Allons-nous vers une ère de l’holographie quantique ? Dans un article de recherche publié le 4 février 2021, dans Nature Physics, des scientifiques expliquent comment ils ont mobilisé l’intrication quantique pour dépasser certaines limites des hologrammes. Grâce à cela, ils ont pu encoder une information stable dans l’hologramme et le projeter en haute résolution.
Les véritables hologrammes — qui doivent être distingués des illusions type fantôme de Pepper — existent déjà, bien qu’ils ne soient pas aussi performants que ceux que l’on voit dans les grandes sagas de science-fiction. À la différence de la photographie, l’holographie ajoute la dimension du volume, la 3D, à la retranscription d’un objet (« holo » signifie « en entier », il s’agit d’un objet retranscrit intégralement). Traditionnellement, un hologramme s’obtient grâce à un faisceau laser divisé en deux. Une partie de l’onde est dirigée vers un miroir (ou surface en verre), quand une autre va sur l’objet. L’interaction des ondes, qui se rejoignent ensuite, permet de recréer l’objet en relief.
Cette technique classique souffre à l’heure actuelle de certaines limitations techniques, et notamment les interférences dues à des sources lumineuses externes, indésirables, ou encore l’instabilité mécanique de ce procédé. « Le processus que nous avons développé nous libère de ces limitations (…) et introduit l’holographie dans le domaine quantique », estime Hugo Defienne, auteur principe du papier, sur le site de l’université de Glasgow d’où cette recherche est pilotée.
Comment fonctionne cet « hologramme quantique » ?
Pour l’« hologramme quantique » présenté dans cet article de recherche, un rayon laser est pareillement divisé en deux ondes. Mais celles-ci ne se rejoignent jamais à proprement parler : les scientifiques mobilisent l’intrication quantique, et ce qu’Einstein définissait comme « l’action fantomatique à distance » (spooky action at a distance). L’intrication correspond au lien quantique qui relie une paire de particules. Quand elles sont intriquées/enchevêtrées, elles forment un système en interaction constante, quelle que soit la distance qui sépare les particules — si quelque chose modifie la particule A, alors cela affecte la particule B. Dans le cadre de l’hologramme, ces particules enchevêtrées sont des photons.
Les auteurs ont projeté un rayon de lumière au travers d’un cristal, le bêta-borate de baryum, conduisant à ce que le rayon se divise en deux ondes dont les photons sont enchevêtrés. Pour rappel, cet enchevêtrement quantique implique que dans l’onde 1, chaque photon est intriqué avec un photon présent dans l’onde 2.
L’ onde 1 est dirigée vers l’objet cible, dont le volume est mesuré par la décélération des photons qui le traversent. C’est la polarisation : l’onde prend une forme différente en fonction de l’épaisseur de l’objet qu’elle traverse. En clair, l’onde 1 qui traverse l’objet contient toutes les informations sur la forme de l’objet. Une caméra très haute résolution (« 10 000 pixels par image pour chaque photon intriqué ») vient enregistrer ces informations en temps réel.
C’est ensuite l’onde 2 qui va permettre de produire l’hologramme. Celle-ci passe au travers d’un modulateur spatial de lumière, un appareil qui modifie la forme d’une onde lumineuse (un rétroprojecteur fonctionne ainsi). Cette onde 2 projette alors l’hologramme de l’objet, et ce, sans que jamais les deux ondes ne se rejoignent, puisque les photons sont intriqués — les photons de l’onde 2 prennent la forme de ceux de l’onde 1, qui a traversé l’objet.
Vers un élargissement des usages médicaux des hologrammes
Durant tout ce processus, l’interaction entre les deux ondes a lieu entièrement à distance, en raison de la fameuse action fantomatique à distance de l’intrication quantique. La plupart des limitations dues à la technique traditionnelle, où les ondes doivent se rejoindre, ne sont plus un problème avec cette mécanique quantique. « L’utilisation de photons enchevêtrés offre de nouveaux moyens de créer des hologrammes plus nets et plus riches en détail, ce qui ouvre de nouvelles possibilités d’applications pratiques de la technique », écrivent les chercheurs.
Ils ont utilisé leur technique pour produire l’hologramme du logo de leur université, ou encore avec des objets du quotidien, encore très petits pour l’instant comme un rouleau de scotch et la plume d’un oiseau.
À moyen terme, ce type d’avancées dans le domaine des hologrammes peut surtout bénéficier aux usages médicaux, où ils sont déjà utilisés dans certains domaines. « Une de ces applications pourrait être l’imagerie médicale, où l’holographie est déjà utilisée en microscopie pour examiner les détails d’échantillons délicats qui sont souvent presque transparents, explique Hugo Defienne. Notre procédé permet la création d’images à plus haute résolution et à faible bruit, ce qui pourrait aider à révéler des détails plus fins des cellules et nous aider à en apprendre davantage sur le fonctionnement de la biologie au niveau cellulaire. »
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