Lors de la conférence de presse du 7 janvier 2021, le ministre de la Santé Olivier Véran a confirmé que, si nécessaire pour la gestion des stocks et afin que tous les publics prioritaires démarrent leur vaccination au plus tôt, l’espace entre les deux doses du vaccin de Pfizer contre le coronavirus pourra être allongé jusqu’à 6 semaines (~40 jours), au lieu des 3 semaines initialement recommandées (21 jours).
Quelles sont les bases scientifiques de cette décision ?
Le ministère se repose sur un avis d’une autorité médicale : l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM). L’agence rappelle en premier que les deux doses du vaccin de Pfizer doivent être impérativement maintenues. Si la première dose confère déjà une immunité, celle-ci reste alors relativement faible (52 % d’efficacité). Cela permet déjà de réduire les risques de formes sévères de la maladie, mais la deuxième dose génère un « boost » essentiel en amplifiant la solidité de l’immunité (94,1 % d’efficacité) et en l’installant plus longuement dans le temps. La vaccination ne peut être considérée comme complète qu’après la deuxième dose.
L’intervalle de confiance de Pfizer : 19-42 jours
Quant à l’espace entre les deux doses, « le délai d’administration de la 2nde dose peut être envisagé entre 21 et 42 jours au vu des circonstances actuelles spécifiques, afin d’élargir la couverture vaccinale des personnes prioritaires », indique l’ANSM. Cette recommandation est calquée sur celle de l’Agence européenne du médicament, rendue lundi 5 janvier, qui appuie un délai allant de 19 à 42 jours. « Tout changement à ce sujet nécessiterait une modification de l’autorisation de mise sur le marché ainsi que davantage de données cliniques pour soutenir un tel changement, sinon il serait considéré comme une ‘utilisation hors autorisation’ », ajoute l’agence européenne. Même son de cloche du côté du groupe de l’OMS dédié aux vaccins, qui ne voit pas d’inconvénient aux 6 semaines si cela est nécessaire, tout en précisant qu’il reste mieux de s’en tenir à 21-28 jours.
Le délai de 19 à 42 jours — 3 à 6 semaines — n’est pas arbitraire. Il repose sur les données issues des essais cliniques de Pfizer. Ce type d’études fonctionne avec des intervalles de confiance. Pour le vaccin de Pfizer, on peut lire dans le rapport que l’intervalle de confiance du délai la deuxième dose se situe bien dans une fenêtre prédéfinie comprise entre 19 et 42 jours — c’est le délai minimum et le délai maximum au cours duquel des participants à l’essai ont pu recevoir la deuxième dose. Les 21 jours restent la base principale de l’étude et de l’évaluation de son efficacité, mais cette marge de manœuvre est bel et bien comprise dans les travaux et donc dans les résultats d’efficacité. Les recommandations de l’ANSM,
En revanche, tout calendrier vaccinal qui sortirait de cette fenêtre ne se reposerait sur aucune donnée scientifique fiable, un tel protocole n’ayant jamais été évalué dans le moindre essai clinique ; raison pour laquelle ce serait un usage « hors autorisation » pour l’Agence européenne du médicament. On peut en effet lire dans les données de Pfizer que les participants n’ayant pas reçu les deux doses ou n’ayant pas reçu la deuxième dose dans la fenêtre de 19-42 jours ont été exclus de l’étude.
De fait, la décision du Royaume-Uni de potentiellement décaler jusqu’à 12 semaines le délai entre les deux doses n’a pas de crédibilité scientifique. Tout du moins pour le vaccin de Pfizer. Car pour le vaccin d’AstraZeneca (qui ne repose pas sur les mêmes techniques), la fenêtre entre les deux doses s’étend, dans les essais cliniques, de 4 à 12 semaines. Or, puisqu’au Royaume-Uni le vaccin d’AstraZeneca a été récemment validé, il semblerait que la mesure, certes inadéquate pour Pfizer, ait été pensée pour celui d’AstraZeneca. Un délai de 6 semaines maximum sera vraisemblablement appliqué à Pfizer, et un délai de 12 semaines maximum à AstraZeneca. Notez que le mélange éventuel des vaccins, autre point du débat de l’urgence vaccinale, est un tout autre sujet que nous n’aborderons pas dans cet article.
Ce choix reste débattu
La Food and Drug Administration, aux États-Unis, a émis un avis quelque peu différent de ceux de l’ASNM, de l’UE ou de l’OMS pour le vaccin de Pfizer. « Nous savons que certaines de ces discussions sur la modification du calendrier de dosage ou de la dose sont basées sur la conviction que la modification de la dose ou du calendrier de dosage peut aider à fournir plus de vaccins au public plus rapidement. Cependant, apporter de tels changements sans preuves scientifiques adéquates peut, en fin de compte, être contre-productif pour la santé publique », explique la FDA, qui demande donc de s’en tenir aux 21 jours pour le vaccin de Pfizer (et 28 jours pour celui de Moderna).
Si des voix inquiètes se sont élevées, même en dehors de la FDA, l’existence d’une fenêtre de 19 à 42 jours présente dans l’étude de Pfizer semble toutefois globalement rassurer de nombreux scientifiques, étant donné que l’extension du délai à 6 semaines repose tout de même sur le contenu concret des essais cliniques. Dépasser le délai de 42 jours n’est absolument pas à l’ordre du jour en Union européenne ni en France.
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