Les masques servent à protéger les autres. Ils sont beaucoup plus limités pour se protéger soi-même. Mais leur efficacité provient surtout d’une synergie au sein d’une communauté : si tout le monde le porte, alors la propagation est globalement freinée.

Oui, les masques bien portés protègent les autres lorsque vous êtes porteur ou porteuse de la maladie Covid-19. Sur ce point, il n’y a pas vraiment de débat. Les masques médicaux, en la matière, sont efficaces. La catégorie FFP2/3/N95 est la plus filtrante, puis viennent ensuite les masques chirurgicaux. Il y a en dernier ressort, les masques en tissu, plus variables en efficacité selon leur conception mais utiles. Qu’en est-il dans l’autre sens ? Les masques, en tissu notamment, peuvent-ils protéger le porteur ou la porteuse ? Une mise à jour proposée par l’autorité américaine de santé, le CDC, le 10 novembre 2020, pourrait être mal interprétée, ce qui nécessite de refaire un point sur ce sujet.

Seuls les masques FFP2/3/N95 sont conçus pour protéger la personne qui le porte. Les masques chirurgicaux, eux, offrent aussi une relative capacité de protection de soi en raison de leur mécanisme de filtration, mais la protection personnelle est plus faible. Quant aux masques en tissu, ils ne sont pas des masques médicaux et ils fournissent une protection personnelle minimale et très variable pour celui ou celle qui le porte. Cela reste, toujours, mieux que rien, car les masques qui ne sont pas conçus pour la protection individuelle peuvent contribuer à réduire l’inhalation de particules infectées, étant donné que le coronavirus est aussi aéroporté.

Qu'importe le masque que vous portez, il faut de toute façon combiner cette pratique avec les autres gestes barrières. // Source : Pexels

Qu'importe le masque que vous portez, il faut de toute façon combiner cette pratique avec les autres gestes barrières.

Source : Pexels

En clair, un masque en tissu ou chirurgical n’offre qu’une protection limitée du porteur ou de la porteuse (contrairement aux FFP2/3/N95). Cela va dépendre des matériaux et des couches (pour un masque en tissu), du contexte (dans un établissement de santé, les mesures sanitaires environnantes vont aider), de comment il est porté, etc. ; tous ces facteurs font alors varier l’efficacité protectrice de tout à fait correcte à quasi inexistante. Même un masque FF2/3/95 ne peut garantir une protection totale de soi, ce qui nécessite dans certains cas, pour le personnel de santé, de combiner avec d’autres équipements (visières, blouse, gants…). En population générale, cela vient rappeler qu’il faut associer au masque bien d’autres gestes barrières — ce qui est illustré par le « modèle de l’emmental », où chaque geste empêche toujours un peu plus le virus de se transmettre.

La synergie d’un port généralisé

Il est important de comprendre que séparer la protection des autres et la protection de soi ne relève pas forcément, de toute façon, de l’approche la plus juste. Lorsque le masque est globalement porté par l’ensemble d’une communauté, alors c’est la protection mutuelle, dans les deux sens, qui s’accroît : il s’agit d’une mécanique collective freinant la propagation du virus. Un constat d’autant plus valable pour une maladie qui est propagée aussi par des personnes asymptomatiques qui n’ont aucun signe de leur maladie tout en étant contagieuses. Ces transmissions asymptomatiques ou même asymptomatiques représenteraient au moins la moitié des transmissions de la maladie Covid-19.

Mardi 10 novembre, le CDC a mis à jour ses recommandations, en mettant l’accent sur la protection du porteur ou de la porteuse fournie par les masques en tissu. Cela pourrait être interprété, à tort, comme un revirement. Ce n’est pas le cas : la protection, bien que très limitée et variable, existe bien, et le CDC ne survalorise pas cette protection. Au contraire, le CDC insiste bien sur la notion de synergie. « Le bénéfice du masque provient de la combinaison du contrôle à la source [éviter d’émettre le virus] et de la protection personnelle [éviter d’inhaler le virus] pour la personne portant le masque. La relation entre le contrôle à la source et la protection est complémentaire et possiblement une synergie. »

Là où il y a bel et bien un revirement, ce n’est pas sur la science ni sur la recommandation, mais sur la façon de présenter les choses.

Miser sur l’altruisme, pas assez efficace ?

Pour des scientifiques comme Saskia Popescu et l’épidémiologiste Angela Rasmussen, la mise à jour du CDC montre aussi et surtout une évolution dans la communication sur la crise sanitaire : puisque le port généralisé du masque aide à endiguer le coronavirus, mais que beaucoup y sont réticents, les organismes de santé publique essayent maintenant de mettre davantage l’accent sur les bénéfices pour la personne qui le porte, plutôt que de miser sur l’altruisme.

« Nous savons que les masques en tissu offrent une protection variable à celui qui les porte, mais je pense que le plus gros problème est que le CDC doit insister là-dessus pour inciter les gens à porter un masque. Cela signifie que nous devons aller au-delà du contrôle à la source [empêcher l’infection des autres], et que maintenant, pour que les gens portent le masque, il faut parler du gain personnel », relève Saskia Popescu.

« Le fait que le CDC doive publier des directives faisant directement appel à l’intérêt personnel, pour surmonter la résistance à l’emploi de mesures de santé publique aussi faciles à mettre en œuvre, en dit long sur nos priorités », ajoute Angela Rasmussen, déplorant qu’il faille en appelant au bénéfice personnel plutôt qu’à la protection des autres pour le simple port d’un masque.

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