Discuté à l’Assemblée nationale depuis début mars, le projet de loi pour lutter contre le dérèglement climatique et renforcer la résilience du pays face à ses effets a vu passer de nombreux amendements visant à demander davantage à l’industrie high tech et au numérique. Beaucoup ont été rejetés. Mais il y a une proposition qui a reçu l’aval du parlement : le renforcement des pouvoirs de l’Arcep.
Adopté le 1er avril, l’amendement confère à l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep) la capacité d’aller recueillir des informations et des documents sur l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques, et de ceux étroitement liés à celui-ci. En cas de défaut de transmission des éléments demandés, des sanctions pourront être prises.
Concernant le montant des sanctions, plusieurs scénarios sont prévus selon les cas de figure. Il peut être calculé selon un premier barème n’excédant pas 150 000 euros en cas de première infraction, puis 375 000 euros en cas de nouvelle violation. Il peut aussi être calculé sur la base du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé, selon la gravité des faits et les avantages qui en sont tirés. Les plafonds sont de 3 % pour une première faute et de 5 % pour chacune des suivantes.
Smartphones, data centers, systèmes d’exploitation…
L’amendement, déposé par Christine Hennion, mais soutenu par de nombreux élus, entend mettre dans le radar du régulateur des télécoms des maillons clés de la chaîne de l’écosystème numérique. Sont mentionnés les systèmes d’exploitation, les fournisseurs des O.S., les centres de données, les opérateurs de ces data centers, les fabricants de terminaux et les équipementiers de réseaux.
En clair, l’Arcep pourra solliciter des documents et procéder à des enquêtes à propos de Windows, iOS ou Android, mais aussi de Microsoft, Apple et Google, qui conçoivent ces systèmes d’exploitation. Du côté des data centers, elle pourra se tourner vers OVH ou Scaleway, par exemple, et s’intéresser à leurs installations. Des sociétés comme Nokia, Samsung, Huawei ou Ericsson seront également dans son périmètre d’étude.
« Nous traversons une période décisive où révolutions numérique et écologique se rencontrent »
Cette extension part d’un constat : « Actuellement l’ARCEP s’intéresse uniquement à l’empreinte environnementale des services de communication au public en ligne dont la part de trafic généré par les services qu’ils proposent au sein du trafic constaté par les FAI excède un certain seuil ainsi que des réseaux et des services de communications électroniques », écrivent les parlementaires.
« Or, poursuivent-ils, il apparaît important de pouvoir recueillir des informations relatives à l’empreinte environnementale d’autres acteurs du numérique, notamment afin de les mettre à disposition du public ». À ce propos, il est prévu d’inclure dans le rapport annuel sur l’état de l’Internet en France, qui est public, un bilan de l’empreinte environnementale incluant des métriques sur ces différents acteurs.
Avoir une photographie claire de la situation
En soutien de leur amendement, les députés estiment qu’il est nécessaire d’avoir une « compréhension précise » des effets environnementaux de « chaque brique de l’écosystème numérique ». Certes, relèvent les élus, l’Arcep collectait déjà des informations sur les opérateurs — qui sont ressorties d’ailleurs lorsque a été discutée la possible fin des forfaits illimités en France –, mais des angles morts demeurent.
« L’Arcep a déjà initié une collecte d’informations auprès des opérateurs réseaux mais le rapport du Sénat, publié le 24 juin 2020, soulignait que les data centers représentaient 14 % de l’empreinte environnementale du numérique en France et que les terminaux en représentaient 81 % », rapportent les élus, en s’appuyant sur les travaux de leurs collègues de la chambre haute du Parlement.
Et même si ces taux peuvent être discutés, les députés estiment que l’important est avant tout « de ne pas restreindre d’emblée » les moyens du gendarme des télécoms sur ce sujet, y compris si leur part est moindre, voire modeste. Autrement dit, il s’agit d’avoir une photo complète de la situation. La question est de savoir si elle sera assez précise, car l’impact du numérique est source de controverses.
Cet amendement est la traduction législative de la feuille de route politique dévoilée en février par le gouvernement. Il était alors déjà question de confier un pouvoir de collecte de données à l’Arcep. Avec l’appui de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, des travaux prospectifs sont demandés pour estimer l’impact environnemental du numérique entre 2030 et 2050.
Parmi les 15 actions qui sont proposées pour que le numérique soit « au service » de la transition écologique, on y trouve la mise en place d’un baromètre environnemental des acteurs du numérique et un code de bonne conduite en matière d’impact environnemental établi avec les parties prenantes (fabricants, fournisseurs de contenus, éditeurs de logiciels).
Avec l’amendement sont modifiés des articles du Code des postes et des communications électroniques, qui pour certains se réfèrent à l’article L32-1. Celui-ci expose entre autres que l’Arcep et le ministre chargé du numérique « prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre […] un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé ».
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