Les images satellites de la Terre montrent souvent des ouragans impressionnants. Vu de si haut, si on met de côté leur caractère menaçant, ils sont aussi harmonieux et bien sculptés. Pourtant, un zoom permet de réaliser qu’ils sont en réalité constitués de millions de plus petites structures qui forment un enchevêtrement de vents déchaînés. Il en va de même à une tout autre échelle sur les planètes gazeuses comme Jupiter et Saturne. Une étude publiée dans Science Advances le 13 novembre 2020 par des chercheurs de Cambridge propose une simulation extrêmement détaillée pour connaître les secrets de leur formation.
Et ils ont de quoi faire, car ces deux planètes présentent en permanence plusieurs dizaines voire centaines de vortex de ce type, qui mesurent parfois plus de 1 000 kilomètres de diamètre. Le plus connu étant l’anticyclone de Jupiter surnommé la Grande Tache rouge, qui ne mesure pas moins de 15 000 kilomètres d’un bout à l’autre. «Ils sont la plupart du temps traités comme des phénomènes météorologiques de surface, déplore le principal auteur Rakesh Yadav auprès de Numerama. Pourtant, nos simulations montrent qu’une tout autre réalité est possible. »
Les anticyclones de l’espace
La question à l’origine de l’étude est la suivante : est-il possible d’imaginer des tempêtes de ce type qui trouveraient leur origine loin sous la surface ? Et leur réponse est oui. Pour arriver à cette conclusion, ils se sont d’abord servis des observations de la sonde Cassini. Elle a survolé Jupiter en 2000 avant de passer 13 ans en orbite autour de Saturne de 2004 à 2017, puis de plonger dans sa turbulente atmosphère lors d’un suicide grandiose destiné à récolter le maximum de données avant la dégradation de ses instruments. Des années d’observation qui ont permis de conclure que Jupiter avait entre 3 et 4 fois plus de vortex que Saturne, et que les deux planètes possédaient des structures de toutes tailles à toutes les altitudes.
En revanche, savoir dans quel sens tournent les vortex est un peu plus délicat puisque les données sont insuffisantes, surtout pour Saturne avec des structures plus petites et masquées par une atmosphère assez brumeuse. Cela dit, les quelques informations récoltées laissent entendre que dans la plupart des cas, ils sont anticycloniques, c’est-à-dire qu’en tournant, l’air se déplace vers le bas. Une information qui a son importance, car lorsqu’il s’agit de cyclones, les modes de formation ne sont pas exactement les mêmes, comme c’est le cas sur Terre.
Jusque là d’ailleurs, les anticyclones observés étaient tout à fait explicables par des modèles qui ne s’intéressaient qu’à la surface des planètes. Autrement dit, inutile d’aller chercher plus profond si la réponse est déjà visible. C’est pourtant bien ce qu’ont voulu faire les auteurs en réalisant deux simulations distinctes.
La première imagine des planètes avec une première couche de gaz assez fine, qui contient de l’hydrogène moléculaire « classique ». La seconde couche est soumise à d’importantes pressions et contient de l’hydrogène métallique qui renforce au même titre que le noyau, le cœur de Jupiter. Petite variante sur Saturne, ces deux couches sont séparées par une couche stratifiée stable due à la présence d’hélium. Cette séparation admise dans la plupart des modélisations de la planète aux anneaux pourrait également se retrouver sur Jupiter, mais beaucoup plus fine et donc sans grand intérêt pour les simulations décrites ici.
La deuxième simulation repose sur le même principe, mais avec une première couche plus épaisse.
Des simulations de coquille
Dans celle avec la « coquille fine » pour reprendre les termes de l’étude, la première couche ne fait que 1 000 kilomètres de profondeur pour Saturne, 2000 kilomètres pour Jupiter. Dans ce cas-là, les auteurs ont simulé des jets de gaz trouvant leur origine dans la couche interne et qui remontent jusqu’à la surface. Une simulation qui correspond aux vortex anticycloniques vus par Cassini. Les interactions entre les différentes couches d’atmosphère suffisent à faire émerger des vortex en grand nombre et de tailles importantes.
Pour ce qui est de la deuxième simulation avec la première couche plus épaisse, il y a davantage de liens avec la dynamo qui se jouent au niveau des noyaux des planètes. Le champ magnétique provoque bien l’apparition de vortex très imposants à la surface, mais pas sur toute la planète. Il y a plutôt une concentration autour de l’équateur, ce qui ne correspond pas à la réalité… Sauf dans un cas précis : celui de la Grande Tache rouge de Jupiter. Cette structure énorme et déjà observée par les astronomes du 17e siècle (Cassini en premier d’ailleurs, on y revient) trouve ici une justification. Un point supplémentaire pour ce mécanisme : l’absence d’une structure similaire sur Saturne. D’après les auteurs, ce serait une conséquence de cette fameuse couche intermédiaire d’hélium qui bloque les perturbations issues du centre de la planète avant qu’elles n’atteignent la surface.
« Nos simulations prouvent qu’il est très possible que les vortex de la surface viennent des profondeurs des planètes, résume Rakesh Yadav. C’est très intéressant de voir que ça ne se limite pas à des phénomènes atmosphériques de surface et qu’il y a plusieurs mécanismes en jeu. »
Mais les connaissances sur les vortex sont appelées à connaître un nouveau bond en avant dans peu de temps, puisque depuis 2016 et encore jusqu’à l’année prochaine au moins, la sonde Juno est en orbite autour de Jupiter. Parmi ses objectifs : une étude de la structure de l’atmosphère jusqu’à ses couches les plus profondes afin de créer une carte en trois dimensions des phénomènes météorologiques qui se déroulent sur la planète. Une plongée dans les profondeurs de Jupiter qui devraient définitivement lever le voile sur l’origine des vortex.
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