L’émotion face à une douleur est un processus plus complexe qu’une simple réaction à un stimulus négatif. « La douleur est un état affectif ; une réponse émotionnelle générée par des circuits cérébraux centraux complexes en réponse à une entrée sensorielle signalant une lésion tissulaire », explique Robyn Crook, neurobiologiste à l’origine d’une étude parue dans iScience, fin février 2021.
Son travail se penche sur les céphalopodes (mollusques dont la tête est prolongée de tentacules), et plus particulièrement les poulpes : ressentent-ils la douleur seulement physiquement, comme la réponse à un simple stimulus, ou cette douleur déclenche-t-elle un état affectif négatif ?
Renouveler notre rapport humain aux céphalopodes
Sur le site de son laboratoire (le Crook Laboratory), Robyn Crook reconnait que les travaux visant à identifier des états émotionnels chez les céphalopodes sont soumis à controverse, en raison de leurs cerveaux très complexes et qui ne sont pas encore pleinement compris. Mais il estime que ce type de recherche est pourtant bien cruciale : « Connaitre la réponse à cette question est plus qu’une simple curiosité scientifique ; elle est essentielle pour faire progresser les initiatives visant à traiter les céphalopodes de manière plus humaine, quel que soit le contexte dans lequel ils rencontrent l’être humain — dans les laboratoires de recherche, mais aussi dans les zoos, les aquariums et les pêcheries. »
Cette étude mobilise et réadapte un test déjà connu et admis scientifiquement sur les rongeurs visant à approfondir leur composante affective — la façon dont tel ou tel événement génère un état émotionnel complet. Pour le dire simplement, il s’agit de relier des comportements typiques associés à la douleur affective avec certaines formes d’activité cérébrale reconnaissant la douleur.
Il en résulte, d’après les conclusions, que les poulpes sont bel et bien capables de l’état affectif négatif qui caractérise l’expérience de la douleur chez les mammifères. Et un état affectif durable après le stimulus de douleur. « C’est la première preuve concluante de cette capacité chez un invertébré », écrit Robyn Crook.
Pourtant, le système nerveux des céphalopodes est bien différent des vertébrés. Mais les réponses démontrées par les poulpes sont « tellement similaires » à celles qui seraient exprimées par des mammifères éprouvant de la douleur dans la même situation, que Robyn Crook estime que l’on peut affirmer, de manière raisonnable, que « l’état interne de ces espèces est probablement lui aussi similaire ».
Cette étude rejoint en tout cas toute une série de travaux de recherche qui montrent que dans le monde animal, des espèces très différentes de la nôtre dans l’évolution peuvent se rapprocher de nous dans leur intelligence et leurs états affectifs. Notre rapport à la nature s’en voit lui aussi indéniablement changer progressivement.
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