Une récente étude alerte sur le phénomène de la « Zoom fatigue » : douleurs, maux de tête, fatigue… les télétravailleurs sont épuisés. Interrogée sur la question, la psychosociologue Christèle Albaret tempère et préconise la mise en place de processus.

Le télétravail connaît une démocratisation fulgurante. Et avec lui, il y a la visioconférence, dont l’utilisation est désormais intégrée dans la routine des salariés. Cette nouvelle habitude ne s’installe pas sans mal. Zoom, Skype, Google Hangouts, autant de plateformes de visioconférence sont dans le viseur d’une étude de l’Université des sciences appliquées de Ludwigshafen en Allemagne, sortie en septembre 2020.

Les résultats de cette étude sont stupéfiants : plus de 60 % des personnes interrogées déclarent subir cette fameuse « Zoom fatigue » et 15 % en souffriraient même de façon permanente. Les symptômes relevés par les chercheurs incluent une concentration réduite, une impatience, de l’irritabilité, des maux de tête mais aussi des troubles visuels et des douleurs au dos. L’étude révèle que cette Zoom fatigue intervient en raison d’un niveau de stress élevé, causé majoritairement par les difficultés de compréhension auxquelles font face les utilisateurs. En effet, les participants déclarent souffrir de l’absence des signes de communication non verbaux tels que la posture ou les micro-expressions. Ils dénoncent également une certaine frustration face aux problèmes techniques qui épuisent leurs capacités de concentration.

Certains de ces facteurs de stress inhérents à l’utilisation de la visioconférence ont déjà été discutés par le passé. En 2014, Sciencedirect a révélé que les retards de transmission lors d’appels de visioconférence sont à l’origine de malentendus entre les personnes. Les ralentissements de son ou d’image seraient interprétés comme un manque d’attention de la part de l’interlocuteur et auraient une véritable incidence sur le cours de la discussion.

Récemment en 2021, France Info a également mis en avant ce problème d’épuisement mental induit par certaines utilisations de la visioconférence.

« La technologie perturbe le système de l’être humain »

Cette étude a été appuyée par les récents propos de Jeremy Bailenson, directeur de l’université de Stanford, spécialiste des Cyber-technologies. Lors d’une interview accordée au Wall Street Journal en juin 2020, il rappelle que la technologie perturbe le système de l’être humain et ses méthodes de communication. Selon lui, les signes de communication non verbaux, présents depuis des siècles, existent pour aider l’espèce humaine à survivre. La synchronisation vocale des interlocuteurs est alors très importante lors d’une conversation, puisqu’elle permet d’obtenir des réponses précises et de déterminer si le sujet à été compris.

Numerama a interrogé Christèle Albaret, psychosociologue : elle rappelle que les problèmes de perception liés à la visioconférence doivent être tempérés :  « Les humains communiquent majoritairement par le non verbal, composé de la gestuelle et des regards. La communication verbale et paraverbale, incluant les mots et les intonations, n’a qu’une infime conséquence sur les conversations. Dans cette optique, nous sommes vite tentés de croire que la visioconférence empêche les conversations de qualité. C’est faux », modère-t-elle.

« Dans une visio à deux, il est possible de décoder les subtilités de la communication non verbale. En réalité, seul le fait de ne pas partager le même environnement que son interlocuteur est déstabilisant. En revanche, le problème est bien réel lors de réunions à distance : entre les problématiques liées à l’utilisation d’un support numérique et l’environnement de travail de chacun, les conversations s’entremêlent, les retards de connexion frustrent et le cerveau est obligé de compenser tous les manques. C’est ainsi que le stress augmente, accompagné de tous les pénibles symptômes qui composent la Zoom fatigue. »

Conférence Zoom // Source : Louise Audry pour Numerama

Conférence Zoom

Source : Louise Audry pour Numerama

« L’utilisation simultanée de plusieurs supports de communication numérique renforce la fatigue »

Christèle Albaret alerte sur un autre phénomène : le multitasking. Le multitasking est le fait de réaliser plusieurs tâches en même temps, comme rédiger un rapport tout en écoutant son supérieur donner les directives de la journée. Selon cette spécialiste des risques psychosociaux, il faut réagir : « Avec l’utilisation quotidienne de la visioconférence, nous sommes témoins de travailleurs ignorant les règles du savoir-vivre. Pendant les réunions en visio, ils n’hésitent pas à consulter leurs mails ou envoyer des SMS. Cela n’arriverait pas au cours de réunions physiques. En agissant ainsi, ils s’épuisent, le cerveau n’est pas fait pour réaliser plusieurs tâches à la fois.»

Et de continuer : «Cette surcharge causée par l’utilisation simultanée de plusieurs supports de communication numérique renforce la fatigue ressentie en télétravail. Alors aujourd’hui, avec la visioconférence imposée dans de nombreuses entreprises, il est du devoir des décideurs d’intégrer des processus simples pour répondre à ces nouveaux enjeux. Cela peut être par exemple des horaires protégés, sans appels, pour réduire le stress des télétravailleurs. Finalement, il y a une double responsabilité : celle du salarié, qui doit s’imposer une certaine rigueur et un cadre, et celle de l’entreprise, qui doit adapter ses méthodes à l’utilisation de nouveaux moyens de communication.»

Face à l’ampleur de la Zoom fatigue, l’Harvard business review à consacré une étude et un article pour trouver des solutions à ce phénomène. Les conseils prodigués sont simples : limiter la communication en visioconférence en privilégiant les appels et les mails. Perdre la mauvaise habitude du multitasking pour réduire la fatigue et gagner en productivité. Enfin, il est aussi conseillé de faire des pauses « hors-écrans » régulièrement.

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