Le rover Perseverance n’avait pas, initialement, une telle ambition exobiologique (l’étude de la vie). Il a d’abord été conçu par la Nasa pour faire une démonstration technologique de forage et de stockage d’échantillons martiens.

S’il a lieu comme prévu, le retour d’échantillons martiens vers la Terre, auquel la mission du rover Perseverance doit contribuer, sera inédit. Pour l’instant, jamais des échantillons n’ont été ramenés de l’espace afin d’envisager y étudier de possibles traces de vie. Il y a une dimension microbiologique, et même exobiologique (l’étude de la vie dans l’Univers), dans ce programme de retour d’échantillons.

Néanmoins, le rover en lui-même n’est pas véritablement exobiologique. Autrement dit, il ne dispose pas des instruments qui lui permettraient d’identifier directement la vie. S’il venait à en trouver des preuves sur Mars, il faudrait attendre le retour des échantillons (dans le cadre du « Mars Sample Return ») puis l’analyse de ses prélèvements, dans des laboratoires de haute sécurité sur Terre, pour le savoir.

Une ambition exobiologique ajoutée plus tard

D’ailleurs, à l’origine, la Nasa ne poursuivait même pas un but exobiologique avec Perseverance. « C’était un rover d’exploration géologique, minéralogique, pour étudier l’échappement de l’atmosphère, la géologie du cratère d’atterrissage, décrit à Numerama l’astrochimiste Caroline Freissinet, chercheuse du CNRS en sciences planétaires au Laboratoire atmosphères, milieux et observations spatiales.

« L’ambition exobiologique de Perseverance a été ajoutée à partir du moment où l’on a décidé que les échantillons que l’on ramenait dans le programme Mars Sample Return seraient les siens. Perseverance a alors pris cette tournure exobiologique, mais sans avoir ces instruments exobiologiques. »

Il était bien prévu que Perseverance creuse et stocke des échantillons, mais il ne devait d’abord s’agir que d’une démonstration technologique. Les prélèvements ne devaient pas revenir sur la Terre, initialement.

« Une mission intermédiaire était prévue, avec la technologie de Perseverance pour creuser les échantillons, ainsi que des instruments d’analyse poussée pour choisir les échantillons les plus intéressants à ramener. Pour des raisons budgétaires, cette mission intermédiaire a été annulée », nous explique Caroline Freissinet. Ce sont finalement les conteneurs de Perseverance que les institutions ont décidé d’utiliser pour un retour sur Terre. « Mais la payload [la charge utile] scientifique était déjà choisie et elle n’a pas été changée pour rajouter des instruments permettant de choisir le bon échantillon à ramener. »

Impossible de modifier une instrumentation déjà sélectionnée

Cela peut sembler surprenant, mais il faut rappeler comment sont choisies les charges utiles de ces robots explorateurs. Lorsque la mission Mars 2020 a été décidée par la Nasa, aucun instrument n’était choisi pour être à bord du rover. « C’est la Nasa qui annonce qu’elle va envoyer un instrument basé sur le rover Curiosity et qui fait un appel d’offres aux instruments, pour y faire de la science », poursuit l’astrochimiste. Ensuite, lorsque les instruments sont soumis puis sélectionnés, il n’est plus possible de revenir en arrière. Cela explique qu’on puisse aujourd’hui avoir un rover avec une ambition exobiologique, mais sans véritables instruments exobiologiques.

« Rajouter quelque chose sur une payload qui a déjà été sélectionnée est impossible », confirme l’experte. Pour rappel, Perseverance pèse un peu plus d’une tonne. Sur cette masse, les 7 instruments scientifiques qui ont été retenus représentent environ 60 kilogrammes. Comme l’indique Caroline Freissinet, cela fait « moins de 10 % du budget de masse qui est alloué aux instruments scientifiques. On est à la dizaine de grammes près, pour les instruments ». Lorsqu’un instrument est choisi, il faut aussi décider où il sera logé dans le robot, de quelle énergie il aura besoin, quelle sera sa masse. Dès lors, « on ne peut plus rajouter des éléments, nous explique la scientifique. Cela voudrait dire qu’il faudrait refaire toute l’étude de l’élaboration du rover, voire qu’il faudrait éventuellement enlever un autre instrument ».

« La première mission dans le programme de retour d’échantillons »

Si Perseverance n’avait pas initialement d’ambition exobiologique, il avait donc déjà d’autres différences avec Curiosity, l’autre rover actif de la Nasa sur Mars, lorsque sa mission a été prévue. « Avec Curiosity, la question était : Mars était-elle habitable dans le passé ? Les instruments ont été sélectionnés en fonction. Avec Perseverance, c’est la première mission dans le programme de retour d’échantillons. C’est une démonstration technologique de forage et de mise en conteneur d’échantillons martiens », répond Caroline Freissinet. Avec Perseverance, c’est l’ébauche du « Mars Sample Return », tandis que Curiosity visait à étudier l’habitabilité de Mars.

Dans l’horizon lointain de la mission Mars 2020, il y a également la possibilité d’une future mission habitée. « C’est aussi le début du programme de l’humain sur Mars : Perseverance a un instrument pour fabriquer de l’oxygène. C’est une première dans le Mars Sample Return, et qui à terme aboutira avec l’humain sur Mars. »

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