À l’origine, les flacons du vaccin de Pfizer contre le coronavirus SARS-CoV-2 étaient censés contenir 5 doses. Sur le terrain, le personnel soignant s’est vite rendu compte qu’il était possible, avec une bonne méthodologie, d’en extraire une sixième dose complète, une vraie aubaine. En tant que bonus non-négligeable en situation pandémique, l’Agence européenne de médicament a validé l’usage de cette dose supplémentaire, du moment qu’un protocole adapté est appliqué.
C’est maintenant au tour de l’entreprise Pfizer elle-même de confirmer l’existence de cette sixième dose. Avec un impact inattendu : puisque les commandes sont passées en nombre de doses spécifiquement, et non en nombre de flacons, l’entreprise va réduire le nombre de flacons livrés.
Pour bien comprendre ce que cela implique, voici un exemple : au lieu de livrer 20 flacons de 5 doses, pour un total de 100 doses (mais avec un potentiel de 120 doses grâce à la 6e dose), ce sont dorénavant 16,6 flacons de 6 doses qui seront livrés afin d’atteindre le compte exact de 100 doses comme prévu dans le contrat. Ceci, à l’échelle des millions de doses commandées. Pfizer va donc livrer environ 20 % de flacons en moins que ce qui était prévu, ce qui représente pour l’entreprise un très gros gain financier — honorer ses contrats basés sur le nombre de doses mais livrer moins de flacons.
Cette décision a pour premier effet concret de supprimer le bonus que constituait la sixième dose. Mais ce n’est là que la face émergée du problème : sur le terrain, la sixième dose n’a rien d’une évidence sans un matériel adapté.
Vers un problème de stock ?
« Question préparation, pour cette 6e dose, c’est très variable selon la personne qui fait la manipulation, mais aussi selon les conditions dans lesquelles sont réalisées les préparations (matériel, stress, habitude) », nous confie une infirmière, ajoutant que, dans son centre, la sixième dose peut « pratiquement toujours » être utilisée. Toute l’ambiguïté de la situation est dans le mot « pratiquement ».
« On va se retrouver avec moins de flacons, il va falloir faire 6 doses à chaque fois. Donc la Direction générale de la santé va devoir fournir le matériel adéquat à chaque fois », nous alerte Jérôme Marty, médecin et président du syndicat indépendant UFML, interrogé par Numerama.
Récupérer cette dose ne peut pas se faire avec n’importe quel type de combinaison seringue/aiguille : il faut des aiguilles serties, qui disposent d’un très faible espace mort et permettent de limiter les pertes. Sans ces aiguilles adaptées, la sixième dose peut s’avérer incomplète en nombre de millilitres, puisqu’elle représente la part finale du flacon — il n’y a pas de rab.
« Toute la question est de savoir si la Direction générale de la santé dispose de ce matériel »
« Toute la question est de savoir si la Direction générale de la santé dispose de ce matériel ou bien si elle le commande seulement aujourd’hui, puisqu’elle n’a pas été capable de le donner auparavant. » Jérôme Marty dénonce auprès de Numerama des livraisons jusqu’ici trop inégales et surtout inadaptées, le personnel soignant se retrouvant avec des « aiguilles parfois de trop grand calibre et donc avec un espace mort trop important ». Or, à partir du moment où la 6e dose devient obligatoire, elle doit pouvoir être réalisée parfaitement.
Sans le bon matériel, difficile d’extraire la sixième dose
Le bon déroulement de la campagne vaccinale est en jeu : sans le bon matériel, « on ne pourra pas avoir la 6e dose ou difficilement, or si on la fait difficilement, cela prendra beaucoup plus de temps pour la faire, et si on prend plus de temps, cela veut dire qu’on fera moins de vaccins à l’heure.»
Une source au sein du ministère de la Santé affirme de son côté que de nouveaux approvisionnements ont été sollicités pour les aiguilles et seringues adaptées, et que des fiches techniques pour aider à assurer le nouveau protocole seront transmises aux soignants. « Nous avons des approvisionnements qui arrivent à la fin de ce weekend, puis au milieu de la semaine prochaine. Nous procéderons à chaque fois au réassort des établissements de manière immédiate, donc nous ne les garderons pas en stock, de sorte que tout le monde puisse en avoir sur le terrain », indique la source. Mais ce calendrier à court terme ne révèle toutefois pas les quantités prévues au fil des semaines à venir.
Jérôme Marty s’inquiète de commandes tardives. « Si la DGS passe commande maintenant, la demande étant mondiale on va retomber dans la problématique des masques, on va nous dire qu’on est en flux tendu et qu’on en manque. » De manière générale, dans notre entretien avec le médecin, c’est un manque de confiance, une crainte d’être dépassé sur le terrain par une mauvaise gestion des stocks.
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