Aux États-Unis, des géants de la tech et de la santé se sont rassemblés autour d’un projet de passeport vaccinal numérique. De quoi s’agit-il et que sait-on de cette initiative aujourd’hui ?

Qu’est-ce qu’un passeport vaccinal ?

Fondé sur le même principe qu’un passeport, le passeport vaccinal est un document attestant de la vaccination d’une personne — en l’occurrence, contre la maladie covid-19. Il pourrait servir à voyager à l’étranger, si le pays hôte en reconnaît la validité, mais aussi à accéder à des transports en commun ou des lieux publics, si par exemple il y a un filtrage à l’entrée, afin d’éviter l’entrée d’une personne peut-être malade.

Il existe déjà des passeports vaccinaux : on les appelle des carnets de vaccinations internationales. Comme le rappelle l’Institut Pasteur, ce carnet est délivré dans les centres  aux personnes qui viennent se faire vacciner contre la fièvre jaune — cette maladie virale sévit en Afrique et en Amérique du Sud. En conséquence, un carnet à jour est requis pour entrer dans certains pays.

Quels enjeux le passeport vaccinal soulève-t-il ?

Parmi les partisans du passeport vaccinal figurent les personnes qui imaginent que ce document permettrait de libérer l’économie et les contraintes sur les personnes, en autorisant les titulaires de ce document à échapper au couvre-feu, à aller au restaurant ou dans des lieux par nature très confinés (théâtres, cinémas, etc.). Pour les pays très touristiques comme la France, l’intérêt est aussi évident.

Mais cette approche soulève aussi des problématiques de discrimination, puisque des personnes se verraient refuser l’accès à certains lieux ou moyens de transport. Cela n’est pas neutre en termes de liberté de circulation. Autre éventualité à prendre en compte : les risques de dérive. Des utilisations illégitimes et excessives pourraient voir le jour, au-delà des finalités premières du passeport.

Plus généralement, il y a aussi la question des données à caractère personnel, puisqu’il paraît excessivement improbable de ne pas recourir massivement à l’outil informatique pour gérer le nombre croissant de personnes vaccinées et, donc, le nombre croissant de passeports vaccinaux. En clair : qui aura accès à ses données ? Combien de temps seront-elles conservées ? Comment seront-elles sécurisées ? Etc.

Au-delà de ces interrogations légitimes, il y a les questions propres au vaccin : combien de temps confère-t-il une immunité à la personne (ce qui conditionne la durée de validité du passeport) ? Qu’en est-il des variants du virus ? Quel est son impact sur la transmission de la maladie ? L’intérêt du passeport pourra alors être précisé, quand des données affinées sur le vaccin seront disponibles.

Quel rôle pour les géants de la tech ?

Compte tenu de la place du numérique dans la vie courante, l’implication des géants de la tech était attendue. Justement : il a été annoncé le 14 janvier une « vaste coalition de leaders de l’industrie de la santé et de la technologie » autour d’une initiative « pour accélérer l’accès numérique aux dossiers de vaccination covid-19  ». Elle est nommée Vaccination Credential Initiative (VCI).

Parmi les entreprises impliquées dans le projet figurent Microsoft, Salesforce et Oracle, mais aussi Cerner, Epic Systems, et Mayo Clinic. Il apparaît pour l’heure que VCI se limite aux États-Unis. Ce passeport, en cours de développement, sera numérique. Il est dit qu’il sera notamment stocké dans un portefeuille numérique de leur choix, comme Apple Wallet ou Google Pay, et protégé par du chiffrement.

Selon CNBC, une version « hors ligne », c’est-à-dire sans smartphone, de ce passeport est aussi prévue. Une personne dans ce cas de figure pourrait recevoir un papier sur lequel est imprimé un code QR contenant des informations sur son état de vaccination — et peut-être aussi des éléments pour l’identifier, afin d’éviter un éventuel trafic de faux codes QR trop génériques.

Et en France ?

Il apparaît que la France est défavorable au passeport vaccinal. Le 11 décembre, lors d’une réunion sous l’égide de la Commission européenne, Paris s’est montrée réticente à l’idée d’un passeport d’immunité sanitaire. Il a été ajouté qu’il est important que les données médicales et personnelles soient sûres et, par ailleurs, que la libre circulation des personnes ne devrait pas être subordonnée à l’obtention d’un certificat.

Le 11 janvier, le ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, a écarté sur LCI cette piste, préférant insister sur la campagne de vaccination, mais sans lui fermer la porte : « Il est important de ne pas avoir de catégories de population, […] de ne pas avoir une segmentation de la population ». Un projet de loi sur les urgences sanitaires, qui a été mis entre parenthèses, envisageait une telle piste.

Comme le rappelle la CNIL, les données de santé bénéficient d’une protection spécifique en France et dans l’Union européenne. Seuls certains organismes peuvent les collecter et traiter, et sous certaines conditions seulement. Mais à supposer que l’idée d’un passeport vaccinal fasse son chemin, il faudrait une modification législative, pour donner un feu vert à des organismes publics ou privés afin de le mettre en place.

Compte tenu de la place de la France dans l’Union européenne, qui est à la fois à un carrefour géographique et un membre d’un espace supranational, une coordination avec les autres États paraît indispensable. Si l’absence d’interopérabilité des applications de contact tracing a pu être regrettable, mais pas catastrophique, une désunion sur ce terrain pourrait avoir des répercussions autrement plus sérieuses.

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