Si la pandémie a mis un virus, le SARS-CoV-2, au cœur de notre attention, les virus n’ont jamais été absents de notre environnement ni de notre corps. Ils représentent même les êtres vivants les plus nombreux, beaucoup sont inoffensifs, voire essentiels à la vie. Afin d’établir un catalogue appelé Gut Phage Database (base de données des bactériophages intestinaux), un groupe de recherche a analysé 28 000 échantillons de microbiomes intestinaux, prélevés dans 28 pays.
À partir du séquençage métagénomique de ces microbiomes, les chercheurs ont pu identifier les espèces virales présentes. Et ils en ont découvert plus de 140 000. La moitié n’avait jamais été observée auparavant ; ces bactériophages nous étaient inconnus. L’étude qui en découle a été publiée dans Cell, fin février 2021.
« Tous les virus ne sont pas nuisibles »
Ce catalogue en arrive donc à la conclusion que vivent que 140 000 espèces virales évoluent dans notre intestin. Ce serait être loin du compte que de voir cela comme une mauvaise nouvelle : « Il est important de se rappeler que tous les virus ne sont pas nuisibles, mais qu’ils font partie intégrante de l’écosystème intestinal », rappelle le docteur Alexandre Almeida, coauteur de l’étude, sur le site du Wellcome Sanger Institute. L’immense majorité des personnes chez qui les échantillons ont été prélevés étaient en bonne santé.
Les virus découverts dans les microbiomes sont dits bactériophages, car ils infectent des bactéries. Si ces espèces virales sont sans danger, et bien différents de virus à ARN comme le coronavirus, elles ont toutefois un impact sur notre santé — au sens d’une régulation. « On sait que des déséquilibres du microbiome de notre intestin peuvent contribuer à des maladies et des états de santé complexes tels que les maladies inflammatoires de l’intestin, les allergies et l’obésité », mais les interactions exactes entre notre santé et les bactériophages qui habitent notre microbiome intestinal restent peu comprises. « Il est fascinant de voir combien d’espèces inconnues vivent dans notre intestin, et d’essayer de démêler le lien entre elles et la santé humaine », explique Alexandre Almeida.
C’est là où l’aboutissement de ce catalogue est utile. « À notre connaissance, cette base de données représente la collection de génomes de bactériophages intestinaux humains la plus complète et la plus exhaustive à ce jour », commentent les auteurs. Ces derniers ont d’ailleurs déjà réussi à préciser des groupes de virus. Par exemple, 36 % des 280 groupes de bactériophages identifiés semblent infecter bien plus qu’une seule espèce de bactérie, ce qui montre les relations complexes qui se jouent dans le microbiome. Les chercheurs ont identifié un nouveau clade (groupe génétique, comparable à une famille), qu’ils appellent le Gubaphage et qui semble être le deuxième le plus répandu dans le monde après celui déjà connu crAssphage.
« La recherche sur les bactériophages connait actuellement une renaissance. Ce catalogue de haute qualité et à grande échelle des virus intestinaux humains arrive à point nommé pour servir de modèle afin d’orienter l’analyse écologique et évolutive dans les futures études », conclut l’un des auteurs.
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