L’axolotl est peut-être l’une des espèces qui nous fascinent le plus — ce qui accroit, hélas, le danger d’extinction qui pèse sur elle, le commerce illégal s’étant ajouté à la pollution et à la destruction de ses habitats. Ces salamandres ont plusieurs particularités. Elles peuvent rester toute leur vie à l’état larvaire tout en ayant la capacité de se reproduire. Elles peuvent également régénérer leurs membres ou organes abimés — faire repousser un œil perdu par exemple.
Dans un article de recherche publié au sein de la revue PNAS, le 13 avril 2021, des scientifiques expliquent avoir séquencé et analysé le génome de l’axolotl. Ce n’était pas un processus d’assemblage facile : la taille du génome de l’axolotl est 10 fois plus grande que celle de l’être humain.
Si vous preniez un brin d’ADN humain et que vous pouviez le déplier, il ferait autour d’1,80 mètre de longueur ; mais si vous faisiez la même chose avec un brin d’ADN d’axolotl, alors il s’étirerait sur au moins 10 mètres. C’est d’autant plus époustouflant que cet animal est bien plus petit que l’être humain — ce qui rappelle à quel point l’évolution a conduit à un pliage génétique très perfectionné.
Un plan corporel « similaire à celui de l’être humain »
Même si l’axolotl se distingue fondamentalement de nous par sa capacité à se régénérer, il y a un intérêt médical majeur à mieux comprendre la séquence génomique de cet animal : il est un « tétrapode dont le plan corporel est similaire à celui de l’être humain », expliquent les auteurs. En tant que tétrapodes, nous avons effectivement au moins comme similarité d’avoir deux paires de membres et une respiration pulmonaire. Par conséquent, « l’axolotl contribue à la compréhension de l’évolution, du développement et de la régénération ».
Tout l’objectif de ces scientifiques est de visualiser la façon dont la régénération s’exprime au niveau génétique. La clé d’analyse est dans ce que nous évoquions précédemment : le pliage génétique du génome « géant » de cette espèce. La régénération des membres de l’axolotl s’exprime sur de grandes distances, et, du fait de sa longueur, une seule protéine dans l’ADN d’un axolotl est composée de centaines de milliers de paires de bases (les deux nucléotides imbriqués sur des brins d’ADN distincts). L’emplacement de chaque brin d’ADN a donc son importance, non pas de manière linéaire, mais en trois dimensions et de manière changeante. Les chercheurs doivent identifier quand et où les gènes sont activés — sous quelle configuration lorsque la régénération démarre puis comment l’expression et la régulation des gènes évoluent à mesure que le processus progresse.
Bien que cette étude avance dans le décryptage du génome des axolotls, le chemin reste encore très long, avant de pouvoir pleinement cartographier son fonctionnement. Les particularités de cette espèce proviennent d’une longue évolution, démarrée il y a 200 millions d’années. La grande question scientifique reste donc de savoir si ces éléments génétiques peuvent être appliqués à l’être humain dans une perspective médicale, pour favoriser la réparation de membres blessés. Les génomes humains et axolotls sont très différents et ne font pas la même taille, il apparait donc particulièrement difficile d’« insérer » des bouts du génome axolotl en nous. Mais nos similarités avec cette espèce offrent bel et bien des voies potentielles — par exemple, comme les axolotls, ce sont nos extrémités qui ont la plus forte capacité à se réparer rapidement.
Pour certains scientifiques, provoquer une régénération chez les humains nécessiterait surtout de « booster » des régulateurs génétiques déjà présents dans notre ADN ; et il n’y aurait alors besoin que d’ajouter quelques régulateurs additionnels. Il s’agirait donc avant tout d’identifier ce que nous avons en commun avec les axolotls et autres salamandres qui ont des capacités régénératrices. C’est ce que suggéraient les auteurs d’une étude parue en octobre 2019 dans Science Advances. Ils expliquaient avoir identifié des molécules micro-ARN présentes à la fois chez les humains et chez les espèces qui se régénèrent rapidement et à grande échelle, mais à un niveau d’expression plus élevé chez ces dernières. « Les régulateurs de la régénération dans les membres de la salamandre semblent également être les contrôleurs de la réparation du tissu articulaire dans le membre humain. »
En tout cas, pour les auteurs de l’étude parue le 13 avril dans PNAS, « l’axolotl est un modèle essentiel pour étudier une régénération réussie ». À partir de leurs premières avancées, ils vont donc poursuivre leurs recherches visant à cartographier toujours plus précisément le génome de cette étonnante espèce.
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