Cela fait déjà longtemps que Bill Gates ne parle plus de technologies grand public. Le milliardaire, qui a créé et développé l’une des plus grandes entreprises de l’histoire, s’attaque depuis son départ de Microsoft à des problématiques plus globales — et notamment, dans la santé. Avec sa femme Melinda Gates, il s’est donné pour objectif l’éradication de maladies endémiques, dans des régions du globe où les systèmes de santé ne peuvent pas les endiguer — le paludisme en particulier.
Devenu observateur des épidémies de longue date, jusqu’à prédire une crise comme celle du coronavirus dans une vidéo rendue tristement célèbre par les complotistes l’accusant de l’avoir préparée, Gates estime le 14 février au micro de la BBC que vaincre la maladie Covid-19 est une « chose très, très simple ». Un excellent vaccin qui fonctionne — ou plusieurs — peut permettre de sortir le monde de l’impasse dans laquelle il est entré début 2020. Cette déclaration pourrait aisément choquer, tant la pandémie a été difficile à tous les niveaux, mais Gates la place face à un mal bien plus grand, selon lui : le réchauffement climatique.
« L’humanité n’a jamais fait une transition comme celle que nous devons faire ces 30 prochaines années. Il n’y a pas de précédent », lance-t-il, pour donner le ton.
Bill Gates pour un État fort
Quiconque suit l’actualité environnementale comprendra que le fondateur de Microsoft n’exagère pas la situation. Pour lui, nous devons arriver à « zéro » émission si nous souhaitons survivre en tant qu’espèce. Et le mode d’emploi pour cette transition n’existe pas : pour ce technophile convaincu, la solution vient d’une innovation qui touchera tous les secteurs de l’économie physique. S’arrêter à la seule génération d’électricité, en utilisant un mix énergétique non émetteur de gaz à effet de serre, ne résoudra qu’une seule partie du problème : « il faut penser aux transports, à l’industrie du ciment, aux usines à métaux… ». Bref, un projet global qui, pour Gates, ne peut passer que par les gouvernements.
Le milliardaire, que l’on sait attaché à la liberté d’entreprendre et à la plus minime expression de l’État quand il s’agit des affaires, estime que le problème du réchauffement climatique ne se fera pas sans une « innovation dirigée par les gouvernements ». Il plaide pour des signaux forts en direction des industriels et des consommateurs, qui permettraient de « montrer les dégâts » causés par la consommation. Au plus petit niveau, celui du client final, il faudrait faire prendre conscience des conséquences de l’utilisation d’un véhicule thermique. Du côté de l’industrie, rien ne bougera sans une solution apportée par une innovation dirigée, qui contraint les industries au renouvellement. Gates estime que l’État va avoir pour mission de faciliter et d’imposer ces transitions, d’inventer ces choses qui n’existent pas encore et qui devront bouleverser des filières.
La transition écologique, un défi privatisé
Ce rôle d’un État fort, tourné au service de la transition écologique, est déjà challengé par le secteur privé, capable d’investir beaucoup et de déployer des solutions à l’échelle globale — avec pour objectif évident un retour sur investissement, qu’il vienne de la maîtrise des coûts ou de la diffusion d’une image de marque. C’est ce que l’on remarque quand Google ou Microsoft annoncent leur projet pour devenir « carbone négatif » ou « libéré du carbone » en 2030.
Apple suit la même logique, avec des actions qui pourraient le faire passer pour un État, ou une organisation politique internationale. Le géant de Cupertino construit par exemple un parc éolien au Danemark et a annoncé forcer la transition énergétique de ses partenaires industrielles pour que toute sa chaîne de production soit neutre en émission carbone. Ces étapes essentielles montrent à quel point un produit fini qui se dit « neutre en émission carbone » doit l’être pour chaque composant et chaque déplacement. Pour Apple, un iPhone ne sera pas « 100 % neutre » si les usines de Varta, spécialiste des batteries en Allemagne, ne sont pas entièrement propulsées par des énergies renouvelables. D’où le projet de forcer la main de son partenaire. Ce que l’État n’a pas fait, ou pas fait à temps.
L’appel de Bill Gates s’inscrit donc dans une séquence où, de « l’Affaire du Siècle » aux crises sociales et sanitaires récentes, le politique est pointé du doigt pour son incapacité à gérer le long terme — même si la survie de l’humanité en dépend. Le nouveau livre du milliardaire intitulé sobrement Comment éviter un désastre climatique est, de son côté, déjà numéro un des ventes aux États-Unis — sur Amazon.
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