La pollution plastique est l’un des défis écologiques majeurs du XXIe siècle. Elle pourrait bien tripler d’ici 2040. Certains scientifiques définissent même une « ère du plastique » comme l’un des marqueurs archéologiques de notre époque en raison des déchets que nous laissons dans le sol. Au-delà même des déchets visibles, s’ajoute une pollution plastique plus invisible : les microplastiques — des particules microscopiques de matière plastique qui se répandent dans les sols et les eaux.
Ces microplastiques contaminent en masse les océans. Ils s’amoncellent jusque dans les profondeurs, et peuvent être ingérés par de nombreuses espèces autant qu’ils peuvent se retrouver dans nos assiettes. Dans une étude parue dans la revue Nature, le 12 janvier 2021, des scientifiques de l’association canadienne Ocean Wise Conservation Association se sont penchés plus précisément sur la situation dans l’Arctique, afin de mesurer l’ampleur et la provenance de la pollution microplastique dans cette région.
Ils ont échantillonné des résidus se situant de 2 à 8 mètres sous la surface de l’eau à travers 71 sites en Amérique du Nord, en Europe du Nord, au Pôle Nord. Dans la mer de Beaufort, sur les côtes de l’Alaska et du Canada, ils ont procédé à un échantillonnage jusqu’à 1 000 mètres sous la surface.
73 % de fibres polyesters
D’après les mesures obtenues, publiées dans Nature, l’océan Arctique condense 40 particules de microplastique par mètre cube. Les scientifiques ont analysé, à l’aide d’une spectroscopie infrarouge dite IRTF, la composition de ces particules. Il en résulte que 92,3 % des microplastiques présents dans les relevés de l’Arctique sont des fibres plastiques. Parmi ces fibres, 73,3 % sont du polyester.
Les auteurs ont également analysé les courants pour mieux comprendre cette forte concentration. « L’abondance des particules est corrélée à la longitude, avec près de trois fois plus de particules dans l’Arctique de l’Est que dans l’Arctique de l’Ouest. Le polyester représente 73 % de l’ensemble des fibres synthétiques, avec un déplacement d’est en ouest des signatures infrarouges, ce qui indique une altération potentielle des fibres loin de leur source », écrivent les scientifiques dans leur papier.
Cette « altération potentielle des fibres loin de leur source » est un aspect clé, dans leur étude. Car la pollution n’est essentiellement pas locale. Les auteurs suggèrent que des fibres de polyester « relativement fraîches » se retrouvent acheminées vers l’Est de l’océan Arctique « via les apports de l’océan Atlantique et/ou le transport atmosphérique en provenance du Sud ». En clair, le chemin est le suivant : les fibres atteignent les eaux au niveau de l’Atlantique, puis sont tirées vers l’Arctique, par les courants marins et atmosphériques, en se dégradant en microparticules toujours plus fines au fil de ce processus.
De nos vêtements aux océans
Les auteurs rappellent dans leur étude que ces fibres polyesters semblent, du fait de leur composition, provenir des textiles, à savoir les fibres rejetées par nos vêtements dans les eaux usées. C’est effectivement le processus de lavage, au sein des machines à laver notamment, qui apparaît comme le nœud du problème. Lors du lavage, les vêtements fabriqués à partir de fibres synthétiques — le polyester est du polytéréphtalate d’éthylène, du plastique — vont relâcher une partie de leurs fibres dans les circuits d’évacuation des eaux.
À partir de ce point de départ, les microplastiques atteignent la mer, l’océan et circulent jusque dans l’Arctique.
« Le lavage de vêtements faits de matériaux synthétiques a été identifié comme une source potentiellement importante de fibres microscopiques pour l’environnement », relevait une étude parue en 2016 dans le Marine Pollution Bulletin, mesurant que jusqu’à 700 000 fibres pour une machine chargée de 6kg de vêtements fabriqués avec ce type de matériaux. On trouve un constat similaire dans une étude parue en 2019 dans Scientific Reports, aboutissant à la conclusion que chaque lavage, en fonction de la forte présence ou non de vêtements en fibres synthétiques, peut libérer entre 640 000 et 1 500 000 microfibres plastiques.
D’après des travaux plus globaux publiés en 2020 dans PLOS, et qui comprennent également les lavages à la main en plus des machines, 167 000 tonnes de fibres microplastiques s’écoulent dans les cours d’eau chaque année. Les auteurs de cette étude montraient par ailleurs que les traitements des eaux usées sont insuffisants pour limiter les écoulements de microplastiques dans l’océan, ce qui a été démontré également dans encore bien d’autres travaux, signifiant que la seule solution est de réduire l’usage de matériaux plastiques.
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