« Tout le monde disait combien ce fut un grand chef, un grand homme », raconte l’archéologue Randy Haas en confiant ses souvenirs dans Science, au sujet d’ossements trouvés en Amérique, et datant d’il y a 9 000 ans. « Je pense que votre chasseur est plutôt une femme », lui a fait remarquer le bioarchéologue Jim Watson à la vue de certains indices morphologiques. Il en résulte une découverte, dont le papier de recherche a été publié le 4 novembre dans Science Advances . Les auteurs montrent à nouveau combien certains biais de genre peuvent encore interférer avec l’archéologie — mais que ces biais sont de plus en plus dépassables.
Au sujet des chasseurs-cueilleurs, nos ancêtres, le récit majoritaire développé en histoire et en archéologie voulait jusqu’à maintenant que, dans ces populations, les hommes allaient chasser le gros gibier, tandis que les femmes restaient de leur côté à la cueillette d’herbes et de plantes. Cette division genrée est en effet considérée comme un « modèle comportemental ancestral », relève l’étude dans son introduction. Ce récit est profondément ancré notamment depuis 1966 et un symposium tenu sur le sujet à Chicago.
Mais voilà que les excavations réalisées en 2018 par ces archéologues, dans les Andes, au Pérou, viennent « défier l’hypothèse de l’homme-comme-chasseur ». Ce n’est d’ailleurs pas la première étude en ce sens. On sait maintenant depuis 2017 grâce à une analyse génétique que l’un des plus grands guerriers Viking était en fait une guerrière. En 2020, une découverte est venue confirmer l’existence de femmes guerrières chez les Scythes.
L’activité de chasse composée de 30 à 50 % de femmes
Lors de fouilles tenues en 2018, Randy Haas et son équipe ont excavé les ossements dans six sépultures datant d’il y a 9 000 ans. Deux sépultures contenaient des outils de chasse, dont l’une était pourvue d’un attirail particulièrement riche, bien organisé, et soigneusement disposé au sein de la tombe : des pointes de projectiles prévues pour des lances, des lames de coupe, un couteau, des outils de raclage, etc. Les ossements de cette sépulture si riche appartenaient à une personne décédée entre 17 et 19 ans, et il semblait assez clair que c’était quelqu’un d’important dans la communauté, probablement de réputé pour ses capacités à la chasse.
Ce sont ensuite des analyses génétiques, mobilisant les dernières techniques modernes les plus avancées, qui ont permis de déterminer le sexe des ossements. Le résultat est clair : il s’agissait d’une jeune chasseuse. Les auteurs ne se sont pas arrêtés là : et si cette chasseuse n’était qu’une exception ? Pour tirer cette potentielle limite au clair, l’équipe d’archéologue a lancé une méta-analyse sur les ossements retrouvés dans la région. Sur les 429 squelettes retrouvés dans 107 lieux américains de sépulture, 27 individus étaient enterrés avec des outils de chasse du plus haut niveau. Parmi ces 27, 15 étaient des hommes et 11 étaient des femmes. À partir de là, ils ont procédé à une modélisation montrant que dans la chasse de gros gibier, la participation des femmes était de l’ordre de 30 à 50 %. Ce n’était donc pas une exception, mais bien une organisation culturelle neutre en genre.
Pour l’équipe d’archéologue, le constat est donc bien clair que « la chasse ancestrale de gros gibier était non-genrée ou quasiment » : il y avait autant ou presque autant de femmes à la chasse que d’hommes. Les auteurs associent par ailleurs leur trouvaille aux autres études allant en ce sens. « Un certain nombre d’études confirment l’affirmation selon laquelle les constructions modernes de genre ne reflètent souvent pas du tout les constructions passées. » Ils mettent ainsi l’accent sur comment se libérer des biais de genre dans l’analyse archéologie permet de délivrer des connaissances bien plus précises culturellement sur le passé étudié — la division genrée n’a rien d’un comportement ancestral systématique.
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