Depuis un peu plus de deux ans désormais, nous savons à quoi ressemble un trou noir. En plus de toutes les vues d’artistes, qui tentent d’être le plus fidèles possible aux données scientifiques, nous avons une véritable image d’un trou noir. Cet « anneau de feu » se détachant sur un fond noir est M87*, ou plus exactement le disque d’accrétion de ce trou noir supermassif de la galaxie Messier 87 (M87). Sa masse représente environ 6,5 fois celle du Soleil et il se trouve à environ 55 millions d’années-lumière de nous.
Pour imager un tel colosse, il a fallu inventer l’Event Horizon Telescope (« Télescope de l’horizon des événements », ou EHT), un vaste réseau de radiotélescopes terrestres. Ainsi, ce télescope « virtuel » d’un diamètre équivalent à celui de la Terre a pu être créé, en utilisant ce qu’on appelle l’interférométrie à très longue base (VLBI, les enregistrements de chaque antenne sont rassemblés pour obtenir une même image). La collaboration EHT s’est par ailleurs associée à diverses installations, au sol et dans l’espace, pour mener une autre campagne d’observation, quasiment en simultané et dans plusieurs longueurs d’onde différentes.
Un grand zoom arrière
Dans une étude publiée le 14 avril 2021 au sein de The Astrophysical Journal Letters, 19 observatoires publient ces données, offrant ainsi un nouvel aperçu de ce trou noir et de la manière dont il est alimenté. Les scientifiques expliquent avoir obtenu « le spectre large bande le plus étendu, quasi simultané de M87 pris à ce jour ».
Une vidéo accompagne cette publication, résumant l’implication des différents télescopes et les données qu’ils ont obtenues. L’ensemble des données a été recueilli par une équipe de 760 scientifiques et ingénieurs, situés dans 32 pays différents. Les observations ont eu lieu entre la fin du mois de mars et la mi-avril 2017.
En apprendre plus
Qu’est-ce qu’un trou noir ?Tout commence évidemment avec l’image de M87*, qui avait été présentée en avril 2019, puis on effectue ensuite un grand zoom arrière. On peut voir les images prises par différents radiotélescopes, puis des vues obtenues à l’aide de télescopes observant dans la lumière visible, l’ultraviolet et les rayons X. L’écran est parfois divisé en plusieurs parties, pour comparer comment les observatoires voient chacun cette zone du ciel. La vidéo s’achève sur les images de télescopes observant dans les rayons gamma, depuis le sol ou l’espace. Chacun de ces observatoires permet d’obtenir des informations différentes sur les propriétés de M87*.
Sur l’image suivante, on peut voir à quoi ressemblait la cible pendant la compagne d’observation en 2017 : on voit que le trou noir a été observé dans plusieurs longueurs d’onde différentes. En légende, figurent les noms des observatoires mobilisés.
Les observations ont permis aux scientifiques d’apprendre que les conditions avaient alors été idéales pour observer « l’ombre » du trou noir : l’intensité de la lumière présente autour de M87* (produite par la matière en rotation) était la plus faible jamais observée.
En combinant les données de cette campagne d’observation, ainsi que celles obtenues par l’EHT, les scientifiques espèrent pouvoir avancer en testant la théorie de la relativité générale d’Einstein. Actuellement, il reste des incertitudes sur les jets de matière projetés par le trou noir, particulièrement sur les propriétés de cette lumière. Par ailleurs, la comparaison entre les nouvelles données et d’autres obtenues en 2018 pourrait aider à comprendre un autre problème : l’origine des rayons cosmiques (des particules de haute énergie provenant de l’espace). Il n’est pas exclu que les jets émis par les trous noirs en soient la source, mais on comprend encore mal où les particules pourraient être exactement accélérées.
L’EHT observe justement les trous noirs cette semaine
De nombreuses questions sont encore en suspens. Les dernières campagnes d’observation de l’EHT ont rencontré des difficultés (annulation en 2020 du fait de la pandémie, suspension en 2019 à cause de problèmes techniques). Mais, pendant cette semaine du 12 au 18 avril 2021, les astronomes de l’EHT ont justement des observations prévues pendant six nuits : ils ciblent M87*, mais aussi le trou noir de notre galaxie, Sagittarius A*, et quelques trous noirs un peu plus lointains. Trois radiotélescopes se sont greffés à la collaboration depuis 2017, dont le NOEMA en France. On peut donc s’attendre à de nouveaux résultats très intéressants dans les années à venir.
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