Ce n’est plus qu’une question de jours, bientôt d’heures : le soir du jeudi 18 février 2021, le rover Perseverance se posera sur Mars. Une fois à la surface de la planète rouge, l’astromobile entamera sa mission : rechercher des indices d’une possible vie microbienne, en collectant des échantillons destinés à revenir un jour sur Terre.
Pour que tout cela puisse advenir, encore faut-il que le rover se pose correctement sur Mars. L’atterrissage s’annonce comme un moment intense et angoissant pour les équipes impliquées dans la mission. Dans une infographie publiée le 7 février dernier sur Twitter, le CNES rappelait comment certains experts ont qualifié cette phase : les « 7 minutes de terreur ». Cette description évoque bien toute la difficulté que représente le fait de poser un engin si imposant sur la planète rouge.
« Cela reste très risqué d’atterrir sur Mars, d’y poser un engin qui fait plus d’une tonne, explique à Numerama Pernelle Bernardi, ingénieure CNRS à l’Observatoire de Paris – PSL au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA) et responsable technique de l’instrument Supercam du rover. La principale difficulté, c’est que la planète n’a pas assez d’atmosphère pour faire ralentir parfaitement bien la sonde, comme on pourrait le faire sur Terre, avec une atmosphère dense, mais suffisamment pour brûler le matériel si on ne prend pas de précautions. Cela rend l’atterrissage très complexe. »
Ce n’est pas la première fois que l’on entend parler des « 7 minutes de terreur » pour décrire l’atterrissage d’une mission sur Mars. Le Jet Propulsion Laboratory (JPL), le centre de recherche de la Nasa qui développe de nombreuses missions spatiales robotiques, a inventé cette expression pour décrire l’arrivée du rover Curiosity sur Mars (il s’y est posé en août 2012). « Le système d’atterrissage pour Perseverance sera, à deux exceptions près, similaire à celui de Curiosity », précise Pernelle Bernardi. Le JPL a donc déjà de l’expérience dans le domaine, même cela reste à relativiser, poursuit l’ingénieure, car « une statistique avec une seule expérience, ce n’est pas énorme ».
« 7 minutes, c’est long en vrai »
Au cours de l’atterrissage, aucune assistance humaine n’est envisageable. Un programme est à bord et va faire atterrir le robot de façon autonome. Pourquoi toute cette étape doit-elle être automatisée ? « Tout est prévu à bord, car on ne peut pas avoir de communication en temps réel avec la Terre, résume la scientifique. Au moment de cet atterrissage, la distance entre Mars et la Terre sera telle que la communication prendra 11 minutes. » L’atterrissage d’une durée de 7 minutes commence lors de l’entrée dans l’atmosphère de Mars et s’achève lorsque le rover touche le sol. « C’est cela qui est impressionnant : lorsque sur Terre, on recevra le premier signal informant que Perseverance entre dans l’atmosphère de Mars, le rover sera déjà posé depuis 4 minutes. Posé, on l’espère, en un morceau et proprement à la surface de Mars. »
7 minutes peuvent paraître un laps de temps très court, mais comme l’explique Pernelle Bernardi, « c’est très long quand on le vit en vrai, car on a très peu d’informations. Au départ, la capsule va pouvoir communiquer avec la Terre. Puis la Terre va passer sous l’horizon martien, on ne l’aura plus en visée directe. On passera donc par deux satellites en orbite, MAVEN et MRO, qui joueront le rôle d’antennes-relais. Ils enverront des données au compte-goutte sur Terre ».
Quelles sont les étapes de l’atterrissage ?
Le largage de l’étage de croisière
C’est d’abord le largage de l’étage de croisière. Ce gros disque situé à l’arrière de la sonde contient à la fois du carburant et des éléments qui assurent la protection du rover et le trajet de la Terre vers Mars. « Ce disque est largué 10 minutes avant l’arrivée au sol, car il n’est pas nécessaire pour atterrir. Il va s’écraser sur Mars un peu plus loin. Il ne reste que cette capsule, qui n’a plus de contrôle d’altitude : elle ne peut que mesurer là où elle se trouve, avec peu de corrections de trajectoire. Pendant la croisière, il y a environ 150 kilos de masse qui servent à stabiliser la sonde : on s’en débarrasse également », décrit Pernelle Bernardi.
L’entrée atmosphérique
À environ 124 kilomètres d’altitude, les choses sérieuses commencent : c’est le T zéro, soit l’entrée atmosphérique. Comme le décrit l’ingénieure, « c‘est là que l’on touche les premières molécules d’air. Très rapidement, il y a un auto-échauffement, lié au frottement de la sonde qui évolue à 20 000 kilomètres par heure. Le bouclier thermique inférieur, soit la partie basse qui apparaît sous la forme d’un triangle sombre sur le schéma, a tout son intérêt. Elle est réalisée dans un matériau qui va absorber la chaleur et s’évaporer au contact de l’atmosphère ».
Les pics de température
Le bouclier n’a pas la même température partout, mais pour donner un ordre d’idée, certains pics peuvent atteindre jusqu’à 1 300° C. « Si le bouclier n’était pas là, le rover serait brulé avant même d’arriver sur Mars », affirme l’experte.
Les manœuvres hypersoniques
Même si tout est automatisé, de petites corrections de l’altitude sont réalisées : ce sont les manœuvres hypersoniques. « Sur la partie supérieure de la capsule, il y a des petits moteurs qui permettent de contrôler l’orientation de la capsule. Comme l’atmosphère n’est pas homogène, il y a de petites corrections pour avoir le meilleur angle d’attaque possible, l’idée étant d’avoir une portée suffisante et de pouvoir ralentir la capsule », résume Pernelle Bernardi.
Le déploiement du parachute
La capsule décélère progressivement, jusqu’à atteindre une vitesse qui reste impressionnante : 1 500 km/h. C’est le début de la deuxième grande phase, à savoir le déploiement du parachute (qui a lieu à une vitesse dite hypersonique). « D’après le JPL, l’extraction du parachute est l’une des phases les plus critiques. Il peut mal se déployer ou se déchirer. En test au sol, le problème avait été rencontré pour Curiosity », rappelle l’experte. Une fois déployé, le diamètre du parachute est de 21 mètres, avec des câbles qui mesurent 70 mètres. Le dispositif doit permettre de ralentir la sonde, tout en limitant les turbulences.
Pour cette étape, une innovation a été apportée, par rapport à l’atterrissage de Curiosity. « Curiosity avait un timer pour décider quand le parachute devait être déployé. Autrement dit, l’ouverture du parachute était déclenchée au bout d’un certain temps après l’entrée dans l’atmosphère. Là, ce sont les mesures de distance qui vont déclencher l’ouverture du parachute, ce qui devrait permettre d’améliorer la précision sur le site d’atterrissage », éclaire la scientifique.
Le largage du bouclier thermique
Lors de la phase suivante, le bouclier thermique inférieur est largué. Des radars, qui se trouvent dans la sonde auprès du rover, sont mis en fonctionnement, afin d’observer le sol pour fournir des mesures de distance. « L’une des nouveautés, c’est la présence de systèmes optiques. Il y a une fonctionnalité à bord, qu’on appelle TRN (pour Terrain Relative Navigation) : les caméras vont prendre des images pour les comparer à d’autres qui sont enregistrées à bord, afin d’essayer d’identifier la position par rapport au sol. Ainsi, quand on sera dans la dernière phase (la phase propulsée), il sera possible d’ajuster la position pour se placer dans un endroit le plus sécurisé possible », décrit Pernelle Bernardi.
La descente propulsée
La phase de descente propulsée peut commencer, juste après le largage du bouclier arrière (sur lequel est accroché le parachute). Il faut alors imaginer un véhicule équipé de 8 moteurs, qui vont s’allumer. « Il y aura un déplacement latéral, pour s’éloigner le plus possible du parachute et éviter qu’il ne retombe sur le rover. La vitesse verticale de la sonde est aussi ralentie. En fonction des images prises avant, on peut alors essayer d’éviter des gros rochers, des pentes, pour que le rover se pose dans la zone la plus facile possible », complète l’ingénieure. Pour rappel, Perseverance doit atterrir dans le cratère Jezero, de 45 kilomètres de diamètre. On estime l’emplacement où le rover doit se poser à 8 kilomètres près (pour Curiosity, c’était 25 kilomètres).
La « grue volante »
À 20 mètres d’altitude au-dessus du sol, le rover descend au bout de câbles. « C’est l’étape de la « grue volante », indique Pernelle Bernardi. Elle est stabilisée, en vol. Elle descend le rover à l’aide de trois câbles. Il y a un quatrième câble électrique, car c’est le rover qui pilote tout ce qui se passe dans cette grue, d’où l’importance de garder cette communication. Une fois que les roues du rover sont en contact avec le sol, les câbles sont coupés avec ce qu’on appelle des pyro-chocs : ce sont de petites explosions libérant des guillotines qui vont couper les câbles. » De son côté, la grue part s’écraser le plus loin possible du rover. Ce n’est qu’alors que le JPL peut entamer les communications avec Perseverance, pour s’assurer que le rover est en bon état et que les câbles ont bien été sectionnés.
L’ensemble de ces étapes ont été illustrées par le JPL dans une vidéo assez spectaculaire.
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