« C’est de l’ADN de grenouille, mais ce ne sont pas des grenouilles. » En janvier 2020, des chercheurs présentaient dans une revue scientifique leur création : les xénobots, qui ne sont pas tout à fait des robots, mais pas non plus totalement des êtres vivants. Ils sont présentés comme des machines vivantes, ou machines biologiques, à l’échelle microscopique (quelques microns).
Un peu plus d’une année plus tard, l’équipe derrière ce projet publie, dans Science Robots, le 31 mars 2021, quelques nouvelles des xenobots et de leurs évolutions : une version 2.0.
Les xénobots ont été conçus par l’utilisation d’un « superordinateur », afin de programmer une forme de vie, virtuellement d’abord, sur la base de cellules provenant de la peau et des tissus musculaires du cœur de grenouilles (Xenopus laevis, d’où le mot « xeno »). Sur le superordinateur, l’algorithme conçu par les auteurs a simulé différents agencements possibles afin d’aboutir à la configuration vitale la plus aboutie.
Une fois leur forme de vie arrêtée par ordinateur, les scientifiques les ont fabriqués de leurs propres mains. Avec une pince et une électrode, les scientifiques ont découpé et assemblé des cellules, au microscope. Il en résultait « un organisme vivant et programmable », qui constitue, selon les auteurs, « un pas en avant vers l’utilisation d’organismes conçus par ordinateur permettant l’administration intelligente de médicaments ». Les xénobots disposent d’un trou au milieu de leur organisme pour « transporter » des éléments microscopiques. Ils ne disposent en revanche ni d’un cerveau ni d’un système nerveux central.
Xénobots 2.0
Dans ce nouveau papier de recherche, les chercheurs expliquent avoir été plus loin dans la performance de leurs créations. Premièrement, les xénobots V2 peuvent se guérir encore plus vite que sous leur première forme. S’ils sont coupés, endommagés, ils reprennent rapidement leur forme d’origine en seulement cinq minutes et recommencent à travailler comme avant. « Une chose que les xénobots et les versions futures de robots biologiques peuvent faire, contrairement à leurs homologues en métal et en plastique, est de construire leur propre schéma corporel au fur et à mesure que les cellules grandissent et mûrissent, puis de se réparer et de se restaurer s’ils sont endommagés. La guérison est une caractéristique naturelle des organismes vivants », développent les scientifiques.
Concernant justement le développement biologique, les chercheurs ont aussi découvert, en concevant la V2, que les xénobots peuvent s’autocréer, s’autoassembler, sans manipulation extérieure (échafaudage ou micro-impression), sans leur implanter des tissus musculaires comme dans la V1. Effectivement, pour les xénobots 2.0, les scientifiques n’ont pas eu besoin de créer la fonction de déplacement, les xénobots ont construit naturellement leur propre fonction de déplacement.
Effectivement, les cellules embryonnaires cutanées (peau) prélevées sur les embryons de grenouilles disposent de « cils », une sorte de petite couche ressemblant à des poils. Chez les grenouilles, cette structure sert à repousser les agents pathogènes, à faire circuler le mucus. Mais chez les xénobots, une fois ces cellules embryonnaires rassemblées dans la bonne configuration, elles vont s’agglomérer toutes seules, former une sphère… puis les cils vont agir en groupe, à la manière d’une multitude de jambes, afin de permettre au xénobot d’avancer, comme s’il ramait très rapidement à l’aide de ces cils.
Tout ce processus se fait en autonomie : les scientifiques n’ont pas eu besoin d’agir en ajoutant de tissus musculaires pour créer la fonction motrice, elle s’est générée seule à partir de ces cils. Une telle plasticité cellulaire représente, selon les auteurs, une preuve que la vie est capable de réutiliser tout ce qui est à portée de main pour générer de nouvelles fonctions vitales. Il s’agit en quelque sorte d’un aperçu du mécanisme évolutif mais en version accélérée — là où une adaptation peut prendre des millénaires dans l’histoire naturelle, celle-ci ne prend que quelques heures pour les xénobots.
« Nous voulons que les xénobots fassent un travail utile »
Parmi les nouvelles « fonctionnalités », les chercheurs ont implanté aux xénobots les prémisses d’un mécanisme de mémoire, en implantant une séquence génétique codant une protéine qui change de couleur lorsqu’elle est exposée à la lumière bleue. Attention, il s’agit là d’une mémoire rudimentaire, mécanique, qui permet simplement à l’organisme programmé de modifier le comportement. Mais, là où cette fonctionnalité est importante, c’est qu’elle implique la possibilité pour les xénobots de varier leurs comportements en fonction de leur environnement et de leurs tâches ; la présence d’une maladie, de radioactivité, de médicaments, de polluants, etc.
« Lorsque nous associons davantage de capacités aux xénobots, nous pouvons utiliser des simulations informatiques pour les programmer avec des comportements plus complexes et la capacité d’effectuer des tâches plus élaborées. Nous pourrions potentiellement les programmer non seulement pour signaler les conditions de leur environnement, mais aussi pour modifier et réparer les conditions de leur environnement », expliquent les auteurs, qui signalent par ailleurs que les xénobots 2.0 ont une capacité accrue à travailler en groupe, de manière collective.
Une mise en application médicale et environnementale est envisageable selon ces scientifiques, qui concluent en indiquant que « nous voulons que les xénobots fassent un travail utile. Pour l’instant, nous leur confions des tâches simples, mais à terme, nous visons un nouveau type d’outil vivant qui pourrait, par exemple, nettoyer les microplastiques dans l’océan ou les contaminants dans le sol. »
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