Un repas de famille est un beau moment partagé avec les gens que l’on aime. Mais, voilà qui est bien connu, c’est aussi à cette occasion que l’on revoit des proches éloignés qui nourrissent parfois des idées bien arrêtées, et que l’on sait éloignées de toute réalité scientifique. Voici un guide de certaines idées reçues qui ne reposent pas sur des fondements scientifiques : les déconstruire est simple.
« Le vaccin ARN messager modifie notre ADN »
L’assertion selon laquelle les vaccins de Pfizer et Moderna peuvent modifier notre ADN, faire de nous des « organismes génétiquement modifiés », est totalement fausse. Ce n’est pas très difficile à expliquer.
L’ARN messager transporte temporairement les instructions pour produire la protéine Spike du coronavirus, afin d’entraîner le corps à la reconnaître. Ces instructions sont destinées aux ribosomes, situés dans le cytoplasme des cellules humaines. L’ARN messager transporte donc ses instructions jusqu’au cytoplasme. Le génome, notre ADN, se situe dans le noyau de la cellule. Ce sont deux compartiments bien distincts, et l’ARN messager ne remplit que sa mission très ciblée. Le vaccin basé sur l’ARN messager ne peut donc techniquement pas modifier votre ADN.
« Le coronavirus est une grippette »
C’est un argument fallacieux récurrent utilisé par divers « rassuristes » : la maladie Covid-19 serait une grippette. Il n’en est rien. Le coronavirus n’est pas une grippette et n’est pas non plus une grippe. Toutes les statistiques montrent que la maladie Covid-19 a un taux de mortalité bien supérieur à la grippe : dans le monde, en 2020, 1,6 million de personnes sont mortes du coronavirus, quand la grippe cause entre 200 000 et 650 000 décès par an. En France, le taux de mortalité serait trois fois supérieur pour le coronavirus que la grippe.
Derrière les chiffres, il y a par ailleurs des humains. Il est bon de rappeler, dans ce type de discussions, que les symptômes de la maladie Covid-19 peuvent être éprouvants et causer des séquelles importantes. Les témoignages en la matière sont nombreux.
« Les masques et les gestes barrières ne sont pas utiles car ils sont mal faits »
On parle parfois des « antimasques » pour désigner celles et ceux qui refusent de porter un masque, affirmant ci et là qu’ils sont inutiles… ou dangereux. Ce sont deux affirmations fausses. Le port généralisé est efficace. Le coronavirus provoque effectivement des formes asymptomatiques de la maladie Covid-19 — en de très larges proportions, ce qui signifie que lorsque tout le monde porte un masque, les risques de propagation sont limités. Les masques servent avant tout à protéger les autres. En revanche, les masques sont moins efficaces pour se protéger, car le coronavirus peut infecter par d’autres biais. Mais cela reste mieux que rien. L’idéal reste de combiner les gestes barrières.
Si vous avez besoin d’illustrer l’utilité des gestes barrières, n’hésitez pas à utiliser le fameux modèle de l’emmental : chaque tranche d’emmental comporte des trous, et donc des défauts, mais plus on superpose ces tranches plus ces trous sont complètement bouchés. C’est combiner les gestes barrières, qui fonctionne.
« Les masques sont dangereux »
Les masques n’ont par ailleurs absolument rien de dangereux. Ils sont portés toute la journée à l’hôpital par le personnel médical depuis des années. Ils sont à la fois conçus pour être filtrants et respirables : l’air est certes filtré, mais il circule. Les chiffres parlent d’eux-mêmes pour désactiver l’idée reçue d’une dangerosité. Les particules virales, filtrées en bonne partie par les masques, font 60 à 140 nanomètres. Or, les molécules de dioxyde de carbone et d’oxygène font autour de 0,2 nanomètre. Il est tout bonnement impossible que l’oxygène et le dioxyde de carbone soient excessivement retenus par les masques au point de créer de l’hypoxie ou de l’hypercapnie.
« La visière c’est mieux que rien »
Il s’agit ici plus d’une mauvaise pratique qu’une idée reçue : porter le masque sous le nez, c’est comme ne pas porter du tout de masque. D’ailleurs, les fameuses petites visières inversées, placées sur le menton, servent à rien. Dans les deux cas, c’est parce que cela ne bloque absolument pas les particules que vous émettez. Or, le but est bien de protéger les autres — les particules infectieuses partent par la bouche et le nez. C’est important de le dire à vos proches, car ces mauvaises pratiques restent trop courantes, et lors d’un rassemblement familial, cela peut être problématique d’un point de vue sanitaire.
« Les vaccins sont développés dans la précipitation »
Les premiers vaccins, basés sur l’ARN messager, vont arriver en cette fin 2020, début 2021. Une idée reçue à leur sujet veut que leur développement ait été excessivement rapide. « Habituellement, il faut des années ! » peut-on par exemple lire ici ou là. C’est une confusion : les vaccins ont été développés rapidement, mais pas précipitamment. En clair, les obstacles logistiques, financiers et administratifs sont levés, mais les étapes de la méthode scientifique sont strictement respectées (et scrutées plus que jamais par la communauté scientifique internationale).
« On est face à une situation où l’ensemble des labos de recherche et entreprises qui produisent des vaccins se sont mis sur les mêmes objectifs. Il y a une partie concurrentielle, mais aussi une partie commune de recherche scientifique », expliquait l’infectiologue Nathan Peiffer-Smadja à Numerama. La course aux vaccins est donc même bénéfique, car face à l’urgence, les publications sont nombreuses et accélèrent la recherche.
« Les effets secondaires des vaccins sont anormaux »
Oui, les vaccins contre le coronavirus ont des effets secondaires. C’est un fait incontestable. Ces effets sont-ils graves ? Sont-ils un problème ? Pour l’instant, à l’échelle des dizaines de milliers de personnes impliquées dans les essais cliniques, les preuves montrent que ce n’est pas le cas. Ce sont des effets secondaires attendus : le vaccin contre grippe en déclenche des similaires tels que la migraine. « Les effets secondaires temporaires des vaccins sont un signe normal du développement d’une réponse immunitaire », rappelle par ailleurs l’immunologue Matthew Woodruff dans The Conversation.
« Aérer les pièces est idiot »
La recommandation d’aérer les pièces est parfois raillée. Elle est pourtant très importante. Les preuves sont de plus en plus fortes sur le fait que le coronavirus soit aéroporté. En juillet 2020, des dizaines de scientifiques écrivaient alors une lettre ouverte à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour que ce risque soit davantage reconnu. Le CDC, centre de contrôle des maladies américain, relève que des transmissions peuvent avoir lieu à plus de 2 mètres « dans des endroits fermés avec une aération inadéquate ».
« Je l’ai vu dans Hold Up »
C’est l’une des vidéos qui a le plus buzzé en France, en 2020 : le faux documentaire Hold Up. Celui-ci a malheureusement nourri le complotisme en usant d’une rhétorique mensongère et en s’appuyant sur de faux experts.
Premier indice que le film n’est pas fiable : l’un des réalisateurs a surtout à son actif des films sur les apparitions de la Vierge et la vie après la mort. Deuxième indice : les personnes invitées ne sont pas de vrais scientifiques, ou n’ont aucune crédibilité. L’un des invités change d’expertise en fonction de la version du film que l’on regarde ; quand une autre est présentée comme « Docteur en médecine », sans préciser qu’il s’agit de médecine anti-âge, ce qui n’a rien à voir avec la virologie, l’infectiologie ou l’épidémiologie. Pire : la soi-disant profileuse Nadine Touzeau a été condamnée il y a quelques années pour escroquerie, ayant abusé de la faiblesse d’une famille endeuillée pour leur soutirer de l’argent.
En clair, si quelqu’un vous sort l’argument « je l’ai vu dans Hold Up », vous pouvez rappeler qu’il s’agit en réalité d’une vaste escroquerie (car financée en financement participatif) et que les intervenants ne sont pas crédibles. Nombre de scientifiques et de médias ont déconstruit le contenu du film.
« Mais le docteur Raoult et l’hydroxichloroquine »
Voilà maintenant plusieurs mois qu’il n’est plus question de savoir s’il faut utiliser ou non l’hydroxychloroquine comme traitement contre le coronavirus. On sait qu’il ne faut pas, car non seulement le médicament est inutile contre le coronavirus, mais sa toxicité cardiaque est extrêmement importante. Une méta-analyse a même montré que son usage accroît la mortalité, en raison de cette toxicité. Le nombre de preuves contre l’usage de l’hydroxychloroquine est largement majoritaire et, aujourd’hui, n’y a plus de débat dans la communauté scientifique parmi les chercheurs sérieux : l’hydroxychloroquine n’est pas un médicament pouvant servir à traiter la maladie Covid-19. Actuellement, aucun traitement n’a été confirmé comme efficace et sécurisée contre le coronavirus, mais les recherches vont bon train.
Le 21 décembre, l’Ordre des Médecins a porté plainte contre six médecins parmi lesquels figurent le docteur Raoult.
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