-dessus, version traduite par Nathalie Clot), chaque tranche d’emmental représente un geste barrière et ses limites. Combinées ensemble, toutes ces tranches forment un frein solide, à l’image de l’association de tous les gestes barrières contre le coronavirus.
La petite souris de la désinformation
L’illustration de Ian M. MacKay contient un élément qui peut ressembler à un trait d’humour, mais qui est surtout l’un des ingrédients les plus essentiels de cette version (Nathalie Clot l’a d’ailleurs entouré, au centre de l’image) : la petite souris de la désinformation. Sur le modèle de l’emmental représenté, on constate que cette souris « grignote » des tranches du fromage. Ce faisant, les mesures barrières voient leurs limites s’accroître, ce qui laisse davantage passer le virus.
Cette métaphore est parfaitement représentative de l’effet qu’ont les fausses informations et certaines idées reçues sans fondement. Militer contre les masques, ce qui est absurde, ou répandre l’idée totalement mensongère que l’épidémie n’existerait pas ou ne serait pas grave : voilà autant de mauvaises pratiques qui, poussant des personnes à ne pas respecter les gestes barrières, ont un impact néfaste sur leur portée. Derrière chaque trou percé dans une tranche de fromage par une fausse information qui se diffuse, il y a pourtant bien des vies humaines en jeu.
Pour aller au bout du raisonnement, lutter contre la désinformation et le complotisme pourrait donc presque être considéré comme un geste barrière, puisque cela réduit les « trous » inopportuns de ce gruyère. À chaque fois que vous vérifiez bien vos sources, que vous prenez soin de partager de bonnes informations à vos proches, que vous ne confondez pas votre opinion intuitive avec les faits scientifiques, vous contribuez à limiter la désinformation et donc vous contribuez à freiner la propagation du coronavirus.
Toutes les mesures faisant partie du modèle
La version créée par Ian M. MacKay s’avère particulièrement complète et pédagogique. Une première salve de tranches repose sur les mesures individuelles, c’est-à-dire toutes celles que chaque personne peut et doit réaliser à son propre échelon :
- Distanciation physique (de 1 mètre grand minimum, et plutôt 2 mètres d’après le CDC) : une mesure d’autodiscipline quotidienne, très peu couteuse et favorable à tout le monde, et qui implique aussi de rester strictement chez soi au moindre symptôme.
- Porter un masque : cela sert essentiellement à protéger les autres. Mal porter un masque, comme le mettre sous le nez, revient toutefois à charcuter la tranche d’emmental jusqu’à ce qu’elle n’existe quasiment plus.
- Se laver les mains et tousser dans son coude.
- Éviter de se toucher le visage : il s’agit d’une pratique réflexe très difficile à contrôler, raison pour laquelle cela se combine avec le geste barrière précédent. Se laver les mains au gel hydroalcoolique ou au savon très, très régulièrement, permet de limiter les risques (si vous vous grattez le visage par mégarde dans les transports par exemple).
- Limiter le temps passé dans les lieux très fréquentés, ce qui revient à limiter le nombre de personnes non proches rencontrées, une réduction mathématique du risque d’exposition.
Les mesures collectives, relevant la plupart du temps de politiques publiques, viennent s’ajouter aux mesures individuelles :
- Tester et tracer rapidement.
- Aérer, rester dehors, filtrer l’air intérieur (une pratique que vous pouvez aussi appliquer individuellement, en prenant par exemple l’initiative d’aérer votre lieu de travail).
- Consignes officielles et mesures de soutien.
- Quarantaine et confinement.
- Vaccination : cette dernière tranche s’ajoutera quand un vaccin sera disponible, mais nécessitera pendant plusieurs mois de maintenir les autres gestes barrières, car l’intégralité de la population ne sera pas vaccinée ni immunisée en claquant des doigts.
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