La technique CRISPR a révolutionné l’édition génétique lors de sa création en 2012. Ce sont des « ciseaux génétiques » : à partir d’une protéine, il est possible d’éditer des parties de l’ADN, modifiant alors le patrimoine génétique. Cela ouvre la voie à de nombreux usages médicaux utiles, par exemple contre le cancer. Mais cet outil a certaines limites, notamment un manque de précision. Dans un article de recherche à paraitre le 4 mai 2021 dans PNAS, un groupe de huit chercheurs, notamment affiliés au Wyss Institut de Harvard, décrivent une nouvelle technique d’édition génétique.
Ce nouvel outil repose sur les retrons. Comment fonctionne-t-il ? Peut-il s’avérer plus efficace que CRISPR ?
Éviter les dommages collatéraux des « ciseaux génétiques »
Pour éditer le génome, CRISPR repose sur l’enzyme Cas9, accompagnée par de l’ARN servant de guide. Par ce biais, on induit des cassures dans le double brin d’ADN. Ces cassures permettent de modifier le gène ciblé, ou même de réduire ou augmenter son expression. De ce principe est tirée la dénomination de « ciseaux génétiques », car il s’agit en réalité de découper l’ADN.
Toutefois, pour modifier l’ADN afin d’y intégrer les mutations souhaitées, « il faut inciter la cellule à utiliser un nouveau morceau d’ADN pour réparer la cassure », explique le groupe de chercheurs récemment publié dans PNAS. « Ce processus d’amorçage peut être compliqué à orchestrer et peut même s’avérer toxique pour les cellules, car Cas9 [l’enzyme utilisée]coupe souvent des sites non intentionnels, hors cible. » Ces dommages collatéraux sont un problème.
Pour cette raison, ces chercheurs ont développé une technique qu’ils appellent Retron Library Recombineering (RLR), et qui se repose sur les retrons, des séquences génétiques que l’on retrouve dans certaines bactéries et qui produisent un brin d’ADN simple et unique. La différence majeure avec CRISPR : cela consiste à introduire un morceau d’ADN dans une cellule lors de la phase où celle-ci réplique son génome. Cela permet d’éviter de casser l’ADN, en surfant sur un processus génétique naturel.
En clair :
- Dans l’usage de CRISPR, on casse physiquement l’ADN à double brin pour inciter la cellule à incorporer la mutation voulue (portée par l’enzyme Cas9) durant le processus de réparation ;
- Avec la technique RLR présentée dans cette étude, on introduit une mutation sous la forme d’un brin d’ADN au moment de la réplication de la cellule, de sorte que les cellules sœurs qui en découlent répliquent ensuite cette mutation naturellement. Utiliser les retrons permet donc de « produire de l’ADN simple brin à l’intérieur des cellules que nous voulions modifier, plutôt que d’essayer de les forcer à entrer dans la cellule de l’extérieur, et sans endommager l’ADN natif, deux qualités très convaincantes ».
Un outil « plus simple et plus flexible » que les ciseaux CRISPR
La technique basée sur les retrons a donc pour avantage majeur de ne pas endommager l’ADN, évitant les dommages collatéraux des ciseaux génétiques CRISPR. Par ailleurs, la séquence génétique des retrons peut faire office de « code-barre » permettant de les identifier. Ce niveau de précision offre aux chercheurs la possibilité de procéder à de l’édition génétique sur un groupe de plusieurs cibles dans lesquelles on veut insérer des mutations. Pour les recherches, cela sert à « réaliser des millions d’expériences simultanément, ce qui nous permet d’observer les effets des mutations sur l’ensemble du génome, ainsi que la façon dont ces mutations peuvent interagir entre elles ».
Les auteurs en concluent que la RLR est « un outil d’édition génétique plus simple et plus flexible », qui peut être utilisé pour des expériences à plusieurs, tout en éliminant « la toxicité souvent observée avec CRISPR » et en améliorant « la capacité des chercheurs à explorer les mutations au niveau du génome ». Le groupe de recherche estime que cette technique pourrait être combinée avec CRISPR, ou tout simplement servir de remplacement dans les situations où les ciseaux génétiques de CRISPR sont réputés être risqués.
Cette technique basée sur les retrons n’est pas la première innovation se présentant comme une alternative à CRISPR pour l’édition génétique. En octobre 2019, des généticiens avaient présenté, dans Nature, le prime editing. Là encore, il s’agit d’éviter les effets délétères de la découpe : cette technique vise à simplement entailler l’ADN pour réécrire son code.
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