« Ce n’est pas une comète mais la queue de notre planète intérieure Mercure vue de mon jardin » : Sebastian Voltmer, journaliste et photographe scientifique allemand, a partagé le 10 novembre dernier sur Twitter une image saisissante de la planète Mercure. Avec ce cliché, de nombreux internautes ont probablement découvert cette particularité peu connue de la planète Mercure : elle possède une queue de sodium.
Imager cette étonnante structure n’est pas des plus simple, même pour un habitué de l’astrophotographie. Il a dû créer un filtre sur mesure pour capturer cette queue de sodium, et composer avec un signal assez faible. « J’ai collecté plus de 24 expositions uniques (30 secondes par image) avant le lever du Soleil. Le traitement des fichiers était assez difficile », explique à Numerama Sebastian Voltmer, qui a obtenu ce cliché depuis la commune française de Spicheren.
Comme pour les comètes
Que voit-on exactement dans le sillage de Mercure ? Le même phénomène est connu autour des comètes depuis plusieurs siècles. « C’est le même phénomène que celui des queues cométaires, confirme François Leblanc, directeur adjoint du LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations spatiales), à Numerama. Cela se voit bien avec Mercure, car elle est proche du Soleil. Ce que l’on voit, c’est de la lumière réfléchie par la queue qui s’est formée derrière Mercure. »
Pour que cette structure puisse se former, il faut certaines conditions, poursuit le scientifique : « Il faut des photons solaires, en plus de l’atmosphère, pour que cette queue se forme. Plus on est proche du Soleil, plus il y en a, et plus ce genre de phénomène peut être visible. »
Dans le cas de Mercure, on sait que les atomes de sodium sont nombreux autour de la planète, dont ils sont a priori originaires. Ces atomes sont repoussés par le Soleil, détaille François Leblanc. « En plus de réfléchir les photons solaires, les atomes de l’atmosphère qui sont ici des atomes de sodium sont poussés par ces photons. C’est ce qu’on appelle la pression radiative solaire. Il y a un petit échange d’énergie entre les photons et les particules, qui produisent une sorte de pression. » Ainsi, de la même façon que sur les comètes, les atomes sont poussés dans la direction opposée à celle du Soleil.
Le sodium réfléchit beaucoup la lumière
Le fait qu’il s’agisse d’atomes de sodium joue un rôle dans la visibilité du phénomène. « Le sodium est un élément chimique qui réfléchit beaucoup la lumière du Soleil, c’est pourquoi on peut le voir assez facilement lorsque l’on regarde un objet assez lointain. On l’observe d’ailleurs autour de Jupiter, ou des planètes extrasolaires. Souvent, le sodium est l’un des premiers éléments chimiques qu’on vise pour chercher si l’on peut voir quelque chose autour d’un objet », détaille le scientifique. La visibilité de ce sodium ne signifie pas qu’il s’agit de l’élément principal qui constitue Mercure : la planète est composée de silicium et d’oxygène (comme la Lune). « Mais c’est le sodium qui se voit le plus facilement, de par ses propriétés atomiques », résume François Leblanc.
La queue de sodium de Mercure a été observée une première fois en 2002, puis à nouveau en 2008. À cette occasion, on a eu un aperçu assez impressionnant du phénomène. « Ce qui est spectaculaire avec l‘observation réalisée en 2008, c’est que l’on voit la queue de sodium sur l’équivalent de plus de 1 400 rayons de Mercure. En 2002, la queue de sodium avait déjà été imagée mais seulement sur quelques rayons proches de Mercure », résume le scientifique.
Un moyen d’étudier l’atmosphère de Mercure
Mercure est connue pour être la planète avec l’orbite la plus excentrique de tout le système solaire. On peut observer les effets de cette excentricité sur la queue de sodium. « La distance relative de Mercure à la Terre change beaucoup. Sa distance et sa vitesse relative par rapport au Soleil changent aussi beaucoup », explique François Leblanc. Quelle conséquence pour la queue de sodium ? « Elle est plus ou moins visible en fonction de l’orbite. Sur certaines positions de l’orbite, elle s’étend très loin derrière Mercure et sur d’autres, on ne la voit quasiment pas, car l’effet du flux solaire est réduit. »
La queue de sodium de Mercure n’est pas seulement un beau spectacle astronomique. C’est aussi un excellent moyen d’étudier l’astre, comme nous le précise François Leblanc. « Lorsque l’on regarde cette queue atmosphérique à différentes distances de Mercure, c’est comme si l’on visionnait un film récent de l’atmosphère de Mercure. À une distance de 100 rayons de Mercure, vous avez des atomes de sodium qui ont été éjectés depuis la surface il y a environ 10 heures. À 1 000 rayons, ils ont été éjectés il y a 10 jours. C’est une manière de reconstruire l’histoire instantanée de l’atmosphère de Mercure. »
Même si les regards se tournent souvent vers Mars ou Vénus ces temps-ci, Mercure a aussi des choses à nous apprendre. Son étude est par exemple très précieuse pour espérer comprendre les planètes situées hors du système solaire, qui lui ressemblent. « Mercure est un bel analogue des exoplanètes proches de leurs étoiles, car c’est la planète de notre système la plus proche de notre étoile. Le fait qu’elle ait très peu d’atmosphère et la question de savoir si elle en a eu une un jour, ce sont des questions qu’on se pose typiquement pour les exoplanètes qui sont dans des conditions similaires », souligne François Leblanc.
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