Les mutations du coronavirus SARS-CoV-2 ont donné lieu, depuis plusieurs mois, à nombre d’idées reçues : telle ou telle nouvelle mutation aurait rendu le coronavirus tantôt plus virulent, tantôt moins virulent. Il y a eu aussi de véritables inquiétudes. Récemment, le principe de précaution s’est appliqué au Danemark, conduisant à l’euthanasie de millions de visons face à l’éventualité d’une mutation pouvant rendre les vaccins en cours d’élaboration moins efficaces. Quelques semaines plus tard, les premières données ont montré que la mutation chez les visons a peu de risques de causer de tels dégâts.
Mais qu’en est-il vraiment des mutations du coronavirus ? Précisons d’emblée : tous les virus mutent. Les mutations d’un virus ne représentent pas quelque chose de surprenant ni de rare. Souvent, elles ne génèrent pas de conséquences significatives. Parfois, elles vont modifier le matériel génétique de telle sorte à ce que la transmissibilité et la virulence s’en retrouvent changées. Les coronavirus ont quant à eux un faible taux de mutation. Le SARS-CoV-2 « n’accumule par mois que deux mutations d’une seule lettre dans son génome — un taux de changement qui représente environ la moitié de celui de la grippe et un quart celui du VIH », expliquait dans Nature, en septembre 2020, l’épidémiologiste moléculaire Emma Hodcroft.
Cela dit, ce faible taux de mutations n’exclut pas que certaines d’entre elles puissent être significatives. Par exemple, la mutation nommée « D614G » s’est progressivement imposée en Europe au cours de l’été 2020. Elle a donné lieu à beaucoup de spéculations, et même à de premières études (dans Cell par exemple, mais le plus souvent en prépublication donc sans validation par un comité d’experts). Ces études n’étaient pas assez solides pour que la communauté scientifique aboutisse à des conclusions. Alors, D614G a-t-elle généré un coronavirus plus virulent ? Y a-t-il eu, depuis le début de la pandémie, une mutation augmentant la contagiosité ?
12 706 mutations
Dans une étude publiée dans Nature le 25 novembre 2020, une équipe de biologistes et de généticiens s’est penchée sur plus de 46 000 génomes du coronavirus SARS-CoV-2, isolés à partir de patients dans le monde entier. Les chercheurs ont identifié 12 706 mutations. Afin de repérer une éventuelle augmentation dans la capacité de transmission chez certaines d’entre elles, ils ont créé une modélisation : elle permet de vérifier si, après qu’une mutation est apparue, les descendants du génome surpassent les lignées sœurs qui n’ont pas cette mutation. C’est une analyse phylogénétique visant à retracer l’évolution d’une mutation et la façon dont elle a pu s’imposer ou non, ce qui délivre des indications assez fiables sur sa contagiosité.
La conclusion est que les mutations les plus répandues du coronavirus sont « neutres ». Cela signifie qu’aucune ne porte une plus forte transmission du pathogène. Ce constat concerne également la fameuse mutation D614G qui s’est répandue à l’été 2020 : « Cela inclut le D614G, qui, selon notre analyse, est plus un passager clandestin qui a eu de la chance avec une lignée réussie, qu’un vecteur de transmission », commente François Barroux l’un des auteurs. Son développement semble donc relever davantage des hasards biologiques, elle ne serait pas « imposée » réellement grâce à des changements dans la transmission.
François Barroux ajoute que même si la conclusion revient à dire qu’aucune mutation n’a pour l’instant accru le potentiel de transmission du coronavirus, ce type d’étude reste crucial. « L’arrivée imminente des vaccins va exercer de nouvelles pressions sélectives sur le SARS-CoV-2 », explique-t-il. Certaines mutations pourraient échapper à l’immunité induite par le vaccin, et qu’ainsi les lignes virales portant ces possibles mutations se reproduiraient avec une plus grande efficacité. Le généticien estime que le modèle développé avec son équipe pourrait permettre d’identifier rapidement des mutations qui échapperaient aux vaccins.
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