Lors d’une conférence de presse tenue le 14 janvier 2021, Jean Castex a annoncé un protocole renforcé dans les établissements scolaires en raison du haut plateau actuel dans la circulation du coronavirus, et de l’inquiétude envers les variants. « Nous souhaitons tout faire » pour éviter une fermeture, avait indiqué le Premier ministre, s’appuyant notamment sur le dernier avis en date (13 janvier) du Conseil scientifique, qui n’estime pas encore une telle mesure comme nécessaire.
Le gouvernement a précisé trois piliers pour le renforcement des mesures sanitaires dans les écoles :
- Renforcement des précautions dans les cantines scolaires : les élèves d’une même classe devront manger ensemble (la solution de repas à emporter pourra être choisie au cas par cas) ;
- Les activités physiques scolaires et extrascolaires en intérieur sont suspendues ;
- Les capacités de dépistage vont être augmentées à plus d’un million par mois.
Le groupe de parents d’élève École et Familles Oubliées milite depuis la rentrée 2020 pour que les mesures sanitaires soient renforcées dans les établissements scolaires. Des membres du groupe nous avaient récemment fait part de leurs inquiétudes sur « une incohérence entre les propos des scientifiques et les propos politiques », dénonçant un protocole ne réduisant pas assez les risques de transmission du coronavirus, autant envers les enfants, les enseignants que les familles. Contactés à nouveau par Numerama en fin de semaine dernière pour réagir sur le nouveau protocole, les membres d’Écoles oubliées estiment que les annonces restent insuffisantes face aux risques sanitaires bien réels posés dans les écoles, dont certaines se sont encore récemment transformées en foyer épidémique.
Des mesures insuffisantes, parfois incohérentes
Si ces parents d’élève se réjouissent de l’arrêt du sport en intérieur, une « mesure de bon sens », ils espèrent toutefois que cela s’appliquera à d’autres activités à risque tels que le chant. Il se trouve en effet que l’exercice physique ainsi que le chant auraient tendance à générer de plus fortes expirations. Ces expirations contiennent alors une charge virale potentiellement plus grande en cas de maladie même asymptomatique. D’un point de vue épidémiologique, ce sont des activités propices à la transmission.
De manière générale, le groupe Écoles oubliées regrette qu’il « manque la prise en compte de la transmission par aérosol, dans tous les domaines : des cantines aux salles de classe ». Car si le brassage entre classes n’est dorénavant plus permis dans les cantines des écoles primaires, des mesures strictes de distanciation physique et d’aération font toujours défaut dans le protocole. Une cantine où il n’y a certes pas de brassage entre classes, mais où la distanciation et l’aération ne sont pas suffisantes, reste un lieu où la transmission du pathogène est particulièrement risquée — de manière finalement assez similaire à un restaurant.
Écoles oubliées demande ainsi qu’il y ait un protocole d’aération et de distanciation beaucoup plus impératif, là où il laisse aujourd’hui trop de latitude. Pour ces parents d’élève confrontés chaque jour au problème avec leurs enfants, cette latitude se confronte à la réalité du terrain. Un protocole réellement strict signifierait que des moyens soient déployés pour « l’installation de purificateurs pour les locaux dont l’aération naturelle n’est pas possible ou suffisante », nous indique le groupe, tout comme une meilleure circulation des informations sur la mécanique de l’épidémie auprès des enseignants, parfois légitimement débordés par une situation inédite et complexe.
Le groupe nous écrit par ailleurs qu’il s’agirait tout bonnement de mettre les mesures en cohérence : « En primaire, les enfants sont toujours dispatchés dans les classes lors de l’absence d’un enseignant, alors quid du ‘non-brassage’ des élèves ? ».
Derrière l’effet d’annonce, le flou ?
Parmi les annonces majeures du 14 janvier dernier : un dépistage des élèves et des parents à hauteur d’un million de tests par mois. Un chiffre certes massif en apparence, mais pour un dispositif qui n’a toutefois pas été suffisamment précisé, regrette École oubliée. « Pour rappel, le million de tests avait déjà été promis en novembre, et nous avons appris en janvier que seulement 10 000 tests auraient été réalisés (et encore, sans plus de détails). » Un million de tests antigéniques (moins fiables) déployés, essentiellement pour les personnels, avaient en effet été annoncés à l’automne dernier.
Si le nombre d’un million apparaît insuffisant aux yeux des membres d’École oubliée, le problème qu’ils veulent mettre en avant est plus profond : la mise en place est noyée dans le flou. Difficile encore de savoir de quel type de tests il s’agit et, surtout, « sur quelle base (volontaire ? consentement des parents ?) et dans quelles situations (on a cru entendre qu’ils auraient été utilisés dans le cas de 3 élèves positifs, mais cela ne correspond pas du tout à une surveillance renforcée s’il faut toujours attendre 3 cas pour réagir) », nous écrivent les parents d’élève.
« Il y a urgence »
Priscille nous raconte que, dans l’école de son village, « neuf enfants ont ‘une forte fièvre’ en classe de maternelle (50% de la classe, 15% de l’école) depuis mardi ! Et aujourd’hui, vendredi, on ne se sait toujours pas si ce sont des cas de Covid car faire les tests ‘c’est de la responsabilité des familles’. Bien entendu, tous les enfants mangent dans la même cantine…. donc toute l’école est concernée ! », s’indigne-t-elle, rappelant que sa situation n’a rien d’un problème isolé.
« Nous avons beaucoup de parents qui nous font part de leur désarroi dans toute la France devant des incohérences du protocole, les aberrations quotidiennes qu’ils constatent dans les écoles et les risques que cela fait courir à leurs familles », ajoute Priscille.
Pour Écoles oubliées, le principe d’un protocole renforcé n’a donc pas vraiment de sens tant que la réalité de la surveillance sanitaire est si peu encadrée et manque d’un protocole clair. Car derrière une politique en grande partie basée sur le cas par cas, il y a le risque que cette stratégie soit « le cache misère de l’absence de politique éducative et sociale, alors qu’il y a urgence ».
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