Les forêts tropicales sont des pièges à carbone, mais la destruction de leurs écosystèmes par l’être humain peut provoquer un dérèglement : elles libèrent alors plus de carbone qu’elles n’en retiennent. Qu’en est-il de la forêt amazonienne, colossal piège à carbone, d’une superficie de 500 millions d’hectares ?
D’autres gaz en cause que le carbone
Un vaste article de recherche, publié le 11 mars 2021 dans Frontiers in Forests and Global Change, démontre que la forêt amazonienne rejette maintenant autant, voire davantage de gaz à effet de serre qu’elle n’en absorbe. Bien que ce soit encore réversible, ce déséquilibre pourrait avoir comme effet d’aggraver le changement climatique.
Jusqu’à maintenant, les recherches se concentraient surtout sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et, en la matière, l’Amazonie semblait toujours absorber davantage qu’elle n’en rejetait. Mais ce nouveau travail publié mi-mars étend la recherche à d’autres gaz que le carbone, et plus particulièrement le méthane (CH₄), ainsi que du protoxyde d’azote (N₂O). Résultat, l’équilibre actuel apparait bien plus fragile que ne le montraient de précédentes études.
« Nous concluons que le réchauffement actuel dû aux agents non-CCO2 (en particulier le CH₄ et le N₂O) dans le bassin de l’Amazone contrebalance largement — et dépasse très probablement — le service climatique fourni par l’absorption du CO2 atmosphérique », estiment les auteurs de l’étude. Ce déséquilibre signifie non seulement que l’Amazonie ne peut plus aider à contrebalancer les émissions de gaz à effet de serre émises par les êtres humains ; mais qu’elle s’inscrit alors dans un cycle nourrissant le changement climatique.
Qui plus est, le réchauffement du climat accentue la boucle : « Des projections récentes suggèrent qu’une augmentation de la température de 4°C dans les zones humides tropicales d’Amérique du Sud pourrait doubler les émissions régionales de [méthane], déjà importantes », écrivent les auteurs. À mesure que le climat se réchauffe, l’Amazonie libère des gaz à effet de serre, qui contribuent à au réchauffement.
Les activités humaines au cœur du problème
Le constat n’est pas vraiment une surprise, mais il se trouve les raisons de ce déséquilibre sont à trouver dans les activités humaines et comment elles dérèglent l’écosystème du bassin de l’Amazonie.
Les auteurs citent de nombreux exemples, comme l’inondation consécutive à la construction de barrages : cela diminue les niveaux d’oxygène aquatique et augmente la décomposition anoxique de la matière organique, libérant des quantités importantes de méthane dans l’atmosphère. « Cet effet est potentiellement 10 fois plus fort dans les systèmes tropicaux que pour les barrages en milieux tempérés », écrivent les scientifiques.
À cet exemple il faut ajouter les incendies causés par la déforestation effrénée et souvent illégale : les feux libèrent des gaz à effet de serre ; mais toute cette surface qui part en fumée représente aussi au long terme de la biomasse en moins pour absorber le dioxyde de carbone contenu dans l’atmosphère. En résumé, à cause de l’impact humain, l’Amazonie génère toujours plus de gaz à effet de serre, mais peut de moins en moins en absorber.
« Après une décennie d’espoir d’une transition vers un modèle de développement durable, la déforestation rapide et le changement d’affectation des terres sont repris en Amazonie », regrettent les auteurs. Cette reprise des activités néfaste a « recentré l’attention du public sur le sort des vastes stocks de carbone du bassin », mais, pour ces scientifiques, il est crucial d’élargir aux autres gaz à effet pour bien saisir tous les enjeux de « la gestion de la biogéochimie du climat en Amazonie ».
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