De nombreuses études montrent que les probabilités que la vie apparaisse sur Terre étaient minces. Si l’on en croit maintenant un papier de recherche publié le 5 mars 2021 dans Astronomy & Astrophysics, la Terre n’était pas dans le lieu galactique le plus hospitalier — et ce n’était pas non plus le moment le plus opportun.
Certaines régions de l’espace, et certaines époques, apparaissent relativement hostiles à la vie telle que nous la connaissons. On peut y trouver, à une fréquence élevée, un nombre important de supernovæ et une haute exposition à des sursauts de rayons gamma (provenant tout particulièrement d’étoiles à neutrons). Ces événements sont si dangereux, même à des années-lumière, que certains travaux les ont reliés à des extinctions de masse, sur Terre.
Une étude dresse notamment l’hypothèse que l’extinction Ordovicien-Silurien (soit la toute première extinction de masse, une perte de 60 % des espèces invertébrées marines), il y a 445 millions d’années, ait été provoquée par d’importants sursauts de rayons gamma qui auraient endommagé la couche d’ozone. Il se trouve en effet qu’en une poignée de secondes, un rayonnement gamma de ce type émet autant de radiations que le fait toute la galaxie en un siècle.
La Terre était là aux « pires » moments et endroits, et pourtant…
L’équipe de recherche à l’origine du papier publié dans Astronomy & Astrophysics a cherché à modéliser l’évolution de notre galaxie, la Voie lactée. L’objectif était d’identifier les régions, dans l’espace et le temps, qui ont été les plus concernées par des événements dangereux tels que des supernovæ et des bombardements de rayons gamma.
Leur modélisation suggère que le centre de la galaxie s’est « formé » en premier (le centre démarre à 6 500 années-lumière du trou noir supermassif, le cœur où tout est plutôt chaotique). C’est d’abord dans les régions intérieures que les étoiles se sont formées le plus intensément, provoquant alors le plus d’événements explosifs tels que des supernovæ et des explosions à rayons gamma.
Puis, progressivement, il y a 6 milliards d’années, à force de voir ses étoiles vivre et mourir, cette région s’est enrichie de métaux lourds : pour le dire simplement, cela a généré une forme de stabilisation, avec bien moins de rayonnements et autres événements « cataclysmiques ». En revanche, ce fut au tour des régions périphériques de connaitre une période active, riche en explosions gamma. Il se trouve justement que le Système solaire et la Terre se sont formés il y a 4 milliards d’années dans le bras d’Orion, un bras périphérique. Pendant les milliards d’années qui ont suivi, notre planète était particulièrement susceptible d’être percutée par les rayons gamma — confirmant potentiellement les hypothèses d’extinctions de masse générées par de tels événements cosmiques.
Bon, il y a une bonne nouvelle : d’après la modélisation de l’équipe de recherche, notre région périphérique a commencé elle aussi à se stabiliser il y a environ 500 millions d’années. À partir de cette époque, les dangers cosmiques sont devenus plus rares (les rayons gamma proviennent maintenant surtout du cœur de la galaxie, dans un rayon de 6 500 années-lumière du trou noir supermassif). D’ailleurs, l’extinction de masse possiblement provoquée par un rayonnement gamma date bien de cette époque.
La notion d’habitabilité, plus nuancée que prévu ?
L’équipe de recherche estime par ailleurs que leurs travaux conduisent à une conclusion déterminante : puisque la planète n’était pas forcément au bon endroit et au bon moment, et que la vie a malgré tout émergé, cela démontre que les extinctions de masse ne sont pas incompatibles avec l’émergence progressive de la vie.
« L’existence même de la vie sur la planète Terre aujourd’hui démontre que les extinctions massives n’excluent pas nécessairement la possibilité d’un développement complexe de la vie. Au contraire, les extinctions massives se produisant au bon rythme auraient pu jouer un rôle essentiel dans l’évolution des formes de vie complexes sur notre planète. »
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