Jocelyn Bell a découvert le premier pulsar en identifiant un signal inattendu capturé par un télescope. Même s’il a été baptisé « Petits hommes verts », l’astrophysicienne s’est bien gardée d’ébruiter une hypothèse extraterrestre.

Jusqu’à preuve du contraire, nous n’avons qu’un exemple de vie possible dans l’Univers : nous-mêmes. Ces derniers temps, la recherche d’une potentielle vie extraterrestre (ou non) a connu de grandes avancées, mais aussi des épisodes médiatiques souvent regrettés par une majorité de la communauté scientifique. Encore récemment, un buzz a été alimenté autour de l’objet interstellaire Oumuamua : un ouvrage a avancé une origine artificielle de l’objet, son auteur adoptant une démarche discutable sur le plan de la méthode scientifique.

Comme l’expliquait à Numerama Eric Lagadec, astrophysicien et président de la Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique (SF2A), il est évident que la quête d’une forme de vie extraterrestre est un moteur puissant de la recherche scientifique. Et lorsque les scientifiques font une découverte surprenante dans l’Univers, la pensée qu’il puisse s’agir d’une manifestation de vie peut les traverser. Néanmoins, il est aussi de leur responsabilité de transmettre la meilleure information possible, et de tester leur hypothèse avant de faire une annonce extraordinaire. Cela, Jocelyn Bell l’avait bien compris.

La découvreuse du premier pulsar

Le nom de cette astrophysicienne britannique, née en 1943, restera associé à une découverte historique : Jocelyn Bell a identifié les pulsars. Il s’agit d’étoiles à neutrons qui tournent très rapidement et concentrent une masse imposante dans une sphère relativement restreinte. Sur Terre, les faisceaux d’ondes émis par ces objets sont reçus comme des impulsions brèves et très régulières. L’astrophysicienne est désormais connue pour avoir fait les frais de l’effet Matilda (les contributions de femmes scientifiques qui ont été minimisées, voire attribuées à des hommes), lorsque le prix Nobel de physique a été remis à son directeur de thèse, alors qu’elle était la véritable découvreuse du pulsar.

Une autre anecdote est liée à cette découverte, et montre que Jocelyn Bell avait bien conscience de sa responsabilité en tant que chercheuse face au grand public et à la presse.

En 1965, Jocelyn Bell a entamé son doctorat à l’université de Cambridge. Son travail a consisté à faire fonctionner un télescope entré en fonctionnement en 1967 : la chercheuse devait analyser plus de 120 mètres de papier cartographique produit par le télescope tous les 4 jours, précise la Nasa. Dans ces analyses, Jocelyn Bell s’est aperçue qu’il y avait des marquages inhabituels, trop rapides et irréguliers pour être des quasars (le télescope avait été conçu dans le but de suivre ce type d’objet).

Le signal repéré par Jocelyn Bell. // Source : Wikimedia/CC/Billthom (photo recadrée)

Le signal repéré par Jocelyn Bell.

Source : Wikimedia/CC/Billthom (photo recadrée)

« Little Green Men-1 »

Ce signal inconnu fut temporairement surnommé « Little Green Men-1 » (LGM-1, littéralement « Petits hommes verts-1 ») par Jocelyn Bell et son directeur de thèse Anthony Hewish. Avaient-ils sérieusement songé que ces marques pouvaient être le signe d’une vie extraterrestre ? Certes, l’extrême irrégularité du signal pouvait laisser entrevoir l’hypothèse, mais la nature exacte du signal n’était absolument pas déterminée. Par prudence, Jocelyn Bell choisit de ne pas révéler à ce moment-là sa découverte ni le surnom choisi, préférant tester divers scénarios et s’éviter un buzz médiatique qui aurait pu perturber ses travaux.

Pendant plusieurs mois, Jocelyn Bell a travaillé pour écarter des hypothèses, dont celle d’une origine artificielle. Ce n’est qu’en 1968 que la découverte a été publiée officiellement dans Nature : le papier ne mentionne pas le surnom qui avait été donné au signal. Or, peu avant la publication de l’article, Anthony Hewish a donné une conférence pour faire part de la découverte (alors que la source du signal n’était pas encore déterminée) : cette annonce a fait énormément de bruit. La presse s’est emparée du sujet, forcément attractif s’il devait être question de vie extraterrestre. Après la publication de l’article, l’origine la plus plausible du signal fut établie comme un processus physique, excluant une théorie extraterrestre : la rotation d’une étoile à neutrons.

Aujourd’hui, toujours aucune trace de petits hommes verts dans les observations. Le nom de Jocelyn Bell reste associé à celui des pulsars, bien qu’elle n’ait pas partagé le prix Nobel de physique en 1974 avec Antony Hewish. On peut aussi retenir son exemplarité, dans la rigueur de ses analyses et dans sa volonté de ne pas ébruiter des hypothèses qui n’auraient pas été étayées solidement sur le plan scientifique.

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