Une nouvelle étude vient remettre en doute l’hypothèse de l’existence d’une neuvième planète dans le système solaire. Ses auteurs relèvent des biais de sélection dans de précédents travaux. Le scénario de la Planète Neuf est-il définitivement écarté ?

« Toute preuve de la Planète Neuf a disparu. Elle n’existe pas. » C’est en ces mots que la planétologue Stephanie JH Deppe a présenté sur Twitter le 11 février 2021 le résultat d’une étude dont elle est co-autrice. Le texte, déposé sur la plateforme arXiv la veille (il s’agit donc une prépublication, qui n’a pas été validée par un comité composé d’autres scientifiques), avance que de précédents indices de l’existence d’une neuvième planète dans le système solaire sont très probablement caducs.

Peut-on désormais affirmer que l’hypothèse de la Planète Neuf est définitivement enterrée par cette nouvelle étude ? En parcourant la prépublication, on s’aperçoit que non : « Il est important de noter que notre travail n’exclut pas explicitement la Planète X/Planète 9 ; ses effets dynamiques ne sont pas encore assez bien définis pour falsifier son existence avec les données actuelles », peut-on lire dans les conclusions du document. Dans un autre tweet, la planétologue et co-autrice Stephanie JH Deppe complète en disant que « toute la théorie de la Planète Neuf n’est pas morte, juste cette partie ».

D’où vient l’hypothèse de la Planète Neuf ?

Tout commence en mars 2014, lorsque des astronomes avancent dans Nature avoir identifié une perturbation dans l’orbite de certains objets situés dans la ceinture de Kuiper, une zone du système solaire étendue au-delà de l’orbite de Neptune. Cette perturbation pourrait être provoquée par une planète méconnue dans le système solaire. D’autres scientifiques mènent des simulations, avec l’intention d’infirmer cette théorie : contre toute attente, ils concluent eux aussi en 2016 dans The Astronomical Journal qu’une planète distante et géante pourrait bien se cacher dans le système solaire. Et c’est parti pour un grand débat scientifique.

Les orbites d'objets éloignés suggèreraient l'existence d'une neuvième planète. // Source : Wikimedia/CC/nagualdesign

Les orbites d'objets éloignés suggèreraient l'existence d'une neuvième planète.

Source : Wikimedia/CC/nagualdesign

L’existence de la Planète Neuf est avancée pour expliquer cette observation d’un rassemblement de petits corps distants situés derrière Neptune, qui serait influencé par l’impact gravitationnel d’une planète. Mais ce regroupement est-il réel ou est-ce un artéfact qui vient de la manière dont les objets sont observés dans cette zone ?

Les auteurs de la nouvelle étude se penchent sur les éléments qui ont été avancés ces dernières années pour soutenir le scénario de la Planète Neuf. « Ces 5 dernières années le raisonnement est centré autour du fait que l’on trouve des objets là où l’on regarde dans le ciel », résume Stephanie JH Deppe. Jusque là, rien de surprenant. Néanmoins, poursuit la planétologue, « les objets dont nous parlons ont certaines des orbites les plus éloignées et les plus allongées de tous les objets du système solaire ». Autrement dit, on ne peut voir ces objets que quand ils sont les plus brillants, soit au plus proche du Soleil.

Il y aurait des biais de sélection

« Si nous ne regardons que certaines parties du ciel à certaines périodes de l’année, nous ne trouverons que les objets qui se trouvent dans cette partie du ciel, à cette période de l’année », explique Stephanie JH Deppe. On peut donc avoir l’impression que des orbites sont groupées, alors que ce n’est pas forcément le cas, selon les auteurs. Il s’agit selon eux d’un biais de sélection. Or, la majeure partie des relevés ne rendent pas ces biais de sélection publics. « Vous ne pouvez pas déterminer si un objet particulier contribue à l’effet de regroupement si vous ne connaissez pas les circonstances dans lesquelles il a été découvert », selon Stephanie JH Deppe.

Pour comprendre le rôle qu’ont pu jouer d’éventuels biais de sélection, les scientifiques ont travaillé sur 14 objets transneptuniens extrêmes, dont le regroupement apparent a été attribué aux effets gravitationnels d’une supposée Planète Neuf. Les objets ont été découverts dans le cadre de l’étude publiée dans Nature en 2014, dans le relevé optique Dark Energy Survey et le programme Outer Solar System Origins Survey. Les chercheurs ont combiné ces travaux dans le but de rendre compte des biais de sélection. Pour les scientifiques, les objets se trouvent exactement là où l’on s’attendrait à les trouver, selon la zone vers laquelle les télescopes étaient tournés et le moment de l’observation. « Donc, pas besoin d’une nouvelle planète pour expliquer quoique ce soit ! », résume Stephanie JH Deppe. Pour ces scientifiques, il n’y a pas de preuve convaincante dans les observations d’un rassemblement des objets transneptuniens extrêmes.

Ces travaux viennent nuancer l’hypothèse de la Planète Neuf, mais ils ne l’entérinent pas non plus. « Malgré d’autres sources de preuves indirectes pour la Planète X/Planète 9, en l’absence de preuves claires pour le regroupement des objets transneptuniens extrêmes, l’argument devient beaucoup plus faible », concluent les auteurs. L’hypothèse de la Planète Neuf, régulièrement remise en question, n’est pas non plus définitivement écartée.

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