En 2020, la Terre a tourné plus rapidement. Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, l’information peut prêter à sourire (comme si la Terre avait tourné pour être plus vite en 2021). Évidemment, il ne s’agit que d’une simple coïncidence. Cette accélération de la rotation terrestre n’en est pas moins surprenante. Si elle continue ainsi, on pourrait même avoir besoin d’ôter une seconde à l’année en 2026. Voici pourquoi.
La rotation de la Terre n’est pas un phénomène stable
Ce que l’on sait déjà, et qui n’étonne pas les scientifiques, c’est le fait que « la rotation de la Terre n’est pas un phénomène stable. On sait que les jours terrestres ne sont pas réguliers », explique à Numerama Kristel Chanard, chargée de recherche en géophysique et géodésie spatiale à l’Institut de Physique du Globe de Paris. Depuis les années 1970, les temps de rotation terrestre sont estimés à l’aide de la géodésie (une branche de la géophysique, qui étudie la forme de la Terre) satellitaire.
Ainsi, « on sait qu’elle [ndlr : la rotation terrestre] varie avec plusieurs phénomènes géophysiques, que ce soient les marées ou tous les forçages climatiques (les océans, l’atmosphère, les vents) et les forçages de la Terre interne, c’est-à-dire les mouvements dans le noyau », poursuit la scientifique.
Cependant, depuis les années 1970 les scientifiques observaient plutôt une décélération de cette vitesse de rotation en moyenne sur l’année. Régulièrement, la rotation de la Terre ralentissait. « Depuis quelques années, cette tendance s’inverse, décrit Kristel Chanard. En 2016, la rotation de la Terre a commencé à ralentir un peu moins. En 2020, c’est la première année où l’on observe une accélération. » Évidemment, il s’agit d’une accélération infime, de l’ordre de la milliseconde. « En 2020, la Terre a enchainé 28 jours dans l’année où elle a tourné de plus en plus vite, ce qu’on n’avait pas mesuré depuis longtemps. »
De quels temps parle-t-on ?
Pourquoi la situation pourrait-elle conduire à retrancher une seconde à l’année, peut-être en 2026 ? Pour le comprendre, il faut rappeler de quels temps on parle exactement.
- « Quand on parle de la rotation de la Terre, on parle en UT1 », explique Kristel Chanard.
- Or, en règle générale, on utilise plutôt le temps UTC (pour temps universel coordonné).
« L’UTC est fixé comme étant le même temps que le temps atomique international, qui lui est très stable, tandis que le temps de rotation de la Terre, lui, varie légèrement », résume l’experte. L’enjeu consiste à harmoniser ces deux temps : « On doit donc recaler régulièrement ce temps de la rotation UT1 par rapport au temps très stable UTC. »
Pour définir la seconde, les scientifiques mobilisent l’atome de césium, dans des fontaines atomiques. « Cette mesure de temps est réalisée dans plusieurs endroits dans le monde, où se trouvent des horloges atomiques. Ces temps sont envoyés régulièrement à l’Observatoire de Paris, où se trouve le Bureau du temps. Le temps international est une moyenne de tous ces temps », détaille la géophysicienne.
La seconde intercalaire
En fonction de la rotation de la Terre, une seconde est ajustée régulièrement : c’est ce qu’on nomme la seconde intercalaire. Comme le raconte Kristel Charnard, « on a décidé de fonctionner avec cette seconde intercalaire depuis les années 1970 : elle est ajoutée au temps universel coordonné UTC, pour l’adapter aux variations de la rotation de la Terre. On fait ainsi coïncider UTC et UT1 ». Tous les 4 ou 5 ans environ, une seconde est ajoutée au temps UTC, afin de « recaler » les deux temps.
Or, jusqu’à présent, cet ajout était réalisé en prenant en compte le fait, qu’en moyenne, la Terre décélérait. « Si la rotation continue à accélérer ainsi, il va falloir retirer une seconde en 2026, ce qui risque de créer quelques problèmes. Mais on a le temps de s’y préparer », explique la scientifique. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que cela n’entrainerait pas de changement fondamental dans notre quotidien, avec le temps que nous utilisons tous les jours. « Par contre, cela peut avoir un impact sur certaines applications astronomiques ou astrophysiques », relève Kristel Chanard.
La communauté scientifique n’a pas attendu 2020 et de constater l’accélération de la rotation terrestre pour s’interroger sur la pertinence de cette seconde intercalaire. Faut-il continuer à l’utiliser ? « La question de l’utilité de la seconde intercalaire se pose. Depuis quelques années, il y a des discussions sur la possibilité de changer de méthode. C’est peut-être le moment », conclut Kristel Chanard.
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