Le 4 août 2020, la ville de Beyrouth a fait face à une catastrophe humanitaire après une violente explosion au port de Lebanon. L’onde de choc, provenant d’un stock mal sécurisé de nitrate d’ammonium, a causé la mort de 200 personnes et fait des centaines de blessés. De nombreuses personnes se sont également retrouvées sans domicile, l’onde ayant détruit des bâtiments.
Des scientifiques japonais de l’université Hokkaido ont porté leur attention sur la nature exacte de l’onde de choc. Ils ont publié leurs calculs dans Scientific Reports, et commentent leurs travaux ce 17 mars 2021 sur le site de l’université.
L’équivalent d’une éruption volcanique
D’après les recherches de cette équipe, l’explosion était très semblable à une éruption volcanique. En mesurant les perturbations électromagnétiques qu’elle a provoquées, les auteurs ont découvert que l’onde de choc a été jusqu’à perturber électriquement la haute atmosphère terrestre. « Nous avons constaté que l’explosion a généré une onde qui s’est propagée dans l’ionosphère en direction du sud à une vitesse d’environ 0,8 kilomètre par seconde », écrit Kosuke Heki, professeur en sciences de la Terre. L’onde a donc traversé la haute atmosphère à une vitesse équivalente à celle du son. La perturbation a eu lieu 10 minutes après l’instant T de l’explosion.
L’ionosphère se situe juste au-dessus de la stratosphère, à 50 kilomètres au-dessus du sol, et s’étend ensuite sur plusieurs centaines de kilomètres, comprenant même la thermosphère et l’exosphère, dernière couche de l’atmosphère terrestre. La Terre est constamment frappée par des rayonnements électromagnétiques à haute fréquence provenant de l’espace et par les rayons UV provenant du Soleil. Ces rayons entrent alors au contact de la haute atmosphère et ses molécules de gaz. L’interaction conduit à la libération d’électrons, ce qui génère un plasma équilibré d’électrons libres et d’ions chargés positivement. Les trois régions atmosphériques concernées par cette concentration en électrons et en ions sont regroupées sous le nom d’ionosphère.
Pour calculer l’impact de l’explosion déclenchée à Beyrouth, les chercheurs ont mesuré les changements dans la concentration en électrons, en vérifiant s’il y avait des changements dans les délais de transmission des microondes transmises entre les satellites GPS et les stations au sol. C’est ainsi qu’ils ont découvert la perturbation de grande ampleur générée par l’onde de choc — le changement dans la concentration était d’une amplitude de 2 %, ce qui est énorme. Les chercheurs comparent cette perturbation à celles qui ont été mesurées lors d’éruptions volcaniques au Japon. L’amplitude était même supérieure à celle de l’éruption du mont Asama en 2004. Cela étant, comme pour les volcans, l’impact sur l’ionosphère fut temporaire et sans incidence notable.
L’équipe de recherche a également comparé l’explosion de Beyrouth à des explosions qui ont eu lieu dans les années 1990 dans des mines de charbon, dans le Wyoming, aux États-Unis. Ces dernières étaient beaucoup plus importantes, l’équivalent 1,5 tonne de TNT là où celle de Beyrouth équivalait à 1,1 tonne de TNT. Pourtant, les perturbations de l’ionosphère provoquées par les explosions dans ces mines ne représentent qu’un dixième de celle générée au port de Lebanon. L’explication est à trouver dans l’enterrement des mines, là où, à Beyrouth, l’explosion est survenue sur une surface large pleinement exposée ; l’onde de choc s’est propagée sans entrave.
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