L’hypothèse de la phosphine détectée dans l’atmosphère de Vénus est une nouvelle fois remise en cause. Et si les auteurs à l’origine de cette détection, annoncée avec beaucoup d’enthousiasme en septembre dernier, avaient plutôt vu du dioxyde de soufre ? C’est ce qu’avancent d’autres scientifiques, dans une étude acceptée par The Astrophysical Journal, mise en ligne sur arXiv et présentée par l’université de Washington le 27 janvier 2021.
« L’affirmation selon laquelle la PH3 [ndlr : formule de la phosphine] a été détectée dans les nuages de Vénus est actuellement appuyée par les observations d’une seule ligne d’absorption à une fréquence qui coïncide également avec l’absorption du SO2 [formule du dioxyde de soufre], un gaz de Vénus connu et relativement commun », peut-on lire dans ce document. Avant ce texte, d’autres publications avaient déjà mis en doute la détection de phosphine sur Vénus : une équipe avait par exemple constaté qu’elle ne détectait aucune trace de la fameuse phosphine dans des observations en infrarouge.
Pourquoi parle-t-on autant de la phosphine ?
Pourquoi la présence ou l’absence de ce gaz sur Vénus représente-t-elle un enjeu si important ? Le lundi 14 septembre 2020, avant même que l’étude annonçant la détection ne paraisse officiellement, la rumeur d’une découverte extraordinaire sur Vénus planait. L’expression de « signes de vie » était même employée. Sur Terre, on sait que la phosphine existe : c’est un gaz incolore et instable, principalement produit en laboratoire ou par une vie microbienne capable de se développer dans un milieu dépourvu d’oxygène. D’où ce risque de faire un raccourci hasardeux entre la présence hypothétique de phosphine sur Vénus et l’éventualité que la planète puisse abriter une forme de vie — ce qui serait une découverte historique et scientifique majeure, si elle avait lieu.
Lors de la conférence de presse qui a officialisé la découverte de la phosphine sur Vénus, les auteurs de l’étude ont glissé qu’ils ne prétendaient pas avoir trouvé de la vie sur Vénus. Ils avançaient seulement la découverte de la phosphine dans l’atmosphère de la planète, à l’aide du radiotélescope James Clerk Maxwell (JCMT) et du Grand réseau d’antennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama (ALMA). Mais les choses ont été présentées de façon quelque peu confuse, et l’idée qu’il pouvait s’agir d’une bio-signature a été entretenue dans diverses communications scientifiques ainsi que par un important accompagnement médiatique.
Le dioxyde de soufre, assez ordinaire sur Vénus
Du côté de la nouvelle étude, que disent ses auteurs ? Comme le résume l’université de Washington, ils ont utilisé un modèle des conditions de l’atmosphère vénusienne, conçu à partir de plusieurs dizaines d’années d’observations de la planète, depuis la Terre et l’espace. Il a servi de base pour interpréter les observations sur lesquelles s’appuyait l’hypothèse de la phosphine. Dans ce modèle, les chercheurs ont simulé à quoi ressembleraient les signaux de la phosphine et du dioxyde de soufre, à différents niveaux de l’atmosphère vénusienne, s’ils étaient captés par les télescopes JCMT et ALMA (respectivement en 2017 et 2019, ce qui correspond aux moments des observations de l’étude initiale). Selon eux, le signal observé ne pourrait provenir de la couche nuageuse de Vénus, mais serait logé encore plus en altitude. À une telle distance de la surface de la planète, les molécules de phosphine seraient tout simplement détruites.
Pour les chercheurs, un autre scénario est plus cohérent avec les données : au lieu de phosphine dans l’atmosphère de Vénus, il s’agirait de dioxyde de soufre. Ce ne serait pas surprenant : il s’agit après tout du troisième composé chimique le plus répandu dans l’atmosphère vénusienne. Par ailleurs, il ne peut pas être considéré comme un « signe de vie ». Cceci dit, même la simple détection de phosphine, si elle était avérée, ne pourrait non plus constituer une bio-signature.
Ces travaux soulignent que le signal détecté au départ pourrait avoir une autre explication, bien plus simple que l’hypothèse extraordinaire d’une origine biologique de la phosphine dans les nuages de Vénus. Les auteurs invitent à réaliser des observations plus ciblées de la planète pour tenter de départager si le signal qui a été perçu était celui de la phosphine ou du dioxyde de soufre.
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