Pour leurs candidats vaccins contre le coronavirus, les laboratoires Pfizer/BioNTech ainsi que Moderna ont tous deux déposé des demandes d’autorisation auprès des autorités sanitaires américaines, mais aussi de l’Agence européenne du médicament.
Le vaccin Pfizer a d’ailleurs reçu ses toutes premières commandes officielles : le gouvernement britannique est le premier à avoir autorisé dans le monde entier, le 2 décembre 2020, le fameux vaccin ARNm.
Leurs vaccins ont la spécificité d’être basés sur la technique de l’ARN messager. Voici tout ce qu’il faut savoir sur un vaccin basé sur l’ARNm.
Qu’est-ce que l’ARN messager (ARNm) ?
L’acide ribonucléique (ARN) messager (m) est une copie temporaire d’une séquence génétique. Cette copie contient les instructions pour la production, par les cellules, de protéines. Après le processus de transcription, l’ARNm va se rendre dans le cytoplasme des cellules, pour atteindre les ribosomes : ces complexes sont chargés de synthétiser les protéines. Ensuite, intervient le processus de traduction : les ribosomes vont lire et appliquer les instructions contenues dans l’ARNm. À la fin, les cellules auront donc produit les protéines codées dans l’ARN, et elles se chargent de mettre en application leur fonction. L’ARNm s’autodétruit naturellement.
Qu’est-ce que la protéine Spike, si déterminante ?
La protéine Spike est cruciale dans le développement des vaccins. C’est par cette protéine, qui a une forme de pointe (comme une flèche), que le coronavirus SARS-CoV-2 entre en contact avec les cellules humaines pour les infecter. Pour s’en prémunir, le système immunitaire doit être entraîné à reconnaître cette protéine, afin qu’il sache comment la contrer dès le premier contact.
Comment fonctionne un vaccin à ARN messager ?
Les vaccins ont pour but d’entraîner le système immunitaire à reconnaître un pathogène, et donc à le combattre, ce qui permet d’être immunisé le jour où le pathogène se présente. Si tant est que l’immunité ne soit pas totale (les vaccins ont rarement 100 % d’efficacité pour toute la population), cela évite au moins des formes graves de la maladie. Habituellement, cet entraînement est basé sur des protéines inactivées du virus concerné, et sur d’autres virus proches, mais inoffensifs. Le vaccin d’AstraZeneca est basé sur un coronavirus de chimpanzé sans le moindre risque pour l’être humain. Les scientifiques y ont inséré la protéine Spike du coronavirus SARS-CoV-2. Le système immunitaire s’entraîne donc à reconnaître l’infection du coronavirus, sans être réellement infecté. Cela crée une immunité adaptative.
Un vaccin ARNm repose sur le même principe d’entraînement du système immunitaire. En revanche, il ne fonctionne pas pareil. Les scientifiques synthétisent la séquence ARNm de production de la protéine Spike au sein d’une vésicule lipidique (sous forme de lipide, donc de sérum) appelée liposome. Une fois l’injection de cette véscule faite dans le haut du bras, le processus de transcription et de traduction suit son cours : les risobomes vont lire l’ARN messager, puis les cellules vont produire la protéine Spike. Le système immunitaire découvre une protéine qui n’est pas censée être là, ce qui entraîne une réponse et apprend au corps à détruire le pathogène. Contrairement à un vaccin traditionnel, l’entraînement est entièrement autogénéré par le corps, qui produit lui-même les protéines.
C’est un procédé que l’infectiologue Nathan Peiffer-Smadja nous décrivait dans un précédent article comme très simple : « En fait, on utilise directement le matériel cellulaire humain pour produire la protéine Spike à partir de cet ARN ».
Est-ce que l’ADN est modifié par l’ARNm ?
Non, votre ADN n’est pas altéré avec un vaccin basé sur l’ARN messager. Le processus de traduction de la séquence génétique fournie par l’ARNm se déroule au niveau des ribosomes, dans le cytoplasme de la cellule. En passant par cette région cellulaire, l’ARN messager ne pénètre jamais dans le noyau de la cellule — qui contient son génome.
L’ARNm transporte temporairement une séquence génétique qui porte les instructions pour créer la protéine voulue. C’est un processus génétique qui sert à produire quelque chose d’utile, mais ne vient absolument pas modifier votre ADN. La production de protéines par le corps humain est un phénomène tout à fait naturel ; donc un tel vaccin vient générer une réponse naturelle, non pas perturber le corps.
La technique est-elle nouvelle ?
Aucun vaccin ni traitement basé sur l’ARN messager n’a encore été approuvé par une autorité sanitaire. Si Moderna ou Pfizer voient leur vaccin être validé, ce sera donc une première historique.
La technique en elle-même n’est toutefois pas une innovation récente ni particulièrement nouvelle. Elle est connue des scientifiques. Les premières expérimentations remontent aux années 1990, puis les recherches ont avancé à grands pas en visant des applications sous forme de vaccins ou de thérapies. Dans les études cherchant à établir de nouvelles thérapies contre le cancer, par exemple, les scientifiques essayent de se servir de l’ARNm pour potentiellement entraîner le système immunitaire à s’attaquer aux cellules cancéreuses. Les recherches basées sur l’ARNm se sont aussi intéressées à la grippe, au virus Zika, à la rage et à divers autres pathogènes.
Est-ce dangereux ?
Un vaccin à ARNm ne peut pas transmettre le coronavirus à la personne vaccinée. La séquence contient exclusivement le code de la protéine Spike du coronavirus. L’ARNm ne pénètre par ailleurs jamais dans le noyau de la cellule. Ensuite, la molécule contenant l’ARNm s’autodétruit, lors d’un processus naturel et habituel pour le corps.
Les phases 3 sur des dizaines de milliers de patients ont montré une absence d’effets secondaires, ou alors très faibles et prévisibles. Cela signifie une innocuité (absence de conséquences néfastes) de ces vaccins basés sur l’ARNm. Pour l’instant, Pfizer et Moderna n’ont pas encore diffusé les publications scientifiques liées à leurs essais de phase 3. Cela doit donc être confirmé, et ce sera scruté lors du processus de validation par les autorités sanitaires.
Pourquoi un stockage à des températures si basses ?
La mise en distribution des vaccins de Pfizer et Moderna va poser un défi logistique : le stockage à de basses températures. Cela concerne surtout celui de Pfizer : leur vaccin doit être stocké à –70 degrés Celsius. C’est plus froid que les températures moyennes de l’Antarctique. Celui du Moderna quant à lui doit être stocké à –20 degrés.
La molécule contenant l’ARNm est instable, fragile, en raison de la présence de nombreuses enzymes qui peuvent finir par détruire la séquence, la rendant inefficace. Les chercheurs travaillant sur un tel vaccin doivent donc réussir à stabiliser leur ARN messager. Ce n’est toutefois pas suffisant. La vaccinologue Margaret Liu utilise l’analogie de la barre chocolatée dans NPR. Puisque le chocolat a tendance à fondre, on peut freiner ce phénomène grâce à un emballage… mais aussi avec de l’enrobage, comme pour des M&M’s. Raison pour laquelle l’ARNm est stabilisé en laboratoire (emballage), puis qu’il n’est pas injecté « à nu », mais dans une molécule lipiditique, un lipide étant un sérum graisseux (enrobage).
Ces techniques vont permettre de stabiliser l’ARNm, mais pas sur le temps long. Or, quand on réduit les températures… on réduit aussi toutes les réactions, y compris l’action des enzymes au sein de l’ARNm. Il faut donc stocker ces vaccins à de très basses températures pour « suspendre » dans le temps l’activité de l’ARNm, et que la dose ne se détériore pas.
Combien ça coûte ?
Le vaccin de Pfizer devrait coûter 19,50 dollars par dose ; et celui de Moderna entre 10 et 50 dollars. Sachant qu’il y a deux doses nécessaires, cela signifie que, rapportée en euros, la vaccination par un vaccin comme celui de Pfizer pourrait coûter 33 euros. Ces prix sont plus élevés que celui d’AstraZeneca (4 dollars / dose) ou de Johnson & Johnson (10 dollars / dose). Mais reste à savoir quel sera le coût pour les citoyens et citoyennes, une prise en charge étant envisageable, notamment pour les populations vulnérables prioritaires.
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